La difficile question du ROI des RH

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Quand l’économie se tend les entreprises commencent à questionner tous leurs coûts et spécialement ceux qui sont liés à des activités non directement productives. Et parmi eux les RH figurent en bonne place. Pas la fonction RH en tant que telle (quoique….mais Elon Musk n’est pas représentatif) mais ce qu’elle fait.

C’est ainsi que revient de manière cyclique la traditionnelle question du ROI de la fonction RH. Une question dont la majorité convient qu’elle est mal posée donc n’a pas vraiment de réponse. Mais comme elle n’a pas de réponse elle revient encore et encore.

ROI ou impact des RH

Pour moi qui suis plutôt cartésien et ROIste, je trouve le terme inapproprié. Si on me demande de juger la fonction RH sur son ROI je dirai que c’est une catastrophe. D’un autre côté je la sais indispensable et on voit bien ce qu’il en est advenu des entreprises qui l’ont négligée.

Mais je ne lui trouve aucun ROI en tant que tel, autrement dit la garantie systématique d’un retour connu pour chaque euro investi. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’apporte rien, chose que je comprend également. Donc le terme ROI n’est pas approprié.

Il est des investissements dont le ROI potentiel peut être estimé en amont puis suivi en aval. En général il est surestimé au début et on a des vision réaliste qu’une fois les choses mises en place mais il est assez simple de faire un ratio investissement/valeur créée. Que le résultat ne plaie pas car la promesse était excessive est un autre sujet.

Le directeur d’une usine qui remplace une vieille machine par une moderne sait qu’il produira x pièces de plus à l’heure. Une fois pris en compte les couts indirects il peut se projeter. C’est à peu près le cas dès qu’on parle de machines ou de process automatisé. Ca va d’une flotte de voiture à un logiciel en passant par des serveurs dans les entreprises aux gros besoin IT, des fours chez un boulanger etc.

Il est des cas où l’approche est plus compliquée. Mieux recruter ? Des bureaux plus agréables et fonctionnels ? Former les gens. Tout le monde comprend que ça a un impact positif. Mais lequel ? Est il suffisant par rapport à ce que ça coute ?

Admettons qu’il n’y a aucun moyen de le savoir précisément avant de le faire. Mais comme en entreprise on ne sait pas sortir d’une grille de lecture qui rassure quand bien même on la sait inadaptée on essaie de faire des projections, en général on se trompe (déjà parce qu’il n’y a aucune relation mathématique, ensuite parce qu’on veut convaincre donc on embellit les chiffres) et à la fin le résultat déçoit. Non pas parce que ça ne fonctionne pas mais parce qu’on a trop promis.

Peut être vaut il mieux admettre qu’on ne sait pas. Que logiquement on devrait avoir une amélioration, que si on compare avec ce qui a été fait ailleurs cela devrait donner tel résultat mais que c’est à prendre avec des pincettes car il y a trop d’inconnues.

Cela me rappelle l’époque où j’ai mené beaucoup de projets dans le domaine du collaboratif/digital worplace. Quel est le ROI de telle solution ? Le problème est que le ROI n’est que peu lié à la solution mais à la manière dont on l’utilise, ce qui est un sujet autrement plus complexe et compliqué. Et comme en plus les entreprises avaient tendance à investir dans l’outil (le quoi) pour ne pas avoir à se préoccuper de la transformation du travail (le comment) vous imaginez le résultat final.

A l’époque je parlais de ROI indirect. La solution n’avait aucun ROI mais permettait à une transformation profonde des modes de travail d’avoir lieu et d’en produire un. Et vous verrez plus bas qu’on n’est pas trop loin de ce sujet ici.

Bref pour revenir aux ROI je pense que parler de ROI au sens strict du terme n’est pas pertinent car la formule qui lie investissement et bénéfices de manière systématique n’existe pas. Par contre on peut parler d’impact. Vous me direz que cela ne répond pas à la question de savoir « combien ça rapporte » et c’est justement pourquoi c’est une bonne approche car ça ne trompe pas, ne ment pas et ne fait pas de fausses promesses.

RH et ROI indirect

Car le problème de la fonction RH, et des fonctions dites « support » en général, est que leur ROI est indirect. Elles permettent aux autres de mieux faire leur travail mais leur impact n’est ni mécanique ni toujours traçable.
A cela s’ajoute le fait qu’elle est perçue comme éloignée du business. Le marketing, même s’il est comptable de l’argent qu’il utilise, peut se permettre de faire des paris car à la fin il ramène des clients. Idem pour les achats qui permettent de faire des économies en tout cas a priori car il peut y avoir des effets de bord notable.

