Quel est l’impact d’une mauvaise expérience employé ?

Nous avons récemment passé en revue les « 14 plaies » de l’expérience employé, les 14 grands points de friction qui détériorent l’expérience employé. Pour mémoire :

Mais avant de se demander comment faire pour corriger cela encore faut il savoir si ça en vaut la peine. Tout à un coût et c’est au regard des bénéfices attendus qu’on sait si on jette l’argent par les fenêtres ou si on investit.

Efficacité et productivité en baisse

Je sais que lorsqu’on parle du sujet beaucoup commencent par mettre en avant des questions d’image et d’engagement. Ces sujets ne sont pas à négliger mais de mon point de vue ils viennent après, voire ne sont que des conséquences du reste.

De mon point de vue, et c’est la raison qui m’a fait m’intéresser au sujet, la première conséquence d’une mauvaise expérience employé se mesure en termes de productivité, de coûts, de rentabilité. Et je souhaite à quiconque qui me dira qu’il s’agit d’indicateurs d’un ancien monde de ne jamais avoir à piloter une entreprise en temps de crise, exercice très utile pour se doter d’un certain sens des réalités et se décontaminer du virus bisounours.

Au niveau de la personne, qu’on parle du cadre en col blanc ou même de l’ouvrier en col bleu, une mauvaise expérience employé c’est du temps perdu et plus globalement un surcroit d’effort pour arriver au même résultat. C’est la définition même de la non productivité.

Une entreprise qui propose une mauvaise expérience employé décide lentement, exécute lentement individuellement et collectivement, peine d’ailleurs à être collectivement plus efficace que la somme des individualités.

Si vous ne devez retenir qu’une seule raison de vous intéresser au sujet c’est celle là. Si vous ne devez garder qu’une seule image en tête c’est celle d’une personne à qui vous demandez de courir de plus en plus vite tout en lui accrochant vous-même un boulet au pied !

Satisfaction client en berne

La conséquence immédiate d’un salarié peu efficace ou, généralement, d’un salarié qui passe plus de temps à se battre contre son organisation, contre une entreprise qu’il traine comme un boulet derrière lui c’est généralement un client peu satisfait.

Côté client cela se concrétise par une relation client peu qualifiée ou personnalisée. Cela se matérialise également par l’incapacité à lui proposer une solution ou une réponse dans l’instant car il faut demander, faire valider, avoir l’autorisation, accéder à la bonne information. Le pire dans l’histoire c’est lorsqu’il est possible sur internet d’avoir l’information de suite alors qu’on est devant un humain dans une agence, un magasin ou au téléphone on nous demande d’attendre, de remplir un dossier, on nous dit qu’on aura une réponse « sous peu ».

Gardez juste en tête cette équation : mauvaise expérience employé = salarié perçu comme inutile par le client qui l’a en face de lui. Et dans ce cas précis l’empowerment du salarié en face du client qui semble souvent la réponse la plus évidente ne fonctionne pas car si cela va mal sur le terrain c’est en général la conséquence de dysfonctionnements qui s’accumulent sur tout la chaine, du haut vers le bas.

Actionnaires pas contents

Les chiffres ne mentent pas et ceux là je les aime beaucoup.

Depuis 1965 le retour sur capital investi ne cesse de décroitre (ROA = Return on Assets, ROIC = Return on invested capital)

Et d’ailleurs la productivité n’augment plus !

Et tout cela alors que :

  • L’informatique a envahi nos entreprises
  • On n’a jamais cessé d’augmenter l’intensité du travail

Paradoxal ?

Pour ma part j’illustre la question de l’intensité du travail et de l’investissement par une métaphore cycliste. On investit dans des vélos de plus en plus chers et on pédale de plus en plus vite mais on avance de moins en moins vite. Au lieu de s’en prendre au cycliste regardez plutôt la chaine et la transmission.

En 1987 Robert Solow, Prix Nobel d’Economie disait « vous pouvez voir l’ère informatique partout, sauf dans les statistiques de la productivité ».

Par là il ne voulait pas dire que l’informatique n’apportait rien en termes de productivité mais que nous ne l’avions pas adopté pour travailler mieux

C’est d’ailleurs une des conclusions du « Big Shift », l’étude de Deloitte qui au début des années 2010 avait mis en avant le déclin du ROA. Nous avons la technologie mais nous ne l’utilisons pas pour travailler mieux et autrement.

Donc ce qui dans l’entreprise se voit comme de la complication, ce qui côté client se voit comme un service et une relation de mauvaise qualité, se voit logiquement côté finances comme un investissement qui rapporte de moins en moins.

Pour une fois qu’on n’oppose pas l’actionnaire et le collaborateur profitons en ! Car ce qui rendrait l’investissement plus rentable serait ce qui simplifie la vie du collaborateur et améliore la satisfaction client.

Engagement collaborateur en baisse et marque employeur dégradée

La suite logique de tout cela c’est des collaborateurs de moins en moins engagés et il n’est pas nécessaire d’être Prix Nobel pour établir le lien de causalité entre ces facteurs :

• Un salarié qui passe de plus en plus de temps à lutter contre l’organisation qu’à faire son travail et penser au client

• Un salarié qui voit qu’on investit de plus en plus pour l’expérience client mais pas pour l’expérience employé et qui a l’impression d’être le cocu de l’histoire

Bref quand on fait des efforts, que malgré ces efforts les résultats ne sont pas à la hauteur et que ceux qui vous reprochent ces résultats sont ceux qui vous empêchent de les atteindre il n’y a pas de quoi hurler de bonheur.

Donc une mauvaise expérience mène au désengagement et je ne vais pas vous ressortir les chiffres maintes fois publiés et commentés du niveau d’engagement des collaborateurs et de l’impact que cela a sur la productivité, l’absentéisme, la satisfaction client etc..

Et vient enfin et seulement la question de la marque employeur. Enfin car je ne pense pas qu’en 2020 une entreprise ait le moindre pouvoir direct sur sa marque employeur. L’entreprise ne contrôle que son discours, pas sa marque. Sa marque, comme pour la marque commerciale, n’est plus une affaire de communication mais d’expérience : c’est ce que vivent le collaborateur ou le candidat et qu’ils partageront autour d’eux. La marque employeur n’est plus ce que l’entreprise raconte mais la différence entre ce qu’elle promet et ce que vit le collaborateur.

Peu importe l’angle sous lequel on prend les choses, l’expérience employé est un concept beaucoup plus opérationnel que qualitatif dont l’impact justifie qu’on le regarde avec un oeil différent qu’un simple programme de « well being » ou de « bonheur au travail ».

Photo : Mauvaise expérience employé de pathdoc via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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