Le management. Irritant #9 de l’expérience employé.

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On dit souvent qu’un salarié rejoint une entreprise et qu’il quitte un manager. C’est dire que le management joue un rôle essentiel dans l’expérience employé. Et c’est sans surprise que le manager arrive dans le top 10 des éléments qui font une bonne expérience employé ou à l’inverse la détruisent.

Le principal reproche fait au manager ? Le mythe bien vivant du « petit chef » qui incarne un modèle « command & control » désormais désuet. Mais il y aussi le faible rôle qu’il joue dans le développement personnel et professionnel du collaborateur, son manque d’impact, la perception qu’il complique les choses plus qu’il ne les facilite etc.

Le manager : un bouc-émissaire facile

Faut il en conclure pour autant comme on l’entend partout que tous les managers sont nuls ? Si on regarde la liste de tous les irritants que nous avons observé jusqu’à présent c’est aller un vite en besogne. En fait, situé à la frontière entre l’organisation et le collaborateur il incarne toutes les contradictions de cette dernière face aux collaborateurs, parfois à son corps défendant d’ailleurs.

Quand vous avez une organisation compliquée, des parcours professionnels mal définis ou suivis, que l’organisation elle-même freine les modes de travail les plus efficaces, que chacun protège jalousement son silo et retient l’information, à quel style de management peut-on s’attendre ? L’entreprise génère les modes de management qu’elle mérite.

Que tout le monde soit conscient qu’il faut évoluer vers un modèle managérial plus proche du servant leadership est une chose, et a fortiori dans un monde qui bascule bon gré mal gré dans le télétravail, mais croire que cela va arriver tout seul est un doux rêve.

On ne change pas une entreprise en transformant les managers mais l’organisation

Dire que les entreprises sont conscientes de tout cela est un euphémisme. Et quoi qu’on en dise, elles investissent dans la formation de leurs managers. Mais pour autant rien ne change. On peut avancer quatre raisons principales à cela.

La première c’est qu’au contraire des « hard skills », les « soft skills » dont on parle ici sont plus dures à acquérir car elles impliquent une remise en cause profonde du « logiciel » de chaque individu. Il faut désapprendre avant d’apprendre mais ce désapprentissage passe par une remise en cause voire une disparition de ce qu’on a été. C’est très personnel, quasiment intime.

Et il faut ajouter à cela que la personne a été recrutée pour certaines caractéristiques qui ont été renforcées au long d’années de dizaines d’années passées dans le monde du travail, dans l’entreprise. Et c’est justement une partie des « qualités » qui font qu’une personne a été recrutée et promue qu’elle doit aujourd’hui oublier voire font qu’elle est un problème.

La seconde est justement intimement liée à la première. Vous pouvez entreprendre toutes les formations que vous voulez, essayer de faire changer les gens voire les changer tout court en les remplaçant, rien ne changera. Je pense que tout le monde a vécu l’épisode de la formation qui se passe bien en petit comité, à tel point qu’à la fin on y croit dur comme fer avant de replonger dans le travail quotidien et revenir aux bonnes vieilles mauvaises habitudes. La raison ? Comme toujours en matière de changement et de transformation : le système l’emporte toujours sur l’individu. La meilleure des volontés ne peut rien contre une mécanique qui fonctionne quasiment de manière autonome et une culture qui n’est la propriété de personne et dure alors que les individus ne font que passer.

On ne critique pas le manager en tant que personne mais en tant que produit d’un système

D’ailleurs si tout le monde se plaint des managers, aussi bien les subalternes que les supérieurs, il est des chiffres qui ne trompent pas. J’avais déjà vu des chiffres similaires à la fin des années 2000 et visiblement rien n’a changé. Oui on se plaint de son manager, mais personne ne veut prendre sa place ! 79% des salariés ne prendraient pas la place de leur manager s’ils le pouvaient.

Et les raison sont éloquentes

La conclusion est assez simple : ils ne critiquent pas leur manager en tant que personne mais en tant que représentant d’un système dysfonctionnel. Raison pour laquelle ils ne pensent pas pouvoir faire mieux s’ils avaient la place !

Bon ou mauvais, l’exemple vient toujours d’en haut

La troisième est un mal commun : l’exemple, bon ou mauvais, vient souvent d’en haut. Nombre d’entreprises arrivent au constat qu’il faut repenser leur model managérial, faire évoluer la posture des managers et entreprennent les actions nécessaires. Mais quand les mauvaises pratiques à bannir sont incarnées au plus haut niveau de l’entreprise les choses se compliquent rapidement. J’en parlais encore avec un middle manager d’une entreprise de taille intermédiaire qui me disait qu’un plan de formation d’ampleur avait été mis en place dans son entreprise, que tout le monde y croyait, mais que ça n’avait rien donné. Tous les niveaux de management avaient été impliqués…sauf la direction générale. Et, à ses dires, ce sont les pratiques et les paroles souvent d’une grande violence de ce petit groupe que subissent les managers de haut niveau avant de les répercuter en dessous d’eux et ainsi de suite.

Là aussi les directions générales sont souvent rapides à désigner des fautifs en négligeant leur propre responsabilité.

Des carrières qui sont des usines à mauvais managers

Et pour finir un autre sujet bien connu : le système qui fait qu’on ne peut progresser que hiérarchiquement et qu’on finit par promouvoir manager d’excellents experts qui feront de médiocres managers. Là c’est la double peine car on perd en expertise sur le terrain et en qualité managériale. Il faudra qu’on accepte un jour où l’autre que de bons managers n’ont pas toujours été les meilleurs sur le terrain au niveau d’en dessous et que le meilleur des hommes de terrain peut ni aptitude managériale ni envie d’occuper un tel poste.

Un rôle et une posture à (re)définir

Il n’en reste pas moins que le rôle et la posture du manager sont totalement à redéfinir. Mais de manière concrète. Les managers sont les premiers à se plaindre qu’on leur demande de bien manager…sans jamais expliciter ce que cela signifie. Ou alors au travers d’objectifs mais sans préciser comment cela doit se matérialiser au quotidien, comme si le management était une science innée !

Or si le management ne s’apprend pas, ou pas totalement, aucune entreprise n’a pris la peine d’expliquer concrètement à quoi ressemblait un bon management au quotidien, ce qu’on attendait concrètement des managers au quotidien. Pas étonnant que chacun fasse à sa manière et de manière désordonnée.

Il faut a tout prix sortir de l’idée selon laquelle tout le monde a des bases, tout le monde a une part de manager en lui et qu’hériter du titre permet de mettre tout cela en pratique. Cela passe peut être par le fait d’abandonner l‘illusion selon laquelle les diplômés d’écoles de management ont appris à manager. Ils ont appris à gérer, à administrer, pas à manager (comme quoi une mauvaise traduction de l’anglais peut avoir des effets ravageurs).

Et c’est peut être là tout le mal : demander à des gestionnaires ou des experts de devenir des managers car les qualités requises ne sont pas les mêmes.

Photo : mauvais management de Sergey Nivens via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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