Alors que dans son expérience quotidienne chacun est habitué à vivre dans un monde de plus en plus décloisonné et en réseau c’est souvent l’inverse qui se passe lorsqu’on passe la porte de l’entreprise.
Et une fois encore au delà du cliché du collaborateur qui ne peut pas se comporter au travail comme il le fait « à la maison » il y a une foule de dysfonctionnements dont pâtit l’entreprise.
L’entreprise : des boites empilées dans des silos
Les seules cloisons qui sont tombées à ce jour dans l’entreprise sont celles des bureaux devenus open spaces depuis déjà longtemps. Pour le reste le mal est profond.
Face à la complexité des sujets à traiter, que ce soit des sujets interne ou qu’il s’agisse de servir un client, l’hyperspécialisation n’est plus la solution miracle, ou en tout cas plus seule. Plus que jamais il est devenu important de faire collaborer les expertises : mieux vaut trois demi experts qui collaborent que 10 sommités dans leur domaine qui ne se parlent pas.
Mais comme on l’a déjà vu, nos organisations ont pris pour habitude de répondre à la complexité du monde par de la complication et on a donc savamment tout fait pour que la complication interne empêche la collaboration.
Prenez un sujet transverse par nature comme la transformation digitale. Dans un monde idéal elle doit réunir autour d’une même table l’IT, le marketing, les RH, les ventes, la communication voire d’autres selon le secteur d’activité. Que se passe-t-il dans la vraie vie ? Si deux d’entre eux sont présents c’est déjà un tour de force. Si vous avez davantage vous vous rendrez vite compte que cela fait des années qu’ils ne se sont pas parlé voire qu’ils feront en plein comité de pilotage les réunions qu’ils ne font pas en dehors tant travailler ensemble ne fait pas partie de leur routine.
Pas besoin d’aller si loin. Rien qu’en matière de commerce unifié, sujet Ô combien capital en ce moment, on a parfois l’impression que le marketing fait la connaissance de l’IT.
Inutile de préciser que ces mauvaises habitudes se propagent tout le long de l’organigramme et que ce qui vaut en haut vaut encore davantage en bas.
Parfois au sein même d’un service les gens ne se parlent pas en fonction de leur spécialité ou du projet auquel ils sont affectés.
Je me souviens même avoir plusieurs fois, dans la mise en place d’outils collaboratifs ou de réseaux sociaux d’entreprise avoir été confronté dans des situations où pour parler à un de ses alter egos dans un autre département, un collaborateur devait passer par son manager, qui passait par le manager de l’autre, lequel transmettait. Parfois pour trouver le niveau où un manager avait la possibilité de parler à quelqu’un qui allait transmettre il fallait remonter au niveau n+3. Ou alors on voulait rendre impossible le fait qu’une personne se « connecte » à une personne d’un autre service.
Et comment quelque chose qui est contre nature dans la vie réelle ne se passera jamais dans un outil je vous laisse deviner le ROI des outils installés.
Mais les silos ne sont pas qu’horizontaux, ils sont également verticaux. Et quand vous avez des murs sur les côtés et au dessus ça s’appelle une boite et on y est vite serrés.
Aussi bizarre que cela puisse sembler à une époque où on prône la réactivité, les structures plates et les circuits de communication courts il y a des entreprises où l’on ne peut pas directement s’adresser à une personne qui est au dessus de son manager. Si si je vous promet.
Je vous passe les cas où différentes entités interne peuvent même se considérer comme étant en compétition voire l’être dans les faits et, pire, que ça ne soit pas accidentel mais voulu. Regardez chez nombre d’enseignes la relation délétère qui existe entre le e-commerce et le magasin qu’on a pensé au départ comme deux business distincts et vous aurez un excellent exemple.
Les causes premières sont diverses : culture « old school », stricte allocation des coûts qui fait que collaborer hors d’un silo est vu comme une perte d’argent (déjà entendu « c’est ma ressource, s’il prend une heure pour aider quelqu’un dans une autre entité c’est de l’argent que je perd »), manque de poids des structures transverses qui se font toujours rattraper par la hiérarchie…
Et les coûts sont connus. Manque de réactivité, innovation en berne, incapacité collective à trouver des solutions…on a là les principaux maux de nos entreprises. Dommage dans un monde où vitesse et coopération à grande échelle sont la seule voie vers le succès.
