L’édition 2023 du baromètre de l’expérience collaborateur de parlons RH vient de sortir, avec cette année un focus spécifique sur le manager, à la fois sous le prisme de l’expérience manager et du rôle du manager dans l’expérience collaborateur au sens large.
J’étais impatient de voir si cette nouvelle édition allait marquer un virage et insuffler une nouvelle dynamique. En effet dès l’édition 2021 je m’étonnais que le tableau dépeint était celui d’une expérience employé qui ne concernait pas les situations de travail et en 2022 je m’inquiétais que faute d’une définition partagée par tous l’expérience collaborateur allait vite se limiter à la QVT et finir dans une impasse.
Je ne vais pas traiter toute l’étude en profondeur mais m’attarder sur deux points clé : le manager d’une part et le fait que l’expérience collaborateur devrait définitivement cesser d’être un sujet uniquement RH.
Je vous incite bien sûr à télécharger le baromètre 2023