Le onboarding est un moment clé pour un collaborateur. Ce sont ses premiers vrais moments dans l’entreprise, le moment où après n’avoir souvent vu que l’appartement témoin, écouté les promesses des recruteurs et de son futur manager, il va confronter tout cela à la réalité.
Mais avant d’être jeté dans le grand bain, dans l’opérationnel, il y a une phase d’accueil dont on a déjà parlé il y a peu.
Le onboarding va bien au delà de l’accueil
Pour certains onboarding et accueil sont deux noms d’une même chose. A mon avis adopter cette approche est une erreur.
Oui il faut nécessairement une phase d’accueil, c’est la moindre des politesses. Et au delà de la politesse c’est un moyen de ne pas donner envie au collaborateur de partir sitôt arrivé, de lui montrer qu’il est attendu (voire désiré) et de lui permettre de se lancer dans l’opérationnel sinon le coeur léger en tout cas l’esprit libre et rassuré.
Mais il faut plus d’un ou deux jours pour onboarder quelqu’un. Accueillir c’est gérer la transition entre un avant (je ne suis pas dans l’entreprise) et un après (je suis un collaborateur actif). Ca n’est pas assez pour être un gage de succès.
Le succès repose sur différents facteurs dont l’intégration. L’intégration demande un effort de la part des autres mais également de la part du nouvel arrivant. Apprentissage des codes de l’entreprise, de sa culture, de ses règles « générales » puis de ses règles « opérationnelles ». Entre autres.
Oui le manager doit participer à cette transmission dans la durée. Mais souvent il n’a pas le temps ou ne voit pas l’utilité de le prendre. Oui les collègues ont un rôle mais pas toujours la disponibilité ou pas au bon moment. Et dans une entreprise qui pour un temps au moins ou de manière irreversible opérera de plus en plus en distance, les moments de transmission informelle vont se réduire comme une peau de chagrin
Cela signifie trois choses : il faut que cela s’inscrive dans le temps, que des gens soient disponibles, et cela ne se passe pas par hasard (et encore moins dans le futur). De mon expérience on peut considérer qu’une personne est bien « onboardée » sous tous les aspects au bout d’une période de 6 mois à un an.
Après il ne faut oublier qu’à chaque changement de poste ou de projet un « mini onboarding » est nécessaire, ce qu’on oublie ou néglige souvent.
Voilà pour ce qui est de la fin du onboarding qui va bien au delà du pur accueil.
Maintenant reste à savoir quand le onboarding commence.
Un onboarding qui commence à l’arrivée du collaborateur est un onboarding raté
Pour certains « la question elle est vite répondue » : on commence le onboarding le jour de l’arrivée du collaborateur.
Je vois deux limites à cette approche
1°) Le collaborateur sera submergé d’informations lors des premiers jours. Ne peut on pas lisser la charge en lui en diffusant une partie en amont ?
2°) Quand on dit que le collaborateur doit se sentir attendu et désiré, ne pas lui parler (en dehors des sujets administratifs et contractuels) entre le jour où il décide de rejoindre l’entreprise et le moment où il l’intègre effectivement n’est pas la meilleure preuve d’attention.
Pour dire les choses autrement, admettions que vous fassiez une demande en mariage et que il/elle accepte. Vous viendrait il à l’idée de ne plus lui adresser la parole jusqu’à la date de la cérémonie ? Bien sur que non.
Mais prenez quand même le temps d’imaginer ce qui se passerait, les risques auxquels vous vous exposeriez si vous le faisiez.
Revenons au onboarding. Vous tombez d’accord avec un candidat. Demain il rejoindra votre entreprise, vos équipes. Enfin demain…c’est vite dit.
Selon le contexte et la flexibilité du droit du travail local demain peut être assez éloigné. En France pour un cadre ce sera 3 mois à moins qu’il n’arrive à négocier avec son employeur actuel une réduction de son préavis et en espérant qu’il n’ait pas envie de souffler 1 semaine ou 1 mois entre les deux jobs.
