Révolution RH agile par Jean-Claude Grosjean

Je continue à (trop) lentement avancer dans la pile de livres que je me suis promis de lire depuis longtemps et cette fois-ci je voudrais vous parler de « Revolution RH Agile » de Jean-Claude Grosjean.

Le Livre

Comme son nom l’indique, Revolution RH Agile a vocation à éclairer et accompagner la fonction RH sur le chemin de l’agilité.

Le constat de départ et le raisonnement qui se’en suit est simple et à mon avis largement partagé.

1°) Nous vivons dans un monde où tout s’accélère, où la réalité d’un jour n’est plus celle du lendemain et où chacun dans son métier doit être capable d’ajuster son action au jour le jour à la fois individuellement et collectivement.

2°) Il y a également une préoccupation de remettre le client et la valeur créée pour le client au centre des décisions et des actions.

3°) Pour atteindre ces deux objectifs, l’agilité est l’approche qui a le plus fait ses preuves ces dernières années.

4°) L’agilité ne doit pas se cantonner aux seules équipes de développeurs même si c’est par là qu’elle est rentrée dans l’entreprise.

5°) Pour que l’entreprise devienne agile cela commence par une direction générale qui devient agile.

6°) Au centre de cette transformation on trouve la fonction RH qui doit devenir agile pour sa propre mission et de manière à accompagner le changement global dans l’entreprise.

On trouvera donc trois thèmes principaux dans l’ouvrage :

  • Qu’est ce que l’agilité ?
  • Qu’est ce qu’une fonction RH agile ?
  • Comment les RH peuvent accompagner le changement des autres fonctions ?

L’auteur

Cela doit faire une quinzaine d’années que je connais Jean-Claude Grosjean « virtuellement » au travers de son blog Quality Street dédié à l’agilité dont il est une des figures de proue en France.

Il est donc une référence sur le sujet, en tout cas pour moi, et c’est en le lisant au fil des années que je j’ai fini par me créer une culture minimaliste sur le sujet, ce qui m’a bien aidé quand d’un seul coup le sujet est venu heurter ma vie professionnelle : ce qui était un centre d’intérêt est d’un seul coup devenu un impératif de transformation.

Ce qu’il y a d’intéressant chez Jean-Claude Grosjean est qu’il est un des rares français à être sorti du périmètre classique des projets agiles, souvent circonscrits au domaine de l’informatique, pour s’adresser à l’ensemble de l’entreprise; sujet traité sur son autre blog, Eveil Agile.

Ce qui est finalement cohérent avec la définition qu’il donne lui-même de l’agilité, moins dogmatique et technique que ce je peux lire ici et là :

« L’agilité est la capacité d’une organisation à ravir ses Clients et ses Employés, tout en s’adaptant -à temps- aux changements de son environnement« 

Ce que j’ai retenu du livre

Je ne m’étendrai pas sur le début du livre qui présente les enjeux du moment et introduit les concepts clé de l’agilité.

Pédagogie avant tout

Je mentionnerai tout de même que l’auteur fait preuve d’une grande pédagogie : on n’a pas affaire à un gourou agiliste perrdu dans son dogme et son verbiage (et qui y perd les autres) mais à quelqu’un qui parle aux gens de leurs enjeux, avec leurs mots et les emmène dans son raisonnement.

Le but du propos n’est pas de faire de l’agile pour faire de l’agile mais de trouver des approches pour faire face aux enjeux actuels et il se trouve que ces approches ont un nom : agilité. Mais Jean-Claude Grosjean ne nous fait pas le coup du « raisonnement inversé » qui part d’une solution et essaie de faire rentrer tous les problèmes dedans.

Ensuite l’application de l’agilité à la fonction RH est traité au travers d’un certain nombre de dimension : améliorer l’expérience employé, accompagner les leaders dans la transformation agile de l’entreprise, promouvoir la culture d’entreprise, renforcer le collectif, réinventer les pratiques RH, recruter et faire grandir les talents.

Ca n’est pas un ouvrage théorique ou même « inspirant » dans le sens ou il serait déconnecté du réel.

Pour chaque sujet le livre donne des moyens, des méthodes et des initiatives concrètes qui peuvent être mises en place.

Et c’est peut être là que cet ouvrage m’a le plus apporté, et pas nécessairement pour les raisons que l’on pense.

L’esprit avant la règle

En effet à certains moments il m’est arrivé de poser le livre et me dire « mais qu’est ce que cela à a voir avec l’agilité ? ». Quitte à trouver qu’à lister pleins d’exemples de transformation des pratiques RH l’auteur ratissait large et s’éloignait de son sujet.

En fait c’est moi qui faisait fausse route. A un moment donné mon cerveau s’était égaré et avait réduit l’agilité à quelques unes de ses manifestations comme les sprints et les cérémonies agiles ainsi qu’à certains concepts d'(auto) organisation.

Mais comme je l’ai lu fort à propos il y a un certain temps sur LinkedIn (par Cécil peut être ?), personne ne veut faire de sprints, personne ne veut faire de « daily », pesonne ne veut…. les gens veulent juste travailler efficacement en se concentrant sur ce qui a vraiment de la valeur pour le client.

