Premier post d’une série dédiée au futur du travail à moyen terme. Ici je voudrais clarifier une chose à propos de ce dont on parle quand on parle du futur du travail, du périmètre du sujet.
Si le titre de ce billet a pu vous interloquer, vous allez voir que je ne l’ai pas écrit par erreur et qu’ils s’agit en effet d’une pierre angulaire de cette réflexion.
Le futur du travail concerne….le futur
Je pense que si je disais sur scène, lors d’une conférence, que le futur du travail concerne le futur la moitié de la salle me prendrait pour un idiot et l’autre moitié que je prépare un effet d’annonce.
Au moins je suis sûr de faire rire tout le monde mais pas toujours pour de bonnes raisons.
Parque quand on parle du futur du travail ou du futur de quoi que ce soit la plupart des gens pensent au passé.
Parfois, et parfois à juste titre parce que les mêmes causes produisant en général les mêmes effets, le passé va aider à prédire le futur. Mais avoir les mêmes causes ne suffit pas toujours à avoir le même résultat : il faut qu’elles se passent dans le même contexte. Mêmes causes et contexte différent mènent donc le plus souvent à des résultats différents, raison pour laquelle je dis souvent qu’on ne conduit pas à pleine vitesse sur une autoroute en regardant ses rétroviseurs.
Souvent, par contre, ils regardent le passé pour expliquer que la vision du futur qui leur est proposée ne peut se réaliser. Ce sont en général ceux à qui, lorsqu’on leur demande pourquoi leur équipe travaille d’une certaine manière, répondent : « parce qu’on a toujours fait comme ça ».
Si on les écoutait le télétravail ne serait pas possible. Mais pas seulement. Pleins de choses qui leurs semblent évidentes, incontournables et acquises à eux mêmes n’auraient sans doute pas été possibles à leurs yeux si on leur avait posé la question vingt ou quarante ans plus tôt.
L’open space ? Impossible. La fin du port de la cravate au bureau ? Impensable. Une femme dirigeante ? Et puis quoi encore ? Un ordinateur sur tous les bureaux ? Mais vous rêvez ! Une boite email et un accès internet pour tous les salariés disposant d’un ordinateur (a minima) ? Ca n’est même pas envisageable.
Et pourtant….
Donc partir du fait que quelque chose n’était pas réaliste dans le passé pour dire qu’elle ne se produira pas demain ne fonctionne pas. Et l’avenir récent nous en a donné la preuve à de multiples reprises.
Ne jamais protéger le passé
Ce réflexe peut venir d’une difficulté à se projeter dans l’inconnu qui est tout à fait compréhensible si on essaie pas de définir le contexte futur avec un peu de méthode.
Mais le plus souvent il vient d’un réflexe tout aussi connu qui est la résistance au changement. « Si le contexte change alors nous devrons changer alors convainquons nous que le contexte ne changera pas ».
En fait le premier réflexe de beaucoup de personnes quand on leur demande de prédire le futur est donc, inconsciemment, d’essayer de protéger le passé.
Le travail c’est le travail
Autre lapalissade : dans futur du travail il y a futur et….travail. Et de la même manière que le futur est le futur, le travail est le travail.
Je ne dis pas cela innocemment : j’ai lu ces derniers temps un grand nombre de choses à propos du futur du travail. Des choses très intéressantes venant de personnes qui, la plupart du temps, avaient vraiment pris le temps d’y réfléchir.
Le problème c’est que 90% de tout cela ne parlait pas de travail !
Réenchanter l’onboarding c’est bien, cela fait partie de l’expérience collaborateur, mais pendant ce temps on ne travaille pas.
Recréer des moments de vie collective dans une entreprise distribuée c’est bien, mais ça n’est pas penser au travail.
Reonboarder régulièrement les gens pour maintenir l’engagement c’est bien mais ça n’est pas penser au travail.
Voir le télétravail comme une question de lieu au lieu d’y voir une question d’organisation ça n’est pas penser au travail.
Je lisais récemment ce propos de Jean-Denis Culié professeur et chercher à l’EM Normandie :
« Plus globalement, il faut remettre le travail au centre de la relation entre le salarié et l’employeur. La gestion des ressources humaines s’est emparée de la qualité de vie au travail, le management s’intéresse aux objectifs et aux résultats. Mais ce qui importe aux salariés, c’est de pouvoir bien réaliser leur travail. «
J’en reviens à ce que je ne cesse de répéter ici ou là à propos de l’expérience collaborateur : c’est devenu un concept fourre tout pour s’occuper du salarié à tous les moments sauf lorsqu’il est en train de travailler. Et non, mettre people et operations dans une même phrase ça n’est pas sale.
Je ne dis pas que tous les sujet que j’ai mentionné plus haut n’ont pas d’importance, je dis simplement que si on ne fait que cela on oublie l’essentiel.
Je dis cela d’autant plus volontiers que je m’attends à ce que les secteurs des services et du travail du savoir connaissent dans les années qui viennent une révolution majeure après être restés à l’âge de pierre du « work design » pendant des décennies.
Conclusion
Lorsqu’ils réfléchissent au futur du travail beaucoup trop de gens pensent à tout sauf au travail et parfois même dans un futur qu’ils aimeraient ressembler au passé.
Cela ne fonctionne pas.
This does not work.
Image : Futur du travail de Mangostar via Shutterstock