Je suis retombé l’autre jour sur un vieil article de la HBR expliquant pourquoi il fallait cesser de rechercher le bonheur au travail et rechercher du sens à la place. Vous pouvez vous demander pourquoi j’exhume ainsi un vieil article de 2019, et bien simplement parce qu‘il est réapparu sur la version française en 2022 (articles de première fraicheur garantie…) et parce puisque je vois que les articles de ce genre continuent à se multiplier il est temps de remettre une fois les pieds dans le plat.
Le bonheur au travail n’existe pas
Une fois pour toute, le bonheur au travail n’existe pas et ce pour une excellente raison. Une personne est heureuse ou non, elle ne l’est pas au travail ou en dehors du travail.
Promettre le bonheur au travail est une promesse intenable car l’entreprise n’a aucune prise sur ce qui se passe en dehors du travail et quoi que fasse l’entreprise une personne en détresse dans sa vie privée ne sera pas heureuse au travail.
Le bonheur est également une notion fluctuante dans le temps. Est-ce ce qui rend une personne heureuse un jour le fait toujours une semaine, un mois, un an plus tard.
Et puis j’ajouterai qu’il y a autant de définition du bonheur qu’il y a d’employés car chacun a des attentes différentes en la matière à un moment donné.
Une promesse intenable donc.
Le « sens-washing »
Le bonheur au travail s’essoufflant on met l’accent sur un nouveau concept : le sens. C’est une notion qui n’a rien de neuf mais qu’on semble avoir ressorti du placard pour l’occasion.
Le sens fait il le bonheur ? Je ne le pense pas et en tout cas pas toujours et d’ailleurs ça n’est pas exactement le sens de l’article.
Mais utiliser un concept tout à fait valide (on ne découvre pas aujourd’hui l’importance du sens au travail) ici me semble le dévoyer de son…sens et constituer une tentative de plus dans une démarche qui consiste à dire aux salariés qu’on prend en compte leurs besoins tout en ne répondant qu’aux besoin de…l’entreprise.
« Tu te sens mal, cherche du sens car il ne faut attendre de nous aucun geste salarial, aucune amélioration de tes conditions et de ta charge de travail ».
D’ailleurs quand j’entends des salariés parler de sens c’est plus souvent pour dire que leur contexte de travail (management, injonctions paradoxales, outils et process) n’en a aucun et qu’à la limite c’est l’entreprise qui a perdu le bon sens.
On peut également sans grand risque dire qu’alors que les entreprises deviennent de plus en plus compliquées, qu’elles n’arrivent pas à répondre à la complexité par autre chose que de la complication, elles se défaussent sur leurs collaborateurs : on ne trouve pas la voie de la simplicité donc trouve un sens à ce que tu fais.
En somme si la notion de sens au travail est importante et n’a rien de nouveau, l’utiliser pour convaincre les salariés de regarder ailleurs que leurs besoins réels que l’entreprise ne satisfait pas relève un peu de la mauvaise foi.
Mais puisqu’il y a un certain temps j’avais évoqué la notion de satisfaction pour remplacer celle du bonheur je voudrais en profiter pour creuser un peu le sujet.
La satisfaction au travail
Je pense en effet que si le bonheur est une promesse aussi vague que difficile à tenir, la satisfaction est quelque chose de plus pragmatique et atteignable.
Cela se compose d’un certain nombre de choses.
Satisfaction de travailler dans une entreprise dont on partage les valeurs.
Satisfaction de faire un travail qu’on aime.
Satisfaction du travail accompli.
Satisfaction de voir son travail reconnu (y compris en termes de salaires).
Satisfaction par rapport aux méthodes de travail, outils, process qui sont des facteurs de performance plutôt que des poids.
Satisfaction de voir que si l’entreprise est exigeante elle ne dépasse pas certaines limites et a des attentes raisonnables en termes d’investissement personnel.
Satisfaction par rapport à un manager qui aide à grandir.
Satisfaction par rapport aux perspectives d’évolution.
Satisfaction par rapport à l‘ambiance, aux collègues.
Alors bien sûr on peut avoir tout cela et ne pas être heureux mais au moins c’est une promesse que l’entreprise peut tenir.
Conclusion
De l’engagement au bonheur au travail en passant par le sens et pleins d’autres choses les entreprises ne cessent d’inventer des nouveaux concepts pour montrer qu’elles s’occupent de leurs collaborateurs en évitant de s’attaquer au coeur du problème.
En travaillant simplement sur la satisfaction des collaborateurs elles se donneraient un objectif atteignable qui, en plus, permettrait de s’attaquer à ce qui compte pour les collaborateurs.
Image : satisfaction garantie de ra2 studio via Shutterstock