Dans ce chantier qui a consisté à lister et expliquer tout ce que j’appelle les « irritants de l’expérience employé » qui ne sont ni plus moins que tous les points et motifs de friction qui empêchent simplement les gens de faire leur travail aussi bien et efficacement qu’ils le peuvent je ne pensais pas forcément traiter le point du trop peu de formalisation de l’organisation au départ. Et puis il s’est imposé de lui même, non pas parce que 13 irritants cela pouvait porter malheur mais parce que l’épisode de confinement et de télétravail à marche forcé que nous avons vécu et que certains ont subi nous a mis certaines limites des organisations en pleine lumière et montré l’écart entre les entreprises qui ont une pratique inexistante ou limitée du télétravail et celles qui le pratiquent de manière plus généralisée et en ont une maitrise avérée.
Si l’on fait le pari que, sans qu’on sache encore dans quelles proportions, le travail à distance va largement augmenter son empreinte dans les temps à venir, ce sujet a donc trouvé tout légitimement sa place.
Quand la transmission du savoir n’est pas organisée elle ne se passe pas
Comme prévu un des enseignements de cette période de télétravail à marche forcée a été, comme attendu, qu’en perdant le les échanges « off », informels et la capacité à identifier des signaux faibles, souvent informels le collaborateur s’est coupé d’un grand nombre de sources d’information et de réponses à des questions.
Alors bien sûr les collaborateurs connaissent par cœur les règles et process qu’ils doivent utiliser et suivre 95% du temps…et qui doivent représenter pour chacun 5% de la masse de règles en tout genre qu’une entreprise est capable d’édicter (estimation totalement personnelle).
Mais les connaissent ils précisément ? Dans certains cas oui, dans d’autres non. Dans certains cas ils ont été formés et bien formés ou alors ils ont trouvé la chose clairement écrite et documentée car elle est assez importante pour qu’on passe un peu de temps à le formaliser. Mais dans d’autres cas ils ont été soit mal formés, soit ils n’ont eu l’information que de manière abrégée voire altérée par bouche à oreille.
Ensuite il y a tout ce qu’on ne leur a pas appris, et c’est logique, car ce sont des choses qu’on ne doit savoir qu’en de rares occasions. Inutile de leur encombrer l’esprit pour rien lors de leur onboarding. Et lorsqu’ils en ont besoin la plupart du temps ils ne cherchent même pas à savoir si l’information est disponible quelque part , ils demandent à un collègue.
Enfin il y tout ce qu’on apprend au fil de l’eau par la pratique et par l’échange. Cela touche à la manière dont on travaille et à certains codes culturels. Ca n’est écrit nulle part, ça n’a parfois aucune existence officielle mais ça a une existence bien réelle et il vaut mieux le connaitre.
La réalité de ce qui se passe en tout temps et c’est logique vu le niveau de complication des organisations c’est que quand on ne sait pas on demande à un collègue et à la fin on finit en général par trouver. Parfois on cherche dans l’intranet mais c’est compliqué et mal organisé et il n’y a aucune garantie que ce qu’on cherche s’y trouve ou alors on n’a pas de temps à perdre à fouiller dans les x intranets que comporte l’entreprise donc on n’essaie même pas. Et quand on ne connait pas les bonnes personnes ou qu’on ose pas demander on a du mal de trouver. Mais quoi qu’il en soit les choses sont toujours plus simples quand on est entourés de gens dans l’open space ou qu’on les croise à la machine à café.
Ce qu’on a appris pendant le confinement c’est que pleins de choses qui circulaient quasi naturellement de manière informelle ne circulaient plus ou mal. On a ainsi assisté à une multiplication des demandes d’aides ou d’explication sur des points d’organisation interne qu’on croyait acquis pour tous avec comme corolaire une augmentation des « interruptions » de travail causées par des demandes par tchat ou par email.
