Si on m’avait posé la question début 2020 j’aurais dit que le mot de l’année allait être « COVID » ou « Pangolin ». Malheureusement ce charmant (?) mammifère pholidote s’est fait voler la vedette par les « complotistes ».
Franchement au départ je ne pensais pas que cela ferait un tel bruit. Pour moi être capable de penser qu’on a confiné la moitié de la population mondiale, détruit l’économie de nombreux pays, plongé des gens dans une situation de détresse morale pour tester la capacité de la population à se soumettre, le tout dans le cadre d’un programme fomenté par le syndicat mondial des fabricants de masques qui avait des stocks à écouler relève davantage de la psychiatrie que du fait de société.
Par contre on a vu l’usage du terme complotiste s’étendre à tous ceux qui d’une manière ou une autre questionnaient ce qu’ils entendaient, ce qui était fait. Et là on rentre dans le fait social.
A l’heure où, justement, les fakes news polluent médias et débats il n’y a qu’une seule manière durable et efficace de faire face : que chacun utilise sa capacité de jugement et son esprit critique.
On ne parle ni plus ni moins que, face à une information, se questionner sur sa source, sa fiabilité, le fait qu’elle ait pu être altérée ou sortie de son contexte, sujette à un biais d’interprétation ou non etc. C’est à mon avis un mécanisme d’hygiène intellectuelle qu’on devrait tous apprendre depuis l’école mais que personne n’enseignera jamais. A croire que trop de sachants doutent tellement de leurs savoirs qu’ils ont peur de les voir questionner.
Pour moi l’esprit critique n’est pas synonyme de critique. La critique peut être dénuée de fondement, l’esprit critique a justement pour but de lui en donner et, le plus souvent, d’arriver à la conclusion qu’il n’y a pas matière à critiquer.
C’est le même mécanisme qui doit, au travail, nous amener à toujours nous questionner devant les dysfonctionnements que l’on voit. Je suis stupéfait que devant un mode opératoire perfectible ou vraiment dysfonctionnel tout le monde se résigne et si peu s’indignent. Qu’on prenne les choses avec résignation et fatalisme. Que personne ne se demande jamais « pourquoi fait on ainsi » ou « comment pourrait on faire mieux » et que ce ceux qui osent poser la première question ne récoltent en général qu’un « on a toujours fait comme ça » comme seule réponse. Et s’en contentent.
C’est le même mécanisme qui doit également nous permettre de nous poser les bonnes questions quand un éditeur de logiciel nous promet un ROI nous promet un ROi astronomique et mécanique du seul fait de l’utilisation son produit, quand on nous présente une étude venue d’on ne sais où qui vous explique que si vous ne faites pas tel type de projet vous allez mourir, que vos salariés les plus jeunes vont tous démissionner ou je ne sais quoi.
C’est encore ce qui vous fait légitimement demander des garanties quand un prestataire vous annonce les délais d’un projet, ou essaie de vous convaincre que sa solution est robuste et scalable. Vous demandez des précisions, des explications sur certains points du budget, demandez des références, voulez rencontrer d’autres clients. Ca n’est pas une insulte ou une critique vis à vis de votre prestataire c’est un questionnement logique quand on parle de sujets majeurs ou d’investissements conséquents.
Dans un contexte professionnel on trouve (ou devrait trouver) logique de se demander pourquoi les choses se passent comme elles se passent et, si on aurait pas pu faire mieux ou autrement et, de manière générale, de ne jamais faire de chèque en blanc. Peu importe à qui.
Ne confondons pas le comportement d’un abruti qui nous crois tous victimes d’une machination mondiale et l’hygiène intellectuelle d’une personne qui se demande « pourquoi a-t-on fait ça », « pouvait on faire mieux », « peut on s’améliorer », « a-t-on eu raison ». Le premier ajoute à la bêtise du monde, le second le fait progresser.
Et si aujourd’hui le simple fait de faire fonctionner son cerveau et essayer de comprendre fait de chacun de nous un complotiste alors en 2021 soyons tous complotistes.
Image : théorie du complot de Sumandaq via Shutterstock