Pourquoi Facebook, Linkedin et de nombreux autres veulent leur ClubHouse

A moins d’avoir passé les derniers mois sur la Lune voire sur Mars vous avez sans doute entendu parler de ClubHouse. Pour les autre c’est un réseau social fonctionnant sur le principe de conversations audio en direct dans lequel l’utilisateur peut passer d’une salle thématique à une autre. Disponible uniquement sur invitation et sur iPhone (au départ) c’est le gros succès de ces derniers mois, l’endroit « in » où il faut absolument être.

Tout le monde veut son ClubHouse

Devant le succès de ClubHouse les réactions ne se sont pas faites attendre : tout le monde veut le copier. Facebook, LinkedI, Twitter mais également Slack et même Spotify réfléchissent à implémenter une fonctionnalité spécifique dans leur produit.

Pourquoi une telle frénésie ? A priori la réponse est simple : elle correspond à une vraie demande des utilisateurs de ces plateformes sociales, le succès de l’original le prouve, donc plutôt que voir les adeptes de ce type d’interaction passer du temps sur ClubHouse et moins chez elles, ce qui entraine une baisse de leurs revenus voire peut détourner de manière définitive une partie de leur audience pour les moins « essentielle » d’entre elles (les journées ne font que 24h et l’attention est limitée) elles préfèrent implémenter chez elles ce qui fonctionne ailleurs quitte à l’adapter à leurs spécificités.

Comment se différencier quand tout le monde se copie ?

C’est une stratégie qui peut toutefois interpeller. Alors qu’on ne cesse de clamer qu’il faut se différencier pour exister pourquoi ajouter une fonctionnalité qui fait qu’on est juste comparable aux autres ? Pourquoi investir dans une copie avec le risque que les utilisateurs continuent à préférer l’original ?

Déjà parce lorsqu’une fonctionnalité ou, si vous préférez, une modalité d’interaction, se commoditise il n’est plus question de parler de prime à celui qui l’a mais de handicap pour celui qui ne l’a pas.

De plus ici on parle de plateformes « sociales » (à l’exception de Spotify…encore que…) dont le principe est de fournir des moyens d’interactions les plus variés possibles à leurs utilisateurs pour couvrir un maximum de besoins et de cas d’usage. Ajouter un dispositif « à la ClubHouse » n’est donc pas un pivot, juste l’ajout d’une fonctionnalité à un catalogue et n’a rien de stratégique. En fait ClubHouse n’est stratégique que pour ClubHouse et tactique pour les autres. Mais on reparlera de cela un peu plus loin.

Une fonctionnalité n’est rien si elle ne rencontre pas son audience

Et puis il y a une autre dimension à prendre en compte. On parle souvent de la recherche de la fonctionnalité ultime, de la « fonctionnalité qui tue » mais c’est un concept surfait. Aussi disruptive, utile ou addictive une fonctionnalité soit elle, elle ne vaut pas grand chose si elle ne rencontre pas une audience et son audience.

Dire qu’une fonctionnalité a besoin de rencontrer une audience peut sembler aussi clairvoyant que dire qu’on a besoin d’air pour respirer. Comme dire qu’un produit a besoin d’un marché. Mais parlant d’une fonctionnalité qui permet de communiquer, sa valeur perçue évolue exponentiellement par rapport à l’audience qui s’en empare. Les stories sur Snapchat c’était bien mais elles ont pris une autre dimension sur Facebook ou Instagram. Pourquoi ? Parce que par la nature et l’âge de ces plateformes on y touche plus de monde. Et dès lors qu’on peut partager une story sur Facebook pourquoi aller en faire sur Snapchat où on ne retrouvera que 20% de son réseau ? Je ne sais pas si les stories ont été un « game changer » pour Facebook mais par contre leur adoption par ce réseau à audience large a mis un frein à la croissance de Snapchat.

Et au delà d’une audience d’un point de vue quantitatif il y a « son » audience d’un point de vue qualitatif. Pour reprendre l’exemple des stories on ne les utilise pas de la même manière sur Facebook, Instagram ou encore LinkedIn. Pourquoi ? Parce qu’on y a pas les mêmes contacts et que dès lors on n’y passe pas les mêmes messages et pas de la même manière. Et il en ira de même pour les « salons audio » de Clubhouse. Même si la fonctionnalité est identique, un salon sur Facebook ne sera pas le même que sur LinkedIn ou…ClubHouse. En fonction de son ses besoins et de ses usages chaque audience peut utiliser une fonctionnalité d’une manière différente. L’important est que ceux qui l’utilisent de la même manière l’utilisent au même endroit sinon cela tourne vite à la confusion.

Une erreur fréquemment commise en terme de communication est d’aller sur un média car il propose un dispositif intéressant en oubliant que son audience n’y est pas que l’audience qui y est n’a pas besoin de vous voire n’a pas envie de vous entendre : bref vous faites tâche dans le paysage et vous dérangez. On ne fait pas son mariage en grande pompe chez McDonald’s et on ne fait pas un enterrement de vie de garçon dans un restaurant 3 étoiles. C’est tout.

ClubHouse est une fonctionnalité qui intéresse mais à condition qu’elle soit disponible dans les réseaux et pour les bassins d’audience d’une masse critique d’utilisateurs.

Je n’irai pas à ClubHouse mais ClubHouse viendra à moi

La raison pour laquelle tout le monde veut avoir son ClubHouse et que ça a du sens ne pose pas trop de questions et n’est que la énième fois où se rejoue une histoire bien connue de la scène tech : pour ClubHouse ClubHouse est un business model, pour d’autres c’est une simple fonctionalité.

Amenée à se commoditiser on verra si son succès perdure. Que les salons audio aient du succès sur Facebook, LinkedIn ou autres sera au mieux bonne nouvelle et au pire une anecdote pour eux. Entre temps le ClubHouse original aura perdu une partie de sa traction voire aura eu les ailes coupées par ses « concurrents ». La rançon du succès. D’ailleurs je ne sais si c’est déjà un essoufflement ou de l’attentisme du à l’annonce de l’arrivée de clones chez les acteurs installés mais il semble que la frénésie ClubHouse soit déjà retombée.

Quand la frénésie ClubHouse a pris je n’ai pas donné suite aux nombreuses invitations que j’ai reçu pour aller découvrir la plateforme star du moment. La raison ? Pas assez de temps ni d’attention à mettre dans un sujet qui n’est pas en haut la pile de mes priorités du moment. Il y a 5 ou 10 ans j’aurais certainement foncé, pas aujourd’hui.

Tout est question de priorités et de choix à assumer mais quand je me suis demandé « est-ce que tu ne vas pas regretter de passer à côté de quelque chose » je me suis souvenu de ce que m’avait dit un de mes anciens mentors il y a longtemps. « Si tu n’as pas le temps de regarder toutes les nouveauté et les trucs de niche ça n’est pas grave, si ça en vaut la peine c’est eux qui viendront à toi« .

On en est là avec ClubHouse qui va finalement arriver là où nous sommes sans qu’on ait eu à faire la démarche dans l’autre sens. A ce moment on verra bien ce qu’on en fait.

Photo : Clubhouse de Boumen Japet via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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