Une entreprise fermée à l’extérieur
NIH. En trois lettres tient un mal qui a empêché et empêche toujours les organisations de progresser, trouver des solutions à certains problèmes et surtout de le faire vite quand le pire ennemi est le temps. NIH pour « Not Invented Here ». Pas inventé ici. Les entreprises sont totalement allergiques à ce qui a pu faire ses preuves ailleurs et aiment se compliquer la vie à perdre un temps inutile pour réinventer la roue, parfois en moins bien. Je suis le premier à dire qu’il vaut mieux copier la méthode que le résultat final mais il y a quand même des limites.
Pourquoi ? A cause d’un autre virus appelé MCID. « My Company is different ». Alors oui, comme on dit outre Atlantique « Culture eats strategy for breakfast » mais quand même…C’est une excuse facile pour ne pas essayer, ne pas oser alors qu’il y a un grand nombre de choses, de changements, d’améliorations qui ne souffrent pas du frein culturel.
Des entreprise tellement fermées que même la plupart des rachats et fusions acquisition peinent à créer la valeur escomptée. Ils ne sont plus des étrangers, ils sont désormais de la même maison mais rien n’y fait. Même une fois les équipes fusionnées il reste les « ex X » et les « ex Y » et même cinq ou dix ans après on entend « ah non lui il vient d’un rachat ». L’abolition de la frontière légale ne fait pas tomber les frontières mentales. Regardez le taux de démission dans les 1 à 2 ans qui suivent une telle opération et vous saurez si elle a bien fonctionné. Alors bien sûr ici la culture joue son rôle mais au delà de ça il reste le « nous c’est nous et les autres c’est les autres » qui reste durablement ancré.
Je ne parle même pas des partenariats qui là encore ont trop souvent des résultats largement en deçà des espérances avec deux entreprises qui espèrent que l’autre amènera les clients et qui jouent au maximum la carte de la rétention d’information.
Des données à libérer
Je ne pouvais pas non plus ne pas évoquer le cas des données. Le silotage voire la mise en boite des équipes et des individus entraine le silotage de nombreuse données.
Prenons l’exemple de la donnée client. Le site web en a une partie, le magasin une autre, le programme de fidélité un petit bout, le marketing aussi, le service client récupère les problèmes sans l’historique. Chaque point de contact se considère comme propriétaire de « ses » données et les garde jalousement.
Résultat : un client qui à chaque étape de son parcours doit redonner les mêmes informations et ne comprend pas qu’avec tout ce qu’on sait sur lui il n’y ait pas moyen de réconcilier tout cela pour avoir une vue à 360° de son cas et lui proposer une expérience sans couture. Mais ça c’est côté client et ça n’est pas le sujet aujourd’hui.
Par contre côté interne cette même situation génère blocages, inefficacité et frustrations. Le paradoxe c’est que tout le monde aimerait que le voisin partage ses données avec lui pour faire un meilleur travail mais personne le fait tant que les autres ne le font pas. Et comme chacun est évalué sur sa propre performance et pas sur la performance de l’ensemble de la chaine…
Mais il en va de même sur les « donnée collaborateur ». Comme on l’a vu il y a peu, dans l’entreprise on sait à peu près tout du collaborateur mais seule sa connaissance « administrative » est partagée.Pour le reste chacun se débrouille avec ce qu’il a, informations et « context » sont pas ou peu transmis de manager en manager au fil de l’évolution de carrière, les RH ne font pas ou peu de lien entre compétences (c’est chez eux) et performance opérationnelle (c’est chez les managers)…et j’en passe. Frustrant et inefficace une fois encore pour ceux qui aimeraient avoir toutes les cartes en main pour manager le parcours et la carrière du collaborateur au mieux et Ô combien irritant pour le collaborateur qui estime n’être considéré que comme un simple numero parmi d’autres.
Demandez à ceux qui à un moment donné ont fait le choix de rejoindre des structures de taille moyenne, le plus souvent dans leurs motifs de satisfaction ils citeront des gens plus accessibles et moins de rétention d’information. La encore il n’est pas question d’être idéaliste : une entreprise a besoin de murs porteurs et toute donnée et information n’est pas partageable.
Mais à force de mettre des murs porteurs partout, de fermer portes et fenêtres et d’enfermer les données dans un coffre port on n’est plus capables de donner aux collaborateurs les moyens de faire face aux impératifs de vitesse et ce collaboration qui sont indispensables à leur travail.
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Photo : employés isolés de Photobank gallery via Shutterstock