L’expérience employé : la facette manquante de l’Employee Value Proposition

Après avoir successivement parlé de manière générale de l’expérience candidat sur un site carrière avec une grosse partie dédié au message délivré et du lien entre marque employeur et expérience employé, on ne peut pas ne pas évoquer le sujet de l’Employee Value Proposition, ou EVP.

L’EVP ou un contrat de bénéfices RH

Qu’est ce que l’Employee Value Proposition ? Pour les personnes « non RH » peu au fait de la chose c’est la manière dont l’entreprise s’engage à créer de la valeur pour le collaborateur. Une manière très polie de parler de la liste des avantages en toute sorte qu’une entreprise propose à ses salariés.

On y trouve :

  • La rémunération
  • Les avantages
  • La culture d’entreprise
  • Le développement personnel et la gestion des carrières
  • L’environnement de travail

Il est intéressant de noter que selon les sources et les entreprises ses composantes ne sont pas les mêmes. Ou plutôt on y trouve peu ou prou les mêmes choses mais pas organisées de la même manière.

Le fait qu’une entreprise classe le travail à distance dans les avantages et pas dans l’environnement de travail en dit par exemple beaucoup sur…sa culture.

Quant à ce que qu’on met dans l’environnement de travail…parfois cela va jusqu’au modèle managérial et l’organisation du travail mais très souvent ce sont des concepts génériques assez vagues qui n’engagent pas trop. Mais il n’y pas si longtemps de cela on en parlait à peine ou pas, donc il y a un vrai progrès.

Salaires et avantages sont ils une expérience ?

Si la partie concernant les avantages divers et les salaires est légitime dans une EVP, peut on également considérer que cela fait partie de l’expérience employé ? Certains trouveront que oui, moi non.

Pour la partie salaire je trouve que c’est assez évident. On ne vit pas un salaire. On le prend. A la limite l’expérience consiste en ce qu’on en fait.

En plus même s’il évolue dans le temps le salaire est un acquis. Déjà on en a un. Ensuite si j’en crois certaines études même lorsqu’on a une augmentation elle n’a un vrai impact que le premiers mois où elle est versée. Ensuite c’est un non sujet. Dans cette logique les primes exceptionnelles, elles, relèvent davantage d’une expérience.

Le salaire c’est un peu l’amour dans une relation de couple. Quand on le tient pour acquis on tombe dans la routine et c’est là que les problèmes commencent. Il n’y a pas d’amour il n’y a que des preuves d’amour et c’est à cela que correspondent primes exceptionnels et bonus à condition que l’un sache qu’il doit faire des choses pour les mériter et que l’autre n’oublie pas de valoriser le geste de donner le bonus.

Pour ce qui est des avantages on est tout de même davantage dans le champ d’une expérience mais cela appelle certaines réflexions.

La première, je l’ai dit, est que penser le travail flexible ou le télétravail comme un avantage et pas comme une composante de l’environnement de travail et une manière d’organiser le travail et la production ne me semble pas rassurant quant à la manière dont l’entreprise pense le travail en 2020.

La seconde, encore une fois , c’est de se dire qu’un salarié qui accorde plus d’importance à vivre ses avantages qu’à vivre son travail me dérange un peu. Les deux comptent dans une logique d’expérience employé mais il y a tout de même un sens des priorités à avoir.

Vers une vraie promesse d’expérience employé

Pour ma part je serais d’avis de séparer la partie qui relève pour moi exclusivement de l’expérience employé. A savoir :

  • L’environnement de travail avec notamment le modèle de travail, le modèle managérial, les règles de prises de décision, les dispositifs de communication, la digital workplace, le télétravail, le niveau d’autonomie, la manière dont s’organisent délégation et subsidiarité.
  • La manière dont sont construites et progressent les carrières.

L’un est l’expérience immédiate dans le travail, l’autre l’expérience dans la durée dans l’entreprise.

En tout cas ces sujets sont beaucoup trop absents de la communication sur la marque employeur ou en tout cas pas traités assez en profondeur.

Parce que ce qui me dérange un peu dans l’EVP c’est :

  • Qu’il est trop RH et pas assez opérationnel et business. Mais ça a l’air de s’arranger avec le temps.
  • Qu’en fait de « proposition » il s’agit surtout d’une promesse. Et chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Justement, parlons du second point. Avoir une EVP et la formuler c’est bien, qu’elle soit respectée en est une autre.

Le côté salaire, avantages etc. l’est en général car légal, des choses sont issues d’un accord avec les partenaires sociaux…

Pour le reste et bien cela dépend. Management pas si « agile ». Travail pas si flexible. Télétravail seulement si votre manager en a envie. Respect des parcours de carrière pour peu que votre manager y prête attention et se soucie du développement de ses équipes.

Cette partie de l’EVP ou d’une proposition d’expérience employé nous rappelle comme je le disais précédemment que la communication ne se substitue pas à l’exécution. La question n’est pas de blâmer ceux qui font la promesse mais ceux qui ne l’exécutent pas. Au fond le message est « c’est que qu’on essaie d’être mais selon l’endroit où vous tomberez on ne vous garantit rien ». Mais du point de vue de l’entreprise ceux qui font la promesse et ceux qui pourraient la faire exécuter ne sont pas les mêmes, ne se parlent pas, et l’idée même qu’ils aient à collaborer sur ce sujet n’effleure l’esprit de personne.