3 mois. Il peut s’en passer des choses en trois mois. Il peut remettre son choix en cause, se demander s’il a pris la bonne décision. Il peut être chassé par d’autres entreprises qui lui feront une meilleure offre. A l’excitation du moment où il communique sa décision à son nouvel employeur va succéder une période où le sujet va peu a peu quitter son esprit, où le quotidien va reprendre ses droits. Au bout de deux semaines, d’un mois, il ne se dira plus tout les matins « super j’ai une nouvelle vie qui m’attend », il aura juste une date d’embauche pointée dans son agenda.
Quand il y repensera il se dira d’ailleurs qu’il n’y est pas encore. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre plus le temps passe, plus il va se rapprocher du jour J, plus cela lui semblera loin et plus il s’éloignera de sa future entreprise. Le jour où il dit « oui » il s’y voit, il s’y projette, puis son ancienne vie reprend d’autant plus le pouvoir que sa future vie disparait de sa vie.
Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour
Pendant des semaines voire des mois il a interagi avec son futur employeur. On lui a « vendu » le job, on lui a parlé, on a tout fait pour le convaincre une fois qu’on a eu la preuve qu’il était la bonne personne pour le job. Et soudainement black out. Plus rien. Une fois l’affaire conclue beaucoup de recruteurs/managers sont des pros du ghosting et trouvent cela totalement normal.
Ils prennent l’arrivée du collaborateur pour acquise alors que lui a le temps de tergiverser, d’être sollicité, de se questionner. Son employeur aussi peut tenter une ultime manoeuvre pour le retenir. Son entourage peut également questionner son choix, instiller un certain doute.
Et quand bien même il serait bien présent au bureau le jour de son arrivée officielle (ce qui est le cas en général) on ne l’empêchera pas d’être déçu de ne pas avoir eu de nouvelles pendant 3 mois. Il n’y a pas plus décevant que de voir la tension retomber quand elle a été à son comble et qu’un pic d’adrénaline a été atteint.
Bref, comment maintenir la tension (et l’attention) dans les 3 mois qui séparent l’accord de l’arrivée réelle du collaborateur ?
J’ai pu observer diverses pratiques en la matière, en voici une liste non exhaustive.
Inviter le futur collaborateur dans des moments de socialisation est risqué
Certains décident d’inviter le futur collaborateur à rencontrer ses futurs collègues lors de moments de socialisation. Cela peut être une initiative de l’entreprise qui a généralisé la pratique ou du manager à son propre niveau.
Cette approche me laisse circonspect. Plusieurs cas peuvent se présenter.
1°) Un petit déjeuner avec l’équipe. Frustrant. Pas le meilleur moment pour briser la glace, tout le monde pense à ce qui l’attend après, on se quitte avant même d’avoir pu vraiment créer du lien et partager quelque chose.
2°) Un déjeuner avec l’équipe. Pourquoi pas. C’est assez neutre tout en étant convivial. Le futur collaborateur peut s’ouvrir sans se mettre en danger.
3°) Un afterwork. Attention danger. On a une équipe qui se connait, a ses codes, et décompresse après le travail. De l’autre côté on a un collaborateur qui veut faire bonne impression sans se griller. Difficile pour lui de trouver le bon ton et la bonne posture. S’il ne rentre pas assez dans l’ambiance il aura l’air distant et les autres questionneront sa capacité à s’intégrer. Qu’il rentre « trop » dans l’ambiance et sa crédibilité pourra en souffrir avec une image qui restera collée à lui comme un chewing-gum sous sa semelle. Entre les deux la marge est très fine, d’autant plus que chacun de ses collègues le jugera à l’aune de sa propre personnalité.
Je suis assez précautionneux par rapport à cette pratique et, quitte à choisir, je conseille l’option déjeuner.
