4e baromètre de l’expérience collaborateur : un sujet majeur en quête d’impact

Pour la 4e année consécutive, Parlons RH vient de publier son baromètre de l’expérience collaborateur. Une édition qui s’inscrit bien sur dans un contexte particulier et dont on attend qu’elle nous montre à quel point le COVID a accéléré la prise de conscience du sujet.

Voici les points saillants que j’en retire et je vous incite à aller télécharger le 4e baromètre de l’expérience collaborateur pour une analyse plus en profondeur et lire l’interview plus détaillée que cet article que j’ai donné à cette occasion.

Le paradoxe de l’expérience collaborateur : plus importante et moins stratégique

C’est certainement la chose que j’arrive le moins à m’expliquer dans cette étude, en tout cas à première vue. Avec du recul j’ai des explications à avancer mais elles ne sont pas réjouissantes.

Sans surprise en cette année de COVID le sujet de l’expérience collaborateur a vu son importance croitre. Si l’étude 2020 nous disait que seules 35% des entreprises avaient initié une politique en la matière (donc en 2019) l’étude 2021 nous dit qu’elles ont été 43% à le faire en 2020

Source : 4e baromètre de l’expérience collaborateur – Parlons RH – 2021

Un bon significatif ? Oui si l’on regarde les chiffres, non si on les met en perspective de ce qu’on a vécu l’année dernière. Si 53% des entreprises sont passées à côté du sujet soit il est négligeable, soit elles sont inconscientes soit…elles mettent le sujet ailleurs.

Car vous n’êtes pas au bout de vos surprises : si en 2020 elles étaient 70% à dire que l’expérience collaborateur était stratégique, elles sont 62% à dire la même chose en 2021 !

Source : 4e baromètre de l’expérience collaborateur – Parlons RH – 2021

J’avoue avoir un peu de mal de me mettre à la place de ceux qui font une distinction claire entre le fait qu’elle soit stratégique (performance à long terme) et importante (meilleure efficacité).

Une lecture qui n’engage que moi est de voir dans tout cela une bonne nouvelle : quand tout le monde accole les mots performance ou efficacité à l’expérience collaborateur c’est plutôt bon signe. Par contre quand elle perd au niveau de l’importance stratégique pour gagner au niveau de l’efficacité, vision qu’on peut estimer être à moins long terme que la première je lis deux choses :

  • C’est utile à court terme en cas de coup dur
  • Au niveau des priorités stratégiques il y a plus important. Par exemple le « quoi », ce qu’on fait (et le questionnement doit être profond sur le sujet au vu de l’expérience récente) est plus important pour l’instant que le « comment ça se passe » auquel on rattacherait l’expérience collaborateur.

Des chiffres qui me laissent un peu perplexes tout de même. A se demander si les personnes qui ont répondu, bien que professionnelles des RH, parlent toutes de la même chose.

Oeillères, plafond de verre ou résignation ?

Premier indice : s’il y a deux chiffre qui sont stables ce sont ceux de ce qu’on attend de l’expérience collaborateur : renforcer l’engagement des collaborateurs (78=>79%) et améliorer la performance de l’organisation (57%=>57%). Pour information la 3e priorité n’est plus l’attractivité de l’entreprise mais la qualité de vie au travail.

Et qu’obtient-t-on lorsqu’on demande quelles activités RH sont concernées en priorité par l’expérience collaborateur ?

Très peu de chose qui ont une incidence directe sur la performance à part le management. La formation a un impact à moyen terme et….le reste pas du tout.

De là à en déduire que l’expérience collaborateur est d’un point de vue RH une affaire d’engagement et de qualité de vie au travail…ça n’est finalement que logique et le contraire m’aurait surpris voire déçu.

Ce qui m’amène à poser une autre question : qui s’occupe donc la l’expérience collaborateur dans son volet « performance organisationnelle » ?

L’enquête ciblant des RH il est logique de ne pas trouver la réponse ici, ils ont déjà bien assez à faire avec qui est dans leur périmètre. Mais quelque chose me dit que si on posait la question la réponse ne nous avancerait pas davantage.

Alors bien sur j’extrapole en partie la réponse que l’enquête n’a pas posé à une population qu’elle n’a pas visé mais :

  • On a là la parfaite incarnation du plafond de verre qui existe entre le flux de travail et ce qui se passe à sa périphérie. Ici on ne touche au contenu du flux de travail donc pas au contenu et à l’organisation du travail.
  • Cela pourrait tout de même inquiéter les RH car un domaine qui leur revient se retrouve dans l’incapacité d’atteindre un objectif prioritaire. Soit on se dit « ça n’est pas chez nous donc n’y pensons pas », soit « on n’a pas les moyens d’y changer quoi que ce soit donc n’en parlons pas ». Dans les deux cas cela m’inquiète.

D’ailleurs le baromètre reconnait que « L’image superficielle de l’expérience collaborateur demeure donc dans la crise« . C’est tout ce qui me chagrine.

Car la définition que s’en donnent les auteurs est pourtant bonne, loin des approches idéalistes que j’ai pu lire ça et là. Pour eux l’expérience collaborateur renvoie :

  1. à l’ensemble des ressentis du collaborateur tout au long de son parcours au sein de l’entreprise ;
  2. à la démarche de marketing RH qui consiste à mesurer et améliorer de façon itérative ce vécu des collaborateurs.