L’enjeu du remote onboarding
Ca c’est pour les salariés déjà installés dans l’entreprise. Mais il y a ceux qui sont plus récents voire ont rejoint l’entreprise pendant la période de télétravail, cas de figure qui risque de devenir de plus en plus fréquent à l’avenir.
On se retrouve dans la même configuration que pour les salariés « normaux » mais en pire car même la transmission des informations les plus basiques se fait en mode dégradé.
Ce qui était fait en présentiel est fait à distance, les moments d’échanges informels autour de l’onboarding sont moins nombreux voire disparaissent, et un processus d’intégration plus light d’un point de vue social ne permet pas d’assez connaitre ses collègues ou d’en connaitre assez pour aller les solliciter en cas de problème, de question d’ordre divers.
Une organisation peu formalisée est un danger
Le résultat : des collaborateurs qui se considèrent, selon les cas, pas assez informés, onboardés, aidés. Mais ça n’est que le ressenti. L’impact c’est du temps perdu, des retards, des erreurs et au final de la frustration pour les collaborateurs.
Cela n’a rien de neuf mais dans un environnement présentiel la proximité des autres et la facilité des contacts permet de compenser. Ca n’est pas une excuse pour ne pas pallier au manque de formalisation des différentes règle et process de l’entreprise et leur mise à disposition sous une forme facile à rechercher et à consommer pour le collaborateur mais c’est un moindre mal.
Ce que nous a appris le confinement c’est que le travail à distance dès lors qu’il s’opère à grande échelle sur tout ou l’essentiel du temps de travail demande aux entreprises un effort accru sur la formalisation de tous leurs process et sur la facilité de recherche, consultation, consommation des contenus ainsi réalisés. N’oublions pas l’important n’est pas la mise à disposition mais la réutilisation.
On peut encore s’étonner qu’à l’heure ou tout le monde parle de symétrie des attentions, il existe de vrais helpdesks et des bibliothèques de ressources et autres FAQs en self service pour le client et que rien de similaire n’existe pour le collaborateur qui se meut, lui, dans un environnement infiniment plus complexe. Pourquoi un service client et pas un service employé ?
Et même si les procédure de onboarding prévoient des formations en présentiel, demain tout devra impérativement être doublé d’une mise à disposition sous forme digitale.
Le formalisme n’est pas l’ennemi de la flexibilité et de l’agilité
Alors là vous allez me dire que je ne peux pas à la fois prôner l’agilité à tous les étages et me plaindre du manque de formalisme d’organisations parfois trop informelles. Mais les deux vont très bien ensemble.
Formaliser ne veut pas dire rigidifier ou compliquer, mais simplement dire et écrire ce qui est. Ca peut être inutilement compliqué comme très flexible. D’ailleurs, mais ça n’est pas le sujet ici mais on en parlera dans un autre billet, ce travail de formalisation peut être l’occasion de se demander « pourquoi faisons nous ainsi » et procéder à un travail de redesign orienté vers la simplification.
- La complication organisationnelle : irritant #1 de l’expérience employé
- Des process conçus pour les mauvaises personnes: l’irritant #2 de l’expérience employé
- Une expérience de masse. L’irritant #3 de l’expérience employé
- L’entreprise cloisonnée. Irritant #4 de l’expérience employé
- Rétention et difficulté d’accès et d’utilisation de l’information. Irritant #5 de l’expérience employé.
- Une organisation incohérente avec la manière dont on travaille. Irritant #6 de l’expérience employé
- Une expérience IT compliquée. Irritant #7 de l’expérience employé
- Salariés perdus dans les parcours RH. Irritant #8 de l’expérience employé
- Le management. Irritant #9 de l’expérience employé.
- Une entreprise pas omnicanale du tout ! Irritant #10 de l’expérience employé.
- Le lieu de travail, irritant #11 de l’expérience employé.
- Clients et projets : irritant #12 de l’expérience employé
- Une organization désynchronisée, irritant #13 de l’expérience employé
- Une organisation trop informelle, irritant #14 de l’expérience employé
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