Il y des gens qui sont un peu plus accro au contrôle de d’autres et personne n’y peut rien, ils sont comme ça. Si cela leur confère certaines qualités, la médaille a également son revers : à un moment ils deviennent un problème à la fois pour eux et pour les autres.
La bonne nouvelle c’est que ça n’est pas un mal si difficile à soigner pour qui en a envie.
Du contrôleur au « control freak ».
On a tendance à facilement critiquer les personnes ayant un certain penchant pour le contrôle mais il faut savoir prendre un peu de recul sur le sujet.
Tout d’abord tout le monde n’a pas le même comportement pour les mêmes raisons : pour certains c’est une volonté de se rassurer, pour d’autres c’est un problème de confiance (en eux ou dans les autres), pour d’autres enfin c’est leur nature profonde, leur logiciel interne.
Ensuite il y a différents niveaux de contrôle : de celui qui veut savoir où on va et comment et n’aime pas les surprise au micro-manager voire au tyran qui étouffe les autres il y a des différences énormes.
Enfin la prise de conscience de la situation n’est pas la même chez tout le monde : il y ceux qui sont dans le déni, ceux qui en ont conscience et ne veulent pas changer et ceux qui en ont conscience et essaient de se soigner.
Le contrôle oui, mais pas pour tous les postes
La question n’est pas de savoir si de telles personnes sont bonnes ou mauvaises dans une organisation : elles ne le sont pas plus ou moins que quelqu’un de pleinement créatif ou de quelqu’un qui n’arrive pas à s’accommoder de la moindre règle. Il en faut comme il faut de tous les profils, la question qui se pose c’est où et à quelle dose.
Il y a des métiers et des secteurs d’activité dans lesquels ils excellent et sont la norme, et dans d’autres moins. C’est comme ça. Et si on a tous en tête certaines caricatures, ceux qui ont connu l’inverse, des collègues ou managers dénués de rigueur et de formalisme peuvent vous dire que ça n’est pas mieux.
Vous en avez certainement croisé pleins dans votre carrière, parfois vous les avez remarqué, parfois non. C’est pareil pour tous les profils : quand une personne se connait elle arrive non pas à se changer (on ne change pas sa nature profonde) mais à s’adapter pour avoir un meilleur impact sur les autres ou sur l’organisation.
Le control-freak est un problème pour les autres et pour lui
Si une dose de contrôle ne fait jamais de mal voire est indispensable dans certains contextes ou certains métiers, l’abus est mauvais pour tout le monde.
Pour le collaborateur pour commencer. A force de devoir s’expliquer, rendre compte, reporter, il n’a simplement plus le temps ni l’attention pour travailler. L’abus de surveillance le met de plus dans un situation d’insécurité psychologique.
Mais cela n’est pas mieux pour le manager. Vouloir être derrière tout le monde est difficile et épuisant. On en a eu la plus belle preuve avec le passage obligatoire en télétravail où faute d’avoir leurs équipes visuellement sous leurs yeux certains managers se sont épuisés à vouloir effectuer un impossible contrôle à distance.
Contrôle et travailleurs du savoir
C’est encore pire lorsqu’on parle de manager une équipe de travailleurs du savoir. Contrairement aux autres travailleurs ils ne suivent pas process composé d’un flux d’activités linéaires : tâche A, puis tâche B, puis tâche C etc.
Dans leur cas, pour arriver au résultat escompté, ils vont devoir prendre des décisions entre plusieurs manières de faire, voire en créer une nouvelle, ordonnancer les tâches de manière adhoc. Le résultat de leur travail est contrôlable, la manière d’y arriver l’est peu. Le problème est que faute de pouvoir contrôler un travail par définition invisible, on surinvestisse dans le contrôle des gens ».
Dans un tel contexte un penchant trop fort pour le contrôle sera totalement contreproductif à la fois pour le manager et son équipe.
Une expérience vécue
Si je me suis intéressé au sujet c’est pour deux raisons. La première est que c’est un sujet récurrent en entreprise et qu’il faut le traiter, la seconde est que le Predictive Index (PI) (comme à peu près tous les tests passés dans ma carrière) me dit que mon profile type est celui d’un « contrôleur« .
Sans rentrer dans les détail disons que je peux être plutôt collaboratif ou directif selon les cas, que si j’ai une tendance à l’intéresser aux gens je peux sans problème m’intéresser aux outils et aux process mais, surtout, que j’aime traiter un grand nombre sujets, vite, et avec un niveau de précision et qualité élevé.
Ces derniers points faisant de moi, au yeux de mon formateur PI un casse pied potentiel. Mais, a-t-il rappelé, le profil est une chose, la manière dont on l’exprime en est une autre.
Réflexion que me faisait récemment un collègue : « par rapport à untel vous avez le même profil mais tu es beaucoup plus dans le lâcher prise et la confiance, comment tu fais ? ».
En fait il n’y a ni erreur de profil ni erreur sur le profil, juste le résultat d’une analyse.
Contrôler le système au lieu de contrôler les hommes
Même si on ne se change pas profondément sa nature avec le temps j’ai très tôt compris que vouloir contrôler tout et tout le monde ne fonctionnait pas. Non seulement c’était contreproductif, épuisant, qu’on épuisait les autres et qu’à la fin ça ne produisait rien. Pire, à un certain niveau de responsabilités, cela détourne l’attention du vrai travail qu’on attend de nous.
Mais souvenez vous de ce que j’ai dit à propos des travailleurs du savoir. A quoi sert de vouloir contrôler un travail « immatériel », non prescrit ? A rien. A quoi sert de vouloir surcontrôler les gens faute de contrôler leur travail ? A rien non plus. Aimant garder mon attention et mon énergie pour des choses qui ont de l’impact, j’ai trouvé une autre approche. Et je n’avais pas le choix : quand vous avez entre 10 et 15 personnes en dessous de vous si vous voulez être partout vous n’êtes finalement nulle part et surtout pas là où vous attend.
Le travailleur du savoir n’a pas besoin de règles mais d’un cadre dans lequel il peut « jouer » sans risque. Je m’attache donc, plutôt que construire une liste de régles, à créer un cadre avec des limites, fournir des outils, des prcess type à adapter, de l’information…. Dans ce cadre je fais confiance aux gens pour utiliser leur capacité de jugement et leurs compétences pour avancer et, par défaut, je considère que tout va bien à moins qu’on vienne me dire qu’il y a un problème qui requiert mon aide ou mon attention.
Par contre une fois qu’on doit sortir du cadre je considère qu’on est potentiellement à risque et je peux qu’on m’informe de ce qui se passe et de ce qu’on fait.
Imaginez un terrain de football : tant que la balle est dans l’aire de jeu je fais confiance aux joueurs pour faire les bons choix, quand elle sort je me donne le droit de regarder les choses de plus près.
Ayant compris que contrôler les gens était vain, je contrôle le système et le processus qui fait que j’accorde ou non ma confiance. Mes collaborateurs sont contents de l’autonomie et de la confiance qui leur sont données, moi je suis content de concentrer mon énergie sur la seule chose sur laquelle je puisse avoir un impact utile et « scalable » : le système de jeu. Ca tombe bien : 94% des problèmes et des dysfonctionnement viennent du système, pas des gens
Image : control freak de Brasil Creativo via Shutterstock