Donc plutôt que plaquer un certain nombre de règles agiles sur le fonctionnement des entreprises et nous convaincre que c’est bénéfique, l’auteur prend un pas de recul et fait passer la règle derrière l’esprit de la règle : s’adapter, penser à la valeur pour le client, faire confiance.

Et d’un seul coup je me suis rendu compte que pleins de choses qui a priori ne coulaient pas de source quand un « néophyte » comme moi pensait « agile », des choses que j’avais d’ailleurs parfois mises en place sans même les associer à ma réflexion « RH agiles », relevaient bel et bien de l’agilité.

Parce qu’elles remettaient le client au centre et, ce à double titre : la valeur créée pour le client au centre les préoccupations des salariés et la valeur créée pour le salarié/client au centre des préoccupations des fonctions support, RH en tête par exemple.

Parce qu’il s’agit de s’adapter à des besoins et un environnement changeants plutôt que les percuter avec ridigité.

Parce que travail a souvent besoin d’être davantage facilité que contrôlé.

Parce qu’on a de meilleurs résultats lorsque le client « fait partie de l’équipe », qu’il soit interne ou externe.

Etc.

Quelques principes simples dont la prise en compte amène à repenser l’existant avec un œil neuf et inventer des choses radicalement nouvelles, parfois à mille lieux de la face immergée de l’iceberg, à savoir les artefacts et cérémonies de l’agilité auxquels les « non pratiquants » résument souvent cette approche. Preuve, s’il en est, que l’agilité c’est un état d’esprit avant tout.

Pour aller plus loin

En lisant la partie sur le recrutement des profils agiles j’ai envie d’aller plus loin et quelques questions, auxquelles je n’ai pas encore les réponses, sont venues à mon esprit.

Sur le rôle de Product Owner par exemple. Peut on se dire que le manager ou les RH sont le product owner du salarié dans la mesure où ils doivent en permanence penser à son développement pour qu’il colle aux besoins actuels et futurs de l’entreprise ?

Le salarié, partie prenante de sa carrière est il son propre Product Owner ?

Peut on imaginer que le développement du salarié étant un sujet multipartite, il soit partagé entre les 3 personnes sus-mentionnées ? Ce serait toutefois il me semble contraire aux principes de l’agilité.

Les RH, dans leur rôle de pilotes du changement doivent ils devenir les coach agiles de l’organisation ?

Autant de choses auxquelles je réfléchis actuellement mais si vous avez des éléments de réponse je suis preneur.

Conclusion

Je suis convaincu que l’agilité, au même titre que d’autres pratiques importées de secteurs d’activité ou de métiers spécifiques gagneraient à être plus largement répandues dans l’entreprise.

Mais en la matière je me méfie toujours d’une certaine forme d’intégrisme. Faut il appliquer les préceptes de l’agilité de manière rigide à tout le monde, tous les métiers, ou faut il en garder l’esprit et ne mettre en place que des choses qui ont du sens dans un contexte donné, voire sont acceptables lorsque la marche est trop haute par rapport aux anciennes pratiques ?

C’est par exemple pourquoi j’avais sciemment utilisé le terme « pseudo agile » pour qualifier la manière dont j’avais mis en place une démarche d’amélioration continue pour réussir à la faire exister en parallèle du travail quotidien.

Je suis également convaincu des bienfaits du management agile sur l’expérience employé, entre autres. Je pense également, toujours en matière d’expérience employé que l’agilité aide le salarié à ne pas perdre le sens de ce qu’il fait en évitant les effets tunnels sur les longs projet ou encore en reconnaissant son expertise dans le cadre d’une forme d’auto-organisation des équipes.

L’agilité a également dans certaines entreprises aidé à lutter contre un des maux des entreprises, les réunions, en en réduisant drastiquement le nombre.

J’espère également que nombre d’entreprises qui ont, sans même le faire exprès, « pensé agile » durant les premiers mois de la pandémie en garderont quelque chose.

Donc effectivement l’agilité gagnerait à se propager en dehors des équipes de développement pourvu qu’on prenne en compte la spécificité de chaque activité. Et les exemples dans ce sens sont de plus en plus nombreux.

Il est donc évident que la fonction RH doit s’intéresser au sujet à double titre : pour s’aider elle-même et pour aider les autres à mieux travailler. Non seulement agilité et RH peuvent cohabiter mais en plus elles le doivent.

La tendance n’est pas nouvelle puisque dès 2018 la Harvard Business Review traitait du sujet alors émergent de l’agilité chez les RH. Mais il manquait à mon sens un peu de littérature sur le sujet en français d’autant plus qu’il y a un prisme culturel qu’on ne peut pas négliger.

Ce livre vient donc combler un vide et je le recommande d’autant plus à des populations RH qui ne sont pas tellement au fait du sujet qu’il est très pédagogique et qu’il explique de manière concrète une série d’initiatives qui peuvent être mises en place dans le cadre d’une démarche de RH agiles.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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