L’expérience employé n’est pas une fonction support mais une fonction business…

Aujourd’hui nous allons tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle expérience employé = RH = Fonction support.

L’expérience employé va au delà des RH

J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire à maintes reprises mais l’expérience employé ne se limite pas aux RH. Une partie en fait partie, il y a un recouvrement certain mais une partie lui échappe totalement. De mon point de vue, et je n’en démordrai pas, elle concerne tous les points de friction dans le travail et concerne donc également ce qui se passe au niveau des opérations : processus métier, management etc.

Négliger cette dimension c’est confondre être au travail et être en train de travailler. C’est donc être d’une certaine manière hors sol.

Par contre la prendre en compte apporte des bénéfices en termes d’excellence opérationnelle dont on oublie trop souvent qu’elle doit maintenir l’équilibre entre les employés, les processus et la technologie. En fait on oublie trop souvent les employés dans l’équation. Et sachant qu’une bonne marque employeur n’est pas une affaire de communication mais d’exécution permet également aux communicants RH de cesser de faire le grand écart entre la promesse (une entreprise moderne, agile, fluide…enfin comme tout le monde non ?) et la réalité.

Ayant déjà traité de nombreuses fois ce point par ailleurs de nombreuses fois je n’irai pas plus loin sur le sujet mais me contenterai d’ajouter un dernier point pour ceux qui ne sont pas encore convaincus.

Aujourd’hui un tiers des français envisagent de quitter leur emploi actuel une fois la crise terminée. La raison ? Le ras le bol de processus qui leur font perdre leur temps au lieu de les aider.

Les Français se sentent délaissés par les processus trop complexes32 %
Les processus complexifient le quotidien des Français 51 %
Les Français estiment perdre du temps à cause des processus42 %
Les Français pensent que les processus peuvent être simplifiés66 %

Quand je dis qu’un process doit être vécu comme un service et pas comme un poids je ne suis vraiment pas loin de la vérité. En plus de process compliqués qui ne sont que la conséquence d’une organisation elle-même compliquée à l’extrême, on a également conçu de nombreux process pour être efficaces pour ceux qui en sont les exécutants et pas pour ceux qui en sont les clients. Ou comment les fonctions support ont organisé leur efficacité aux dépens des métiers…

Voilà pour ce qui est de l’équation Expérience Employé = RH. Mais qu’en est il de Expérience Employé = fonction support.

Que supporte l’expérience employé ?

L’expérience employé est là pour…l’employé. Oui mais c’est un peu réducteur et faire de l’expérience employé pour l’expérience employé est un luxe que peu peuvent se payer. Si on reste dans la calinothérapie effectivement, si, comme dit précédemment, on a une approche plus opérationnelle, elle sert les employés qui servent les clients, les managers qui servent les employés, l’entreprise au sens large qui sert les managers qui… enfin vous avez compris. Bref in fine l’expérience employé n’a de sens que si, in fine, elle a un impact sur le client.Stephen Cannon, le CEO de Mercedes Benz USA, ne disait il pas « l’expérience client suit l’expérience employé« . Bref on ne parle pas de mettre des pansements sur les collaborateurs mais de soigner l’entreprise qui est malade à bien des points de vue.

Lorsque j’ai été nommé Directeur de l’Expérience employé il y a plus de 3 ans j’ai vu avec surprise (mais soulagement) que mon rattachement ne changeait pas et, surtout, que je restais dans les équipes classifiées « business » et pas « support ». Autre soulagement car c’était, je le savais, la seule manière d’avoir un impact (et les moyens et le poids nécessaire dans l’organisation).

Je n’ai pas eu besoin d’une explication mais on me l’a donnée quand même.

« Quand on a eu l’idée de ce poste tu étais Directeur Business et tu te plaignais de tout ce qui en interne empêchait les équipes de se consacrer à leur travail et au client. Donc on t’as donné les moyen de résoudre tout ça et logiquement l’objectif final n’a pas changé : c’est le client et comment on travaille pour lui. Tu ne dois pas avoir un impact que par ricochet mais partir directement du client et remonter jusqu’à nous pour voir comment rendre les choses plus simples pour nos collaborateurs ».