Sur le second point je regrette juste l’emploi du terme « marketing RH » qui prête à confusion et ne rend pas hommage à ce point jugé essentiel. J’utilise, quant à moi, le terme amélioration continue et j’en parlerai d’ailleurs plus longuement dans un prochain article.

Quand au premier point si on parle des ressentis des collaborateurs tout au long de leur parcours au sein de l’entreprise, la composante essentielle en est leur ressenti en situation de travail. Pas seulement « au travail » mais surtout « quand ils travaillent ». Ce qui n’est pas la même chose.

Qui s’intéresse au salarié pendant qu’il travaille ?

Que fait un salarié pendant 95% de son temps passé au travail. Et bien il travaille. Par travailler j’entend : fournir un travail dans le but d’atteindre un résultat, en suivant des règles, utilisant des outils et en collaborant avec d’autres.

Alors oui on peut dire que le salarié est tout le temps en situation d’être managé. Que la gestion de sa carrière et la mobilité existent en permanence en toile de fond.

Mais si on dit que l’expérience collaborateur a pour but d’améliorer la performance de l’organisation (ce qui est le cas de 57% des répondants) et bien je ne vois ici aucun moyen d’y arriver de manière structurelle. On s’intéresse à tous les moments du parcours du collaborateur sauf les 95% de son temps où il est en situation productive.

J’ajouterai par expérience qui si on parle vraiment avec des collaborateurs de leur ressenti sur ce qu’ils vivent au travail ils vous parleront

Je ne dirai pas, loin de là, que le reste n’importe pas. C’est même vital. Mais je dis qu’on oublie de manière systématique la partie immergée de l’iceberg, celle que les collaborateurs ont en tête à tout moment. Bien sur la formation est un sujet majeur, la gestion des carrières également, j’y ajouterai la rémunération (pas la paie mais la rémunération dans sa dimension bien réelle et quantitative), sujet qu’on adore cacher pudiquement. Mais je peux vous promettre que quand vous demandez à une personne « comment se passe ton job, ton quotidien » je sais ce qu’il a en tête.

Après on veut vouloir avoir un vrai impact sur ce que vit le collaborateur pendant qu’il travaille et sur la performance de l’organisation…ou pas.

La face cachée de l’expérience employé

Je vous conseille vivement de lire cette étude vraiment riche sur l’expérience collaborateur vue par le prisme des RH. Et pour les plus téméraire d’entre vous, si le sujet vous passionne ou si vous en êtes en charge, je vous suggère de vous interroger sur tout ce qu’elle ne dit pas, sur tout ce que le les RH ne peuvent en dire car hors de leur sphère.

On peut considérer que l’expérience collaborateur se réduit à l’engagement des collaborateurs et la qualité de vie au travail et je pense déjà que sans actionner les leviers que j’énumère plus haut l’entreprise va avoir du mal à adresser le sujet en profondeur. Mais cela représente déjà un travail colossal du point de vue des RH…d’autant plus que ceux qui ont ces fameux autres leviers en main ne les aident pas voire jouent contre eux.

On peut également considérer que l’expérience collaborateur est beaucoup plus large que cela et on ne peut laisser les RH ramer et se noyer seuls dedans ! On ne peut justement les laisser se débrouiller avec leurs leviers traditionnels pendant que d’autres, qui ont d’autres leviers, ont leur propre agenda voire rament dans le sens inverse.

Et ce d’autant plus qui si on mesure l’expérience collaborateur au niveau du collaborateur, elle est la résultante de règles et dispositifs collectifs, qui s’imposent à tous et organisent le travail et le fonctionnement de l’entreprise. On ne peut dissocier la performance individuelle de la performance organisationnelle.

Il y a des gens dans l’entreprise dont le métier est « direction des opérations » ou « méthodes et process » et il serait pertinent de les interroger sur le sujet. Et si j’étais RH je me rapprocherai d’eux dans la plus grande urgence.

Sinon, et ce baromètre le montre, on est devant un sujet de la plus haute importance qui a été auto-attribué à des gens qui non seulement croulent déjà sous les enjeux « historiques » qui sont les leurs et n’ont pas les leviers pour aller au delà.

En 2022 j’aimerais bien, s’il n’est pas trop tard, qu’un tel baromètre interroge les « non-rh ». Je suis sûr que ça sera l’occasion de développer des synergies d’une rare puissance. Et puisqu’on parle beaucoup d’hybridation des métiers RH autant joindre le reste à la parole. Il y a un moment ou l’expérience employé rejoint ce qu’on appelle l’excellence opérationnelle et même si c’est un « gros mot » pour beaucoup de gens dans la fonction RH il va falloir l’admettre.

Ceci n’est bien sûr que mon avis. Celui d’un ancien directeur de l’expérience employé qui à sa demande a hérité de la direction des opérations pour vraiment aller au bout de sa mission et avoir un impact sur l’organisation. Ca ne vaut que ce que ça vaut.

Image : impact de Jag_cz via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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