Etat des lieux de l’expérience collaborateur en France

Parlons RH vient de publier son 3e baromètre de l’expérience collaborateur. L’étude a impliqué plus de 1000 personnes donc 675 travaillant au sein de la fonction RH et 231 partenaires et prestataires de la fonction RH.

L’expérience collaborateur : une dynamique réelle…

La première chose qu’on peut dire c’est que la question de l’expérience collaborateur est aujourd’hui une dynamique réelle puisque 35% des répondants ont une telle démarche dans leur entreprise. Mais on ne peut pas non plus parler de tsunami. Sans surprises les initiatives sont récentes (43% moins d’un an) mais 44% ont entre 1 et 3 ans.

Les 3 premiers objectifs poursuivis sont le renforcement de l’engagement, l’amélioration de la performance globale de l’organisation et le renforcement de l’attractivité de l’entreprise. Comme j’ai déjà pu le dire ici et comme j’aurais l’occasion de le détailler dans le futur l’amélioration de la performance globale de l’organisation est à mon avis la seule raison qui doit dicter la mise ne place d’un programme d’expérience collaborateur. Le reste ne sont que des moyens pour y parvenir.

…malgré des incohérences

Je reste surpris que l’amélioration des services au client et de la marque employeur arrivent en dernier. La marque employeur parce que si on met l’attractivité en haut du classement il faut être schizophrène pour mettre la marque en bas. Et le service client parce que in fine si ce qu’on fait en interne ne bénéficie pas au client je vois mal pourquoi on veut que cela améliore la performance de l’organisation. D’autant plus qu’un programme qui a un moment n’impacte pas le client a du mal de vraiment mobiliser globalement en interne, en tout cas pas ceux qui comptent et ont la main sur les budgets les plus significatifs.

Par contre il me semble qu’on aime répéter les mêmes bêtises au fil des ans. A la question de savoir de qui il est important d’améliorer l’expérience en priorité la première réponse est le manager (68%!) suivi des salariés en contact avec les clients (47%). Les bras m’en tombent. J’avais déjà évoqué le sujet par le passé sous l’angle de la transformation digitale et je n’ai pas changé d’avis depuis. De manière générale l’expérience collaborateur ne peut pas être discriminante. On en reparlera en temps voulu mais je dirai même qu‘il faut partir du client et remonter jusqu’en haut de l’entreprise. Bien sur il faut s’occuper du manager mais pour que celui-ci s’occupe du collaborateur qui lui s’occupe du client. Commencer par le manager est aussi inutile que suicidaire sans plan d’ensemble. Et un plan d’ensemble bien pensé ne peut que commencer par le bas voire l’externe !

Encore du mal d’aller au fond des choses

Quand on regarde les chantiers par lesquels commencent l’expérience collaborateur on trouve l’onboarding, la mesure de la satisfaction au travail et l’accompagnement des managers. Logique pour l’onboarding qui est le premier moment clé du collaborateur (mais voir l’expérience candidat arriver en queue de classement me fait dire qu’avant d’onboarder il faudrait quand même recruter). La mesure de la satisfaction…surprenant qu’on parle de la mesurer et pas de l’améliorer. Quant au management c’est un point de contact essentiel entre le collaborateur et l’entreprise . Je reste surpris du périmètre des sujets. Pour ma part un des premiers chantiers (après le onboarding) a été la simplification de l’organisation (point de friction majeur) et remettre le management au service du collaborateur et de la transformation de l’organisation.

Mais ne boudons pas notre plaisir au moins les choses avancent et la pratique s’enrichira avec le temps à mon avis. Et les résultats semblent bons car 84% se disent satisfaits. Visiblement, par ailleurs, cela se passe moins bien dans les grandes entreprises à cause de la lourdeur de l’organisation qui empêche de faire bouger les choses. Qu’on s’entende bien : nos organisations ont été construites pour protéger leur propre stabilité et rejeter tout virus externe. On ne pourra pas compter sur elles pour changer les choses car elles ont été pensées pour protéger l’entreprise du changement.

Comme le disait un de mes maitres à penser, j’ai nommé le regretté Eliyahu M. Goldratt « On ne doit s’attendre à  ce qu’une application fonctionne dans un environnement dans lequel ses hypothèses ne sont pas valides » . J’ai souvent utilisé cette citation pour expliquer l’échec de la transformation des organisation par la seule implémentation d’une technologie nouvelle mais cela fonctionne pour tout concept nouveau. Les principes directeurs de l’expérience collaborateur provoquent une réaction immunitaire de l’organisation. Point.

Ce qui me ramène à ma remarque sur la simplification de l’organisation. La simplification de l’organisation, des process et la rationalisation des outils doit être un chantier prioritaire car c’est un des facteurs principaux d’une mauvaise expérience et parce qu’ensuite cela empêche de transformer le reste. Transformer l’organisation pour transformer le reste : une action, deux bénéfices. CQFD.

L’expérience collaborateur est un projet d’entreprise pas un simple programme RH

D’ailleurs quand on voit les facteurs de succès principaux il y a l’impulsion de la direction, l’implication des managers et la culture du changement dans l’entreprise. Pour l’implication de la direction c’est évident car c’est un sujet de performance organisationnelle. Pour les managers c’est aussi évident pourvu qu’on manie bien le duo support/sens. Et pour la culture, justement, on en revient à simplifier l’organisation et remettre les managers au service du collaborateur et du changement au lieu de s’en servir comme outil de contrôle, de reporting et gâcher inutilement leur énergie. Pour ce qui est des freins on retrouve justement le manque de tout cela. Logique.

Intéressant : Seules 3 entreprises sur 10 se font accompagner. Est-ce une prise de conscience que c’est trop important pour le confier à d’autres ? Est-ce qu’au contraire ça ne l’est pas assez pour investir ? Est-ce le manque d’offre lisible sur le marché ? On ne le saura pas.

Je suis par contre rassuré de voir que 28% de ces entreprises se fait accompagner par un cabinet de conseil RH. 8% par une agence marketing RH et 2% par une agence de communication : au moins cela prouve que ces entreprises ont compris que ça n’était pas un enjeu d’apparence. Quant au 36% qui font appel à un consultant, vu qu’on ne sait pas un consultant en quoi je ne puis me prononcer. Pour ma part mon premier choix serait un cabinet de conseil en management et organisation et mon second un conseil RH à l’exclusion de toutes les autres possibilités.

En tout cas merci à Thomas Chardin et son équipe pour ce travail très instructif. L’occasion de refaire une interview croisée ? Je vois d’ailleurs que les résultats de cette étude montrent une maturité accrue dans la lignée de notre échange de l’an dernier.

Photo : Expérience employé de kentoh via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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