Les entreprises sont conscientes du problème que posent les réunions, à fortiori depuis la crise du COVID qui en généralisant les réunions à distance a questionné encore davantage leur efficacité.
Une piste explorée par les entreprises et les managers est de « mettre du rythme » dans les réunions afin que le rythme des réunions colle à celui du terrain. Qu’il n’y ait pas un temps du business rapide et un temps lent du management et de l’administration.
Comment remettre du rythme dans les réunions
Entendons nous d’abord sur ce que signifie mettre du rythme dans les réunions. Il ne s’agit pas de les mener tambour battant, à toute vitesse, quitte à les bâcler mais d’augmenter le volume de ce qu’elles produisent, leur « output », le plus souvent le nombre de décisions exécutables prises.
Il y a deux manières principales d’y parvenir.
• De manière intrinsèque d’abord. Par une meilleure organisation des réunions par exemple avec des formats plus courts, avec juste les personnes concernées, un ordre du jour établi voire des réunions courtes dédiées à un seul sujet, le partage de documents et leur étude avant la réunion afin que celle-ci soit dédiée à la résolution de problème et la prise de décision.
• De manière extrinsèque ensuite. Je dis souvent que l’agilité ne doit pas se limiter au terrain et aux développeurs et on en a un excellent exemple ici. On voit des managers, peu importe leur domaine d’activité, s’inspirer des principes de l’agilité et en adopter tout ou partie des cérémoniaux comme le « daily », la constitution d’un backlog de tâches à exécuter sur un sprint de deux semaines (très utile pour mener des projets d’amélioration en parallèle du train train quotidien) avec une « rétro » à la fin de chaque semaine.
Plus de décisions ne veut pas dire plus d’exécution
Mais comme très souvent procéder ainsi ne revient qu’à s’attaquer qu’à une partie du problème en négligeant une partie essentielle. On règle un problème au niveau du management et on se dit que, selon l’expression consacrée, l' »intendance suivra ». Et bien non. L’intendance ne suit pas.
On se retrouve dans la situation inverse à celle que je décrivais ici. Je partais d’une situation courante, à savoir une entreprise qui faisait travailler le terrain en agile sans appliquer les mêmes rythmes aux étages du dessus, pour conclure que « une entreprise n’est jamais plus rapide que la capacité de son management à répondre aux questions des collaborateurs et résoudre leurs problèmes.«
Ici on est donc face au problème opposé, plus rare (quoique…) mais pas moins handicapant.
Une décision prise en réunion est un output de la réunion et souvent un input pour d’autres personnes qui doivent exécuter la décision. Mais produire des décisions plus vite ne garantit pas une exécution plus rapide, loin de là.
- Parce que les personnes chargées de les exécuter n’ont pas le temps.
- Parce qu’il n’y a pas assez de personnes disponibles pour les exécuter.
- Parce que parfois on attend d’un participants à la réunion de « produire » quelque chose et que cette personne peut, en fonction de son rôle, être présente sur tellement de sujets transverses qu’à enchainer les réunions elle n’a pas le temps de travailler dans le sens « production de livrables / actions concrètes » du terme. Comme on me le disait récemment, « leader ou délivrer il faut choisir mais une personne peut difficilement faire les deux en même temps à grande échelle ».
Considérez votre entreprise comme une usine, votre réunion comme une machine A qui produit des pièces destinées à être traitées ensemble par la machine B. Si votre machine A produit 10 pièces à la journées et que votre machine B ne peut en traiter que 8 vous ne faites que constituer un encours de production qui augmente mécaniquement chaque jour.
Dit autrement, si votre capacité à décider est plus importante que votre capacité à exécuter, vous produisez une immense « to do list » avec une quantité de tâche qui ne fait que grandir et dont le délais d’exécution va mécaniquement s’accroitre avec le temps.
Réaligner la capacité de décision et la capacité d’exécution
A ce stade la situation est on ne peut plus claire : « si vous produisez plus de décisions que vos équipes ne sont capables d’exécuter vous allez atteindre un point où prendre des décisions deviendra inutile et plus rien ne sera exécuté, en tout cas dans un délai utile« .
Il n’y a aucune méthode magique pour résoudre ce problème en un claquement de doigt mais quelques principes de bon sens et de pistes à explorer.