Il m’est arrivé d’inviter des collaborateurs qui nous rejoignaient dans 2 mois à venir à notre week end de « kick off » annuel afin d’accélérer leur intégration. « Faites ce que je dis pas ce que je fais » ? Pas exactement . je parle de personnes qui étaient « connues » dans la mesure où ça n’était pas de nouvelles têtes mais des gens qui avaient un très bon réseau dans l’entreprise, allaient prendre des postes à responsabilité et étaient considérées comme ne présentant aucun risque. Une vraie réussite mais ça n’est arrivé qu’une fois.
Socialiser virtuellement avec ses nouveaux collègues…à condition de rester dans une bulle
J’ai vu des entreprises donner à leurs nouveaux arrivants des accès à certains outils internes comme un réseau social d’entreprise pour commencer à leur faire sentir qu’ils faisaient d’ores et déjà partie de l’entreprise et du collectif.
Pourquoi pas, mais cela pose un certain nombre de questions.
On ne peut pas bien sûr leur donner accès à tous les outils de communication ni à toutes les infos. Ils doivent rester dans un environnement digital confiné où ils pourront socialiser avec des salariés choisis, avec leurs futurs collègues ou avec qui veut. Ils pourront avoir accès à des contenus de learning leur présentant l’entreprise. Mais, et cela n’est pas sans poser des questions car ils ne pourront pas utiliser une adresse email de l’entreprise qu’ils ne pourront avoir que le jour de leur arrivée.
Pour régler le problème et éviter tout problème légal ou de sécurité, j’ai vu des entreprises créer des environnements de onboarding hors du SI de l’entreprise avec des salariés volontaires pour accueillir les nouveaux arrivants et des contenus de e-learning spécifiques.
Appliquez une logique CRM à vos futurs employés
Vous avez sans doute remarqué que je parle souvent de consumérisation de l’entreprise, un mot bizarre pour dire que toutes les approches mises en œuvre pour côté client le seront côté employé. Et typiquement ici on va parler de marketing relationnel.
Le marketing relationel kezako ? Et bien c’est très simple vous en êtes victime la cible tous les jours. Vous recevez des pubs ou des informations par email. C’est la base. Mais vous remarquez aussi que parfois le niveau de raffinement va plus loin.
Déjà vos emails sont personnalisés. A minima à votre nom. Et de plus en plus ces emails prennent en compte vos goûts, vos achats récents, vos caractéristiques démographiques pour vous envoyer des messages de plus en plus pertinents. Et dans certains cas vous n’allez pas recevoir un seul email mais une série d’emails qui mis bout à bout racontent une histoire. Et chez les plus avancés en fonction de vos actions sur une email (ne pas ouvrir, ouvrir, lire, cliquer sur un lien) on vous racontera une histoire différente.
Ces envois peuvent s’inscrire dans le cadre d’une campagne marketing (on vous connait et on essaie soit de vous vendre quelque chose soit simplement de vous parler pour rester présent dans votre esprit) ou alors être déclenchés par une action comme par exemple faire un achat, s’abonner à une newsletter ou contacter le service client. Dans le cadre d’un achat par exemple un premier email pour vous remercier, un second pour vous demander d’évaluer votre expérience, un troisième pour vous vendre des services additionnels comme une assurance, sans compter, en parallèle, les informations concernant votre livraison.
Quand je dis qu’un employé est un client comme un autre et qu’un site de recrutement est un site e-commerce qui vend des jobs…
Vous avez un acte d’achat qui est votre décision de rejoindre l’entreprise. Vous avez une date d’arrivée qui peut être la semaine suivante ou dans 3 mois. Que faire entre temps ? Un parcours basique serait de garder le contact avec le collaborateur en lui envoyant des emails selon le parcours suivant.
- Email de remerciement qui précise qu’on va rester en contact et qu’une série d’informations quant à l’arrivée dans l’entreprise vont arriver progressivement. L’idée n’est pas d’ensevelir l’ex-candidat/futur employé sous des tonnes d’informations mais de lui donner des choses faciles à grignoter au fil du temps, des choses qu’il va trouver utiles, qui vont lui faire penser qu’on pense à lui.