D’ailleurs cela s’est retrouvé dans la manière dont on a réfléchi à mesurer l’expérience employé. Je raconterai cette partie plus en détail une autre fois mais parmi les indicateurs les plus évidents j’ai tout de suite pensé à l’EBITDA. En effet une organisation avec moins de friction doit mécaniquement y amener, ou sinon cela veut dire qu’on s’est trompé quelque part. Après, savoir combien de temps il faut pour avoir l’impact désiré et comment attribuer une partie de l’évolution de l’EBITDA à l’expérience employé est une autre affaire.

Bref j’ai ensuite fini par hériter de la direction des opérations en plus de cette partie renommée « People » ce qui prouve qu’on avait vus juste au départ. Mais revenons à notre sujet.

Les fonctions support sont elles une anomalie ?

On pourrait conclure que l’expérience employé est une fonction business qui devrait majoritairement être remplie par des gens venant des métiers, qui ont une connaissance des opérations et ont autant une appétence pour la transformation des modèles opératoires que pour le développement des talents sans lesquels les modes opératoires tournent à vide. Et en rester là.

Mais ce serait faire l’économie d’une saine réflexion sur cette idée de fonctions support, au sens plus large. Non parce que cela rend la fonction secondaire ou négligeable mais parce que cela influe sur l’idée que les autres s’en font voire parfois qu’elle se fait d’elle même.

S’il y a des fonctions support c’est qu’il y a des fonctions non support, qu’on appellera « business » ou « métier » ou « opérationnelles ».

Parce que les RH, le légal ou l’IT, pour ne citer qu’eux, ne sont pas des métiers ? Parce qu’ils ne sont pas opérationnels ? Parce qu’ils ne contribuent pas au business ? Très bien. Virez les et vous verrez si vous vous portez mieux ou moins bien après.

Toutes les fonctions support contribuent d’une manière ou d’une autre au business. Le problème c’est la distance et les barrières qui sont mises (par d’autres ou elles-mêmes) entre elles et le business, le terrain, le client et qui font qu’elles perdent, de leur fait ou pas, la conscience de cette contribution. A la fin elles finissent par se « tromper de client » et fonctionnent non plus en pensant client mais en servant une catégorie de salariés, voire l’entreprise contre le collaborateur voire devenir leur propre raison d’être, devenir un état dans l’état et oublier le reste.

D’où viennent ces barrières ?

• Du fait que les fonctions business enferment les fonctions dites support dans leur rôle et ne les reconnaissent pas en tant que partenaires.

• Le fait que les dites fonctions supports soient peuplées de personnes compétentes et passionnées par leur domaine mais considèrent que leur fonction se suffit à elle-même. « Je fais un job noble qui me passionne, ce que cela devient après ne m’intéresse pas ». Pire encore (et déjà entendu dans un département RH), moi je suis là pour les gens, par contre ensuite le business et les chiffres c’est « sale ».

• Parce qu’on leur donne de mauvais objectifs, de mauvais indicateurs. Mesurez la fonction RH au nombre de jours de formation dispensés et pas à l’impact de ces formations et ne vous étonnez pas de ce qui arrive ensuite.

• Parce que si ces fonctions comprennent l’intérêt d’être un partenaire des fonctions business elles n’ont pas les compétences nécessaires pour le faire. On peut avoir une formation en RH, en finance ou je ne sais quel domaine très poussée, si on n’a pas une connaissance poussée de ce qui se passe sur le terrain et de la réalité du travail des autres métiers les choses vont être compliquées.

Il n’y a pas de fonction support dans l’entreprise

En fait le positionnement de la fonction Expérience Employé comme je le décrit n’est pas évident dans l’absolu. Il est juste le reflet de ce qu’une entreprise voulait en faire et la construit en fonction des personnes à qui elle l’a confié.

De la même manière je trouve le distingo entre business et support dépassé et les reproches que les premiers font au second, voire la stigmatisation ou l’ostracisation qui en découlent hors de propos.

Il n’y a aucune fatalité à avoir d’un côté des gens qui font du business et d’un autre des gens qui dans leur bulle font tourner la « machine interne ». Il n’y a que des gens qui ne se parlent pas ou ne veulent pas s’écouter. Par manque d’envie, par manque de compétences, en raison d’objectifs contradictoires.

Image : fonction support vs fonction business de Visual Generation via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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