1°) Cesser d’être dans le déni et assumer que votre capacité d’exécution est limitée
J’en reviens au fameux « l’intendance suivra »…alors qu’elle ne suivra jamais. Ou, plutôt, on peut bien sûr ponctuellement faire des miracles en augmentant la charge de travail mais ça n’est pas tenable dans la durée.
Si la capacité d’exécution ne suit pas nous ne produisez même pas des décisions mais des tâches qui seront peut être un jour exécutées. C’est simple à comprendre mais l’expérience prouve que c’est très difficile à accepter.
Cela nous ramène à un des gros problèmes d’excellence opérationnelle des travailleurs du savoir et de l’industrie des services. Revenons à mon parallèle avec une usine. Si vous voyez un stock s’accumuler devant une machine vous comprenez qu’il y a un problème et que, comme un stock coûte de l’argent, si la machine B ne peut produire au même rythme que la machine A il faut ralentir la cadence de la machine A quitte à ne pas l’exploiter au maximum de ses capacités.
Dès lors qu’on parle de flux immatériels tout cela vole en éclat et comme on ne voit pas les choses on fait comme si elles n’existent pas. Il y a pas de dossiers qui s’empilent sur les bureaux jusqu’à toucher le plafond, juste des tâches, des emails, des réunions qui remplissent agendas et boites email. Ca ne se voit pas donc ça n’existe pas, le temps des gens est infini, ils n’ont qu’à se débrouiller pour que ça soit fait et on ne veut pas savoir comment. D’un seul coup la culture du résultat qui dérange pleins de managers dans leur volonté de surveiller les salariés en présentiel ou à distance arrange plein de monde ! Sauf ceux qui exécutent.
2°) Aller un peu plus loin dans l’agile
Quand je dis que l’agilité peut s’appliquer partout dans l’entreprise je parle de l’esprit, pas de la règle. Non que ça ne soit possible d’avoir une approche intégriste de la chose mais parce qu’elle peut être contreproductive en tout cas à court terme. Que chacun s’approprie les grands principes et les décline en fonction de son métier, de ses équipes et leur maturité et de la capacité du collectif à assimiler des changements de plus ou moins grande envergure.
Dans beaucoup de cas adopter la logique de sprints et de daily aide déjà beaucoup à redonner du rythme à une équipe et se recentrer sur le besoin du client qu’il soit interne ou externe.
Il y aurait juste une chose à ajouter pour aller un pas plus loin. Une équipe de développement agile planifie son sprint en sachant combien de tickets embarquer par rapport à sa capacité de production, sachant que le reste restera dans le backlog et sera planifié ultérieurement.
En gardant le même esprit et sans, appliquer le principe à la lettre, ne donner à faire que des tâches dont est certain qu’elles pourront être accomplies dans le délais imparti, quitte à diviser une grosse tâche en plusieurs plus petites car il vaut mieux avancer de manière incrémentale dans un délais raisonnable que ne pas avancer du tout dans un délais court.
3°) Redimensionner les ressources ou changer l’organisation
On peut toujours augmenter la charge de travail de manière ponctuelle, pas dans la durée. Si de manière systématique vos équipes sont en retard ou alors travaillent jusqu’en milieu de soirée il y a soit un problème de compétences, de ressources ou d’organisation.
- Problème d’organisation au niveau de l’équipe / global. Trop de réunions, process lourds, validations multiples…cela peut s’améliorer parfois très rapidement, parfois à moyen terme.
- Problèmes de compétences. Si c’est un manque de compétence ponctuel on peut admettre un petit retard mais si le sujet est important on peut penser à prendre une compétence extérieure à l’équipe de manière ponctuelle. Si c’est systématique soit vous avez recruté les mauvaises personnes soit elles doivent monter en compétences mais dans les deux cas cela ne se réglera pas en un claquement de doigts.
- Problème de quantité de ressources. Soit vous décidez d’en faire moins, soit vous décider d’embaucher mais hors de ces deux solutions rien ne viendra régler votre problème par miracle.
Conclusion
Augmenter le rythme de prise de décisions est une excellente chose mais sans vous demander comment elles seront exécutées cela ne fait que repousser le problème. De plus les problèmes de capacité d’exécution ne se régleront jamais par magie même si on aime se dire que l' »intendance suivra ». Car elle ne suit jamais.
Image : réunion de Monkey Business Images via Shutterstock.