Pourquoi un salarié veut-il ou doit-il télétravailler ?

Comme en 2021 le télétravail sera à coup sûr une des préoccupations premières de 2022. Non seulement car la pandémie n’en finit pas de se terminer mais parce que de toute manière elle aura fait naitre des attentes nouvelles qu’il faudra bien adresser.

Comme on a pu le voir si tout le monde s’accorde sur le fait que la question n’est pas tant de savoir s’il y aura du télétravail que de savoir à quelle dose.

Mais le sujet est souvent pris à l’envers. L’entreprise voit ses problèmes, ses craintes (justifiées ou non), ses contraintes et essaie d’en déduire un cadre pour ses collaborateurs.

Le malentendu du télétravail

Mais il y a un problème : si des deux côtés on voit des avantages et des limites au télétravail, on ne le recherche pas pour les mêmes raisons et on sait bien que lorsqu’on se met d’accord sur un dispositif sans accord sur les objectifs recherchés on accouchera d’un dispositif bancal.

En fait il y a trois problèmes.

Le premier c’est que l’entreprise, quoi qu’on en dise, voit le sujet comme un problème dont elle doit s’accommoder et donc regarde le sujet de son point de vue sans se mettre à la place du collaborateur.

Le second est que quand l’entreprise dit écouter ses collaborateurs elle écoute ses envies, pas ses besoins qui ne sont pas toujours exprimés, voire inconscients. Or comprendre les besoin du collaborateur permet à l’entreprise d’en tirer certains avantages quand on reparlera plus loin. Elle peut même se rendre compte qu’elle peut avoir intérêt à ce qu’un salarié soit en télétravail.

Le troisième, mais qui est la résultante de ce qui précède, est que l’entreprise veut créer un cadre générique valable pour tous alors que pour un salarié donné le besoin de télétravail varie dans le temps. Or quand on imagine un dispositif qui vaut pour le salarié « moyen » on aura à un dispositif qui à un moment donné ne conviendra à aucun salarié : toujours sous-dimensionné pour les uns et surdimensionné pour d’autres.

Dans cet article nous allons essayer de comprendre de manière rationnelle pourquoi un salarié peut avoir envie ou besoin de télétravailler dans l’optique d’une approche plus individualisée du télétravail.

Quels sont les éléments déclencheurs du télétravail ?

Les facteurs qui font qu’un salarié peut avoir envie ou besoin de télétravailler ou, au contraire, d’éviter le télétravail sont de plusieurs ordres.

1°) Facteurs liés à la vie du salarié

Personnalité du salarié : est il plus ou moins en demande de contacts sociaux « physiques ».

Age du salarié : les plus jeunes ont souvent plus envie et besoin de créer du lien en rencontrant leurs collègues.

Facteurs familiaux : le salarié peut il travailleur au calme chez lui ou sera-t-il dérangé par sa famille. Ou, au contraire, doit il rester chez lui pour garder un oeil sur un enfant.

Immobilier et installation : le salarié a-t-il un vrai espace de travail chez lui ou travaille-t-il dans un contexte inconfortable ou improductif. Vit il dans une grande maison ou un petit studio peu lumineux ?

2°) Facteurs lié au lieu de travail

Eloignement du lieu de travail : est-il besoin de le préciser, plus le salarié habite loin de son lieux de travail ou plus le trajet est compliqué plus il aura envie de rester chez lui.

Efficacité du lieu de travail : le bureau ne sert pas à stocker des salariés en batterie comme des poules mais à leur permettre de travailler. S’il n’est pas conçu pour les nouvelles formes de travail il ne sera pas vu comme un outil au service des salariés qui ne lui trouveront aucun intérêt.

Qualité du lieu de travail : inutile de dire que tout le monde préfère un bureau agréable, lumineux, avec des espaces de vie qu’une cage à lapins sombre et vieillotte ?

3°) Facteurs liés à la carrière et l’expérience

Expérience du télétravail : le collaborateur a-t-il une expérience du télétravail qui lui permet de le pratiquer sans appréhension ?