De manière incompréhensible on considère la fonction RH comme hors sol par rapport au business. Et le pire c’est qu’elle a l’air d’avoir appris à aimer ça et c’est pas les HR Business Partners qui vont y changer grand chose lorsqu’ils ne sont pas une mascarade.

A une époque en tant que directeur de l’expérience employé j’avais eu une approche très opérationnelle du sujet en prenant le sujet par la simplification des process, des outils et de l’organisation. Travail plus fluide, charge mentale moindre, temps gagné…l’idée était d’avoir très rapidement quelque chose de perceptible, visible et mesurable, qui se traduise côté client. Une une fois la tâche ROI cochée j’étais en paix pour faire tout ce que je voulais à côté. Et quand la fonction People se retrouve au Codir avec une étiquette business et finit même par prendre la main sur la direction des opérations il y a moyen de faire des choses. Mais ça demande de choisir la bonne approche dès le départ.

Mais revenons à notre sujet. Le problème des RH c’est qu’ils créent un potentiel au service des autres mais sont ensuite tributaires de ce que les autres en font.

Les RH tributaires du métier

Je vais prendre quelques cas de manière non exhaustive. On peut se dire que des recrutements plus réussis, des salariés mieux formés au long de leur vie, des bureaux plus fonctionnels et une politique salariale généreuse sont plutôt une excellente base pour une entreprise performante.

Mais…

Les RH peuvent recruter les meilleurs talents, totalement alignés en termes de compétences, valeurs, soft skills… mais les talents se retrouvent ensuite plongés dans un contexte avec un manager, des collègues, des outils et process.

Manager toxique ? Collaboration défaillante ? Outils inadaptés ? Processes dysfonctionnels ? Les RH n’y peuvent rien mais c’est ce qui va permettre au potentiel des collaborateurs de s’exprimer ou d’être ruiné.

A la limite je dirai qu’il vaut mieux un mauvais recruteur qui met des profils moyens dans un bon contexte qu’un très bon recruteur qui met des top talents dans un contexte où ils ne peuvent s’exprimer.

Une politique de formation performante ?

Si le manager freine le sujet (un salarié en formation est un salarié qui ne produit pas), favorise les formations courtes et légères (pour les mêmes raisons), ne veut pas voir ses collaborateurs trop se développer (peut d’être dépassé) voire refuse que soit mis en œuvre ce qui a été appris (il a ses méthodes et ses approches), ce que les RH auront mis en place sera partiellement gâché.

Des bureaux plus fonctionnels ?

Prenez les plus bureaux du monde, mettez y une armée de mauvais managers et vous comprendrez pourquoi les salariés aiment le télétravail.

Politique salariale généreuse ?

Il est évident qu’il faut payer les salariés au juste prix et des fois même un peu plus dans un contexte de marché en tension. Mais une entreprise qui surpaye trop et systématiquement le fait souvent pour faire accepter certains désagréments.

Cela fonctionne un temps mais soit les salariés finissent par partir ou se mettent en mode quiet quitting. Payer pour la valeur du salarié et pour s’adapter au marché est logique, si c’est pour masquer tous ces problèmes qui, justement, font que le travail des RH n’a qu’un impact partiel sur le terrain est la pire des solutions car

1°) On ne règle pas des problèmes qui pénalisent la performance des RH mais surtout de l’entreprise

2°) Cela augmente le « coût people » donc cela amène l’entreprise à être encore plus regardante sur les investissements RH et en refuser certainees qui auraient du sens.

Conclusion

Si elle est loin d’être tout le temps parfaite et exemplaire, la fonction RH est trop souvent challengée sur le mauvais terrain. Son problème est d’investir pour créer un potentiel de performance que d’autres utiliseront ou ruineront.

Puisqu’on sort de la coupe du monde de football, parlons sport.

Imaginez qu’une personne recrute des joueurs, les entraine en fonction d’un plan de jeu. Imaginez ensuite que le jour du match ce soit une autre personne qui dirige les joueurs en les faisant jouer autrement, pas à leur poste avec avec un style de management pas approprié.

Imaginez qu’ensuite on aille reprocher au premier de trop dépenser par rapport aux performances de l’équipe.

C’est tout le problème des RH

Image : Retour sur Investissement de Team Oktopus via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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