Un des chantiers principaux concernant le futur du travail est la simplification. Simplification de quoi ? Simplification de tout.
Quand on demande aux collaborateurs de trouver un adjectif qui qualifie leur entreprise, leur travail, je pense que celui qui serait le plus fréquemment cité est « compliqué ».
Et le pire c’est qu’on trouve cela normal ! Il est évident qu’on vit dans un monde de plus en plus complexe, c’est un fait contre lequel on ne peut pas grand chose, donc il est logique que l’entreprise soit compliquée. C’est inévitable. Et bien non.
La complexité est le travail de la nature, la complication celui de l’homme. Comme le disait Hervé Sérieyx : un Boeing 747 est compliqué alors qu’un plat de spaghettis est complexe. Et d’ailleurs Peter Drucker ne disait il pas que « ce que nous appelons management consiste à compliquer le travail des gens » ?
Nous allons donc comme à chaque fois voir comment les facteurs qui impactent le futur du travail le sujet de la simplification inévitable.
La Pandémie
Nos organisations n’ont pas attendu la pandémie pour être compliquées et pour qu’on en parle. Je rappelle que Smart Simplicity, de Yves Morieux, date d’il y a près de 10 ans.
Par contre la pandémie a fait que ce qui était un sujet de réflexion que beaucoup jugeaient théorique et éloignés d’eux est devenu une réalité tangible partagée par tous.
Si certains ont bien vécu le télétravail et qu’il a été un enfer pour d’autres ça n’est pas à cause du télétravail lui-même mais parce qu’il a été pratiqué par des organisations qui n’en avaient pas l’habitude à cette échelle et que souvent leur complication n’était pas adaptée à la distance. Nos organisations avaient atteint leur limites, le télétravail l’a montré.
Comment ont elles réagi ? Déjà rarement de manière globale, le plus souvent chaque manager essayant de faire le ménage devant sa porte face à une situation évidemment dysfonctionnelle.
Et ils l’ont fait de deux manières. Soit en empilant de nouvelles règles sur l’existant, rendant la situation encore plus intenable, soit, plus rarement, en simplifiant les choses.
Quoi qu’il en soit le sujet a été expérimenté par tous et on la vraie condition de réussite du travail hybride qui se profile devant nous n’est pas tant de trouver les modalités RH qui le rendent possible mais de créer l’organisation qui va avec et cesser d’être omnubiliés par le télé en oubliant le penser au travail.
La consumérisation
On est au cœur du sujet. En termes d’outils, de process, alors que l’expérience client se traduit par une simplicité et une fluidité sans cesse accrue, comment expliquer que l’expérience employé reste ce qu’elle est ?
C’est indéfendable.
Et quand je parle d’expérience employé je ne parle pas de bien être au travail mais de tout ce qui grippe la performance individuelle et collective.
La technologie
Elle n’est en aucun cas une baguette magique mais un levier indispensable dans certains cas et, a fortiori, parce qu’elle incarne l’écart dont nous venons de parler.
On sait de par notre expérience en tant que simples utilisateurs et clients qu’elle peut rendre les choses beaucoup plus simples qu’elles ne le sont ou, plutôt, qu’elle est la dernière étape dans un processus de simplification.
Mais plaquez n’importe quelle technologies sur une organisation et des process compliqués elle continuera à générer de la complication. « On ne doit pas s’attendre à ce qu’une application fonctionne dans un environnement dans lequel ses hypothèses ne sont pas valides«
La technologie est le levier d’une organisation qui veut se simplifier mais elle ne simplifiera jamais rien par elle-même sans volonté ni intervention humaine. A l’inverse, ajouter sans cesse de nouveaux outils sans réinventer ce à qui ils servent ne fait qu’empirer les choses.
L’évolution de la société et de l’économie
L’accélération continue des rythmes et des cycles ne peut se satisfaire d’organisations qui embauchent des gens talentueux mais finissent par les ralentir.
Et puis depuis le temps qu’on nous dit qu’on est dans « économie de l’expérience », il est temps de comprendre que cela ne s’adresse pas qu’aux client.
La transformation des activités de service et du travail du savoir
Ici on est également au cœur du sujet. Je citerai une nouvelle fois le New York Times et Drucker.
« Peter Drucker a fait remarquer qu’au cours du XXe siècle, la productivité des travailleurs manuels dans le secteur manufacturier a été multipliée par cinquante, car nous sommes devenus plus intelligents quant à la meilleure façon de construire des produits. Il a fait valoir que le secteur de la connaissance, en revanche, avait à peine entamé un processus similaire d’auto-examen et d’amélioration, existant à la fin du XXe siècle alors que le secteur manufacturier l’avait été cent ans plus tôt«
La prise de conscience que plaquer un héritage taylorien sur des activités le plus souvent ahdoc et relevant davantage du case management ne fonctionne plus. Entre le collaborateur et le process il ne peut plus y avoir de relation de soumission mais plutôt une boucle de rétroaction qui font que chacun impact l’autre. On reparlera certainement beaucoup à l’avenir de People Centric Operations.
Conclusion
La simplification est un sujet central dans le futur du travail car elle touche à son contenu, à son design. On ne parle pas de choses périphériques au travail et sans impact direct sur les opérations et le business mais de choses qui touchent directement à la performance des individus et de l’organisation.
J’avais au départ identifié la complication comme un des irritants majeurs de l’expérience employé. Elle l’est, mais en lui collant cette étiquette certains se sont limités à en faire un sujet QVT alors que c’est un sujet organisationnel et opérationnel.
Mais beaucoup de travail reste à faire. Il y a des concepts existants à utiliser, adapter voire réhabiliter car ils ont mauvaise presse à force d’avoir été mal utilisés. Agilité, Lean…
Il y a également des choses à développer ou inventer comme les People Centric Operations.
Un sujet qui peut faire consensus pour deux raisons : d’abord car il impact la manière dont les salariés vivent leur travail, la seconde car il impacte directement la performance. Mais un sujet qui peut rapidement être mis sous la tapis car « c’est trop compliqué de tout refaire et en plus on s’est toujours débrouillés comme ça en serrant les dents ».
Mais pour les entreprises les plus compliquées le risque est bien de disparaitre comme les dinosaures en leur temps, faute d’être capables de s’adapter à leur environnement.
Image : complication de alphaspirit.it via Shutterstock.