Ancienneté dans l’entreprise : le collaborateur est il nouveau dans l’entreprise, auquel cas il aura envie et besoin de créer du lien, s’imprégner de la culture d’entreprise et de la vie au bureau ou, au contraire, son ancienneté fait-elle qu’il en a assimilé tous les codes et qu’il dispose d’un important réseau en interne ?

Ancienneté sur le poste : le salarié est il en train de découvrir un nouveau poste, une nouvelle équipe où est il dans un environné rôdé qu’il maitrise.

4°) Facteurs lié aux outils

Leadership et management : il n’est pas tant question de leadership que de la capacité à l’exprimer à distance via des outils digitaux. Quelqu’un, et surtout un manager, qui n’est pas à l’aise sur ce point préférera rester au bureau et surtout y faire revenir ses équipes. De la même manière un adepte du contrôle [LIEN] qui ne pourra opérer de la même manière au travers d’outil qu’en présentiel, préférera la présence au bureau.

Pratiques collaboratives : passer à distance ça n’est pas seulement utiliser des outils pour faire comme au bureau mais à distance, mais repenser ses pratiques et maîtriser un certain nombre de cas d’usages. A défaut le salarié ne se sentira pas sûr de lui et efficace à distance et évitera cette situation.

5°) Facteurs liés au travail à effectuer

En fonction du cycle de vie des projets sur lequel le collaborateur est impliqué : il y a des phases dans lesquelles il importe de créer un sentiment d’appartenance au sein d’une équipe qui se forme, des moments clé où on travaille mieux en étant aux mêmes endroits et à l’inverse des moments où chacun est mieux au calme dans son coin.

En fonction de la tâche à effectuer à un moment donné : cela se rapproche du point précédent mais il y a des tâches pour lesquelles on est mieux tranquille chez soi et d’autres (créativité…) pour lesquelles on est mieux ensemble.

6°) Facteurs liés au management et à la culture d’entreprise

Poids et force de la culture d’entreprise : Une culture d’entreprise forte peut pousser les collaborateurs à vouloir passer du temps ensemble. Une culture trop forte voire envahissante, peut en pousser certains à justement vouloir s’en extraire pour respirer.

Toxicité et poids du management : un salarié ne quitte pas une entreprise mais un manager dit on. Et bien c’est pareil pour le télétravail. J’irai même jusqu’à dire qu’en s’éloignant de leurs managers grâce au télétravail certains évitent de quitter l’entreprise.

Pas de « one size fits all » mais des leviers à actionner

Inutile de vouloir partir de cette liste pour créer un « graph radar » pour comprendre chaque collaborateur : certains items sont variables dans le temps, parfois à long terme, parfois du jour au lendemain, et comprendre cela est tout l’intérêt de la démarche.

Il n’y a donc pas de dispositif qui contentera tout le monde, sauf à comprendre que le dispositif doit être le plus flexible possible et qu’à l’inverse moins il donne de choix au collaborateur, plus il encadre, moins il contentera le plus grand nombre.

Mais ces items donnent également quelques pistes d’action :

• Apprendre à évaluer certaines dimensions comme le leadership digital et à distance oublié de tous les test de management et de personnalité aujourd’hui.

• Communiquer : en sensibilisant les salariés à toutes ces dimensions on les aidera à faire les bons choix pour leurs périodes de télétravail.

• Former et accompagner : une fois qu’on sait ce qui détermine les besoins des collaborateurs on peut agir au niveau du collaborateur ou de l’entreprise pour rendre les uns plus aptes au télétravail et l’autre plus accueillante pour donner envie d’aller au bureau autrement que sous la contrainte.

Répondre à un problème, pas à une demande

Il faut aller au delà des demandes exprimées par des collaborateurs pas toujours conscients de leur besoins ou incapables de les verbaliser pour que la politique de télétravail soit vu comme une réponse à leurs vrais problèmes.

Image : télétravail de Creative Lab via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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