Pour un collaborateur savoir comment va être organisé son travail est tout sauf anecdotique. Management directif ou non. Agile ou pas. Outils de collaboration et communication dernier cri ou d’un autre âge. Délégation et/ou subsidiarité vraiment mis en place ou pas. Outils de travail fonctionnant vraiment à distance et environnement de travail totalement accessible à distance ou pas.

Quels sont les éléments essentiels du deal entre un employeur et ses collaborateurs ?

Pour moi il a des choses essentielles et secondaires dans les facteurs qui font qu’à un moment un employeur et un collaborateur décident de faire du chemin ensemble.

Bien sûr il y a la dimension salariale.

Et puis il y a ce que j’appellerai les qualités essentielles de l’un et de l’autre.

Si un salarié ment sur son expérience et sa qualification il peut s’attendre à prendre la porte assez rapidement dès que la supercherie est découverte. Et parfois même s’il donne satisfaction : le mensonge initial jettera un doute indélébile sur son honnêteté.

De l’autre côté peut on penser que le contenu et l’organisation du travail sont une qualité essentielle de l’entreprise pour laquelle un collaborateur la rejoint ? A mon avis oui et aujourd’hui plus que jamais. On parle tout de même de ce qui va conditionner 90% de son expérience au travail mais surtout de choses qui le rendront ou non performant !

Mais quand une entreprise embellit la réalité sur des points essentiels dans le processus de recrutement quels sont les recours du salarié ? Démissionner ou souffrir. Il a quitté un job, il perd une opportunité, il a été trompé par action ou omission et à la fin c’est encore lui qui paie les pots cassés.

C’est une situation où tout le monde est perdant. L’entreprise qui devra faire un nouveau recrutement ou devra faire avec un salarié insatisfait d’un côté et le salarié qui devra soit retrouver un emploi ou prendre sur lui d’un autre côté.

Vers un contrat d’expérience employé

Les conditions du deal ne sont donc pas équitables, l’un étant obligé de tenir sa promesse et l’autre pas. Je ne parle pas ici de recours légaux, quoique certains en seraient peut être capables, mais simplement de marque employeur et d’engagement.

Déjà comme je le disais précédemment, la marque employeur d’une entreprise ne se résume plus à ce qu’elle raconte mais à la confrontation entre ce discours et la réalité de l’expérience.

Dans cet article de la Harvard Business Review vous verrez pourquoi beaucoup d’initiatives d’expérience employé échouent. Au nombre des raisons le fait qu’elles ne font qu’augmenter les attentes des salariés de manière parfois irréaliste et ne se matérialisent pas concrètement.

« Trop d’entreprises traitent les initiatives relatives à l’expérience employés comme une campagne marketing, en diffusant des messages officiels lorsqu’elles sont lancées – une approche qui peut sembler inauthentique et non pertinente. »

L’important, faut il le répéter, n’est pas tant la promesse que sa cohérence avec la réalité.

Ensuite parce qu’un salarié qui trouve exactement l’inverse de ce qui lui a été promis va dès le départ accorder moins de crédit à son employeur avec l’impact évident que cela aura sur son engagement. Peut être même va-t-il d’ores et déjà commencer à regarder ailleurs.

Il faudrait donc que l’entreprise pense la chose davantage comme un contrat que comme une proposition ou une promesse. Qu’elle se sente plus engagée et s’assure qu’elle exécute sa promesse à l’échelle de l’entreprise, ou alors qu’elle revoie sa promesse. Qu’elle voit cela comme un acte d’engagement et pas un acte de communication ou une profession de foi qui ne sert qu’à satisfaire son égo. C’est en effet très simple que le miroir vous renvoie une belle image de vous-même si c’est vous qui truquez l’image.

Le difficile art de la promesse de l’entreprise au collaborateur

Le sujet est éminemment complexe car il mélange des choses contradictoires.

  • Des promesses engageantes, d’autres non.
  • Du « soft » (bénéfices RH) et du « hard » (comment s’organise le travail)
  • De l’explicite (ce qu’on dit) et de l’implicite (ce que comprend le collaborateur sans qu’on prenne le risque de le détromper).

Il serait peut être temps donc de remettre un peu de clarté en ayant :

  • Un discours clair et précis organisé autour de deux volets : ce qui touche au fait d’appartenir à l’entreprise et ce qui touche au fait d’y travailler. Le soft et le hard. Le RH et l’opérationnel.
  • Une approche plus engagée (voire engageante) de la part de l’entreprise qui doit s’assurer de la cohérence entre le discours et la réalité. C’est un des intérêts d’une direction expérience employé, ou encore « People » ou « People and Operations »…peu importe le nom, ce qui importe c’est ce qu’elle fait.

Photo : chainon manquant de gerasimov_foto_174 via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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