Le Quiet Quitting est la nouvelle hantise des DRH et des managers et je ne compte plus les articles qui, selon les cas, soit leur expliquent comment lutter contre ce phénomène soit stigmatise le comportement de ces salariés qui sont encore là mais ne le sont plus tout à fait.
Qu’est ce que le Quiet Quitting ?
On peut définir le Quiet Quitting comme le fait pour un salarié de faire son travail et rien de plus. Faire ce qui est dans sa fiche de poste et pas plus. Arriver à l’heure et partir à l’heure, pas plus.
Pourquoi cela ? Les causes sont nombreuses mais on mettra en avant un certain désenchantement par rapport à l’entreprise, aux promesses non tenues, aux efforts jamais récompensés.
Un comportement qui choque ceux qui pensent qu’un salarié doit toujours en faire un peu plus que ce qu’il est supposé faire.
Quand l’exception devient la norme
Ce comportement est il condamnable ? Si oui cela veut dire qu’il est normal pour un salarié d’en faire toujours plus que ce qu’il est supposé faire. Est-ce une attente normale de la part des entreprises ? Je dirai oui et non.
Oui car en faire un peu plus, peu importe la forme que ça prend, est une marque de motivation et un moyen de démontrer des qualités et des compétences sur un spectre plus large que celui de son poste. Et puis dans certains cas cela fait partie des règles du jeu : quand on rejoint une startup, une entreprise en forte croissance, il faut s’attendre à être dans le dépassement (dépassement de fonction, d’horaires…) pendant un temps au moins.
Non parce que cela ne peut être qu’exceptionnel. Je connais des managers qui récompensent les salariés qui en font plus, restent plus tard, par des primes et des promotions plus rapides et je trouve le deal plutôt honnête. Attention toutefois à ne pas promettre plus qu’on ne peut donner : celui qui va jouer le jeu et n’aura rien car il n’y a pas assez de places pour promouvoir tout le monde sera légitimement déçu.
Non parce que pour certaines entreprises cela fait partie du modèle : on sait que les équipes sont sous staffées, que tout le monde devra travailler davantage pour compenser mais il n’y aura jamais de recrutements pour compenser, les heures supplémentaires ne sont pas payées et vu que c’est un comportement qu’on trouve normal les efforts ne sont récompensés en aucune manière.
Ainsi se demander s’il faut stigmatiser ou non les collaborateurs adeptes du Quiet Quitting il faut en comprendre la cause. Ca n’est pas leur attitude normale, au départ ils étaient investis puis ont fait machine arrière. Le vrai problème n’est pas le Quiet Quitting mais le fait que dans certaines entreprises, certaines cultures d’entreprises, on ait laissé l’exception devenir la norme.
Les entreprises pratiquent bien le Quiet Quitting par rapport à leurs clients
Les salariés, qui ne sont pas plus idiots que leurs managers l’ont compris et ont adopté ce comportement pour se protéger d’un possible burn out, parce qu’ils savent qu’ils n’auront jamais rien en retour et simplement pour faire respecter l’équilibre de leur contrat de travail.
Car quitte à sembler rétrograde il est important de rappeler une chose. Lorsqu’un salarié rejoint une entreprise il signe un contrat qui dit ce qu’il va faire, combien de temps il va le faire et combien il sera rémunéré en échange. Travail contre argent. Et si on change une des données de l’équation (le travail) il est logique d’équilibrer au niveau de l’autre.
J’ai un jour demandé à un manager d’assez haut niveau qui était scandalisé par le fait que certains salarié ne faisaient « que » leur travail si, quand j’allais dans un de ses magasins je pouvais acheter pour 120 euros de produits et ne payer que 100 euros. Il m’a dit « bien sur que non ». C’est tout le problème.
Dans un sens on trouve que l’équation économique doit être équilibrée, dans l’autre non. Peut être une question de lien de subordination ?
Je suis tout de même surpris que certain ne veuillent respecter les contrats que lorsque cela les arrange.
La fidélité consciente
En ce qui me concerne, plutôt que de Quiet Quitting je préfère parler de fidélité consciente. Ils aiment leur boite, leur travail (sinon ils partiraient) mais savent que leur investissement ne sera pas reconnu ni récompensé.
Donc ils restent en connaissance de cause et font juste attention à ne pas se faire avoir.
J’en reviens encore à cet excellent article de la BBC qui apporte une partie de la réponse.
Est-ce que je veux des cours de méditation ? Oui. Mais est-ce qu’ils font bouger l’aiguille sur les choses qui comptent, qui vont réellement changer la façon dont un employé se sent ? Non.
[…]
« Nous avons des journées de santé mentale, mais tout est réactif, pas proactif. Lorsque vous proposez une journée de santé mentale parce que vous voyez que quelqu’un est épuisé, mais que vous n’allégez pas la charge de travail, cela aggrave le stress », explique Laura. « C’est un noble début, mais ça ne permet pas vraiment de joindre l’acte à la parole. Je pense que fondamentalement, cela commencerait par un véritable allègement de la charge de travail. »
[…]
« Tout ce que vous avez à faire est de demander à vos employés ce dont ils ont besoin. Ils vous diront : « J’ai besoin de travailler moins d’heures. J’ai besoin d’être rémunéré suffisamment pour payer la garde de mes enfants et l’épicerie et pour répondre à mes besoins. J’ai besoin de plus de ressources au travail pour faire mon travail. J’ai besoin de me sentir en sécurité lorsque j’ai besoin de prendre des congés. J’ai besoin de ne pas avoir peur de prendre du retard ».
Cela change un peu le regard critique qu’on peut porter sur eux.
Et quand on me demande « pourquoi agissent-ils ainsi » ma réponse est « savez vous quand et comment vous les avez déçus ? ». On en revient à des sujets plus classiques comme l’engagement : des entreprises qui veulent que les salariés s’engagent sans essayer de comprendre pourquoi elles ne sont pas engageantes.
On veut faire du Quiet Quitting une responsabilité des salariés alors qu’il est la résultante des manquements de l’entreprise.
Conclusion
Le Quiet Quitting que certains voient comme un problème causé par le salarié peut être une chance pour les entreprises.
En restant et appliquant leurs contrats de travail à la lettre les salariés leurs disent « je t’aime, tu m’as déçu, mais je te donne une chance. Mais en attendant de regagner ma confiance je ne te donnerai que ce pour quoi tu paies. Pas moins, mais pas plus« .
Alors plutôt que de se demander pourquoi les salariés font « juste » leur travail, demandons nous comment nous avons pu les décevoir et comment y remédier.
Image : Quiet quitting de puha dorin via Shutterstock