Etat des lieux du télétravail en France avant de penser à la suite…

Le télétravail est un des grands sujets de 2020, en tout cas dans des pays comme la France où le retard pris sur le sujet par rapport à d’autres pays est abyssal ce qui laisse la porte ouverte à de nombreux questionnements et à une guerre de clochers entre les pour et les contre. Mais où en est-on vraiment ?

Non les entreprises n’ont pas adopté le télétravail suite au confinement

Pendant et à la sortie du confinement j’ai lu un peu partout que le télétravail avait enfin gagné la partie et qu’il n’y aurait pas de retour en arrière, ce à quoi je ne croyais que modérément. Et, bien que le paysage soit encore assez flou, les faits m’ont malheureusement donné en partie raison.

On fait dire ce qu’on veut aux chiffres et on trouvera toujours un sondage ou une enquête qui viendra en démentir une autre. Toutefois il y a des phénomènes qui sont assez clairs.

A la sortie il n’est pas possible d’avoir une opinion tranchée. Pour autant il semble que cela ait plu aux collaborateurs, que les dirigeants aient vu leur méfiance fondre et que tout le monde est conscient qu’il y a tout de même des points de vigilance à avoir.

Alors pourquoi est-ce encore un sujet ? C’est entre les deux que cela coince.

Souvenons nous bien qu’on a, à la fin du confinement, entendu la voix officielle de certaines entreprises prôner le maintient du télétravail à la convenance de chacun pendant que certains managers et/ou RH disaient « ceux qui ne reviennent pas seront les premiers virés si nécessaire« . Si les entreprises sont aujourd’hui les premiers clusters du COVID demandez vous à qui la faute….(mais c’est un autre débat).

Pour faire un distinguo un peu fin : les gens sont globalement favorables au télétravail sous réserve de préciser certaines modalités, mais ce sont les organisations qui bloquent. Par organisation j’entendu la culture, les rouages intermédiaires, la force de l’habitude, des modes opératoires inadaptés voire des personnes qui sont dans l’absolu favorables mais officiellement contre car elles ne sont pas à l’aise pour piloter des organisations à distance.

J’ai déjà, par exemple, entendu un certain nombre de managers dire « en ce qui me concerne j’aime bien télétravailler mais je n’arrive pas à piloter une équipe à distance ».

Il n’y a pas d’approche unique du télétravail

Avant d’aller plus loin entendons nous bien : il n’y a pas d’approche du télétravail qui fonctionne dans toutes les entreprises ou pour tout le monde dans une même entreprise.

Il y a des entreprises dont la culture et l’organisation rendent la chose difficile aujourd’hui. Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas aller plus loin mais cela prendra du temps. J’en veux pour exemple un manager qui me parlait du manque de formalisme dans l’organisation et les process de son entreprise (attention, formalisme ne veut pas dire lourdeur et complication, simplement formaliser la manière dont on fait les choses) : quand on est à distance la transmission d’information, de pratiques, de savoirs qui n’est pas organisée ne se passe plus par hasard de manière informelle comme quand on est au bureau. Ils se sont mis en marche mais ils ont conscience qu’il faudra des mois pour arriver au niveau de formalisme, de documentation et de partage nécessaire pour travailler à distance à l’échelle. Mais en attendant ils ont compris ce qu’était indispensable soit pour faire face à une crise nouvelle soit même pour devenir plus attractifs vis à vis de certains candidats.

Il y a des salariés pour qui c’est plus difficile que pour d’autres. Question de personnalité, d’autonomie, de contexte défavorable à la maison… Pour certains c’est hors de question peu importe le contexte, pour d’autres c’est bien à petite dose, pour d’autres à haute dose voire sans jamais revenir au bureau. Certains n’ont pas aimé le télétravail imposé sans pouvoir sortir de chez soi mais l’apprécient dans un contexte plus normalisé, d’autres n’aimaient pas avant et ont appris à aimer malgré le contexte.

Enfin, c’est évident mais encore faut il le préciser, certains métiers ne peuvent se faire à distance. Personnel d’entretien, d’accueil mais aussi bien évidemment tous les métiers qui ne peuvent s’opérer que sur site. Comme nous l’écrivions dans « le confinement expliqué à mon boss« , pour les ouvriers du BTP, la bétonneuse au milieu du salon ça ne fonctionne pas.

Le télétravail : un menu à la carte

Bref inutile de faire rentrer le télétravail dans des règles rigides car ce qui fonctionne dans une entreprise ne fonctionnera pas dans une autre et dans une même entreprise deux personnes faisant le même métier n’auront pas la même appétence pour le télétravail

Pour autant on peut dégager certains principes :

  • Tout salarié dont le travail peut être théoriquement fait à distance doit pouvoir le faire à distance dans la pratique. Par obligation (confinement), par nécessité d’organisation (déplacements professionnels lointains et fréquents), par convenance personne ou politique d’entreprise.
  • Il ne faut rien imposer. Hors cas de confinement imposé par la puissance publique ou précautions sanitaires dans le contexte que nous connaissons, chaque salarié doit avoir le choix de travailler depuis l’endroit de son choix ou au bureau.
  • Il faut encadrer intelligemment. Pas, contrairement à ce que je peux lire ici et là pour protéger le salarié de l’entreprise mais le plus souvent pour le protéger de lui-même (envie de trop en faire) ou d’un manager qui n’a que faire de la politique d’entreprise.

Le travail hybride est là

Le télétravail pour tous tout le temps est loin d’être devenu une réalité ou même un futur acceptable. Et je ne pense pas que ça serait une bonne chose.

  • On a compris que le 100% présentiel était une contrainte dont les entreprises devaient se libérer.
  • On a compris qu’on ne pourra plus jamais dire « ça ne marchera pas ».
  • On est dans une zone grise qui demande à être clarifiée, où tout le monde a besoin d’être rassuré mais qu’il ne faut pas trop réglementer.

Il faut que cette zone grise reste un peu grise pour justement permettre à chacun de trouver sa zone de confort en dehors d’un « monde d’avant » dont beaucoup ne veulent plus et d’un « monde d’après » trop extrême dont tout le monde ne veut pas.

Plutôt que philosopher sur cet avant qui n’existe plus et cet après qui n’existe pas, construisons sur le présent et cette zone grise qui, elle existe et est là pour durer.

Comme je le disais chez mes amis de Talkspirit it y a peu, le travail hybride est une réalité et c’est la seule certitude qu’on ait. Et je ne pense pas qu’on ait besoin d’en avoir plus. Le monde du travail d’aujourd’hui ne supporte pas l’intégrisme mais favorise la résilience et le pragmatisme, sachons nous en souvenir.

Photo : une menace pour l’emploi de Sergey Nivens via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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