- Un mot ou une vidéo du PDG/DG qui remercie le candidat pour sa confiance, qui parle de l’entreprise, de ses valeurs…
- Un organigramme de l’entreprise : comment on est organisés, qui fait quoi ?
- Les personnes/services à connaitre absolument
- Les futurs collègues. Tu vas travailler avec Rodolphe, Sophie, Régis et Arthur. Pour chacun d’eux sa photo, lien vers son profil linkedin et 1 paragraphe pour le présenter de manière formelle ou décalée, en fonction du ton que vous voulez donner aux choses.
- Ton arrivée : quel jour, quelle heure, comment cela va se passer, qui va s’occuper de toi, quels dispositifs d’onboarding et/ou mentoring sont mis en place.
- Formulaire envoyé par le SIRH pour remplir avant l’arrivée certaines formalités administratives, ce sera autant de choses fastidieuses évitées le jour de son arrivée : état civil, coordonnées bancaires etc…
Comme vous le voyez sans effort vous avez de quoi tenir quasiment deux mois à raison d’un email par semaine. Ensuite votre seule limite est votre créativité.
Personnellement c’est la solution que j’ai retenu donc j’ai un petit retour d’expérience.
- Les collaborateurs adorent, ils sont agréablement surpris
- Ca leur plait beaucoup plus que de recevoir des emails publicitaires
- Tout est automatisé…il suffit rentrer le nom et l’email personnel de la personne, choisir le « parcours » qui correspond à son métier et l’équipe qu’il rejoint et c’est parti.
J’en profite pour vous donner une astuces très appréciée
En général quand on reçoit des emails marketing ils sont envoyés d’une adresse générique et on vous précise bien « ne pas répondre ». Le fait qu’on vienne faire de la prospection non sollicitée dans ma boite email, qu’on me « vole » mon attention et qu’en plus on m’interdise de répondre m’à toujours énervé au plus haut point. Là j’ai utilisé une adresse spécifique mais dont je consultais les réponse et je précisais « si vous avez une question n’hésitez pas à répondre à cet email« . La perception est excellente.
Alors vous allez me demander « avec quoi je fais ça ».
Tout d’abord il y a pleins de solutions sur le marché de la HR Tech qui font cela. Oui mais vous n’avez pas de budget ? Pas de problème ! Votre équipe marketing dispose certainement d’une solution de marketing automation qu’elle utilise pour vos clients. Il n’y a qu’à s’en servir Pour les candidats en créant des contenus et parcours spécifiques. Donc si vous vous débrouillez bien ça ne vous coutera rien. Si votre service marketing y voit une bonne occasion de partager les coûts au pro rata du nombre d’emails envoyés ça n’est pas un problème : vous allez représenter au maximum 0,01% voire 0,001% de l’utilisation de la plateforme.
J’ajoute qu’il existe la même chose pour les candidats « en jachère ». Vous savez tous les gens dont vous avez les emails mais qui sont pour certains en recherche active, d’autres en recherche passive, d’autres pas encore en recherche mais curieux, des bons profils qui aimeraient venir mais pour lesquels vous n’aviez pas de poste ouvert à un moment donné…. Tous sont une cible potentielle un jour mais n’attendent pas la même communication de votre part. On peut bien sûr partir du principe qu’on a pas à leur parler mais c’est quand même dommage d’avoir un vivier qualifié et ne pas lui parler et maintenir le lien en attendant le jour où… Il y deux ans j’avais interviewé les gens de Candidate.ID, solution primée à de multiples reprises, qui fait cela extrêmement bien.
Je vous ai donné 3 approches fréquentes, mais il y en a d’autres et vous pouvez bien sur en cumuler plusieurs.
Bref...le onboarding se termine des mois après l’arrivée du collaborateur mais commence également des semaines auparavant.
Photo : début du onboarding de iQoncept via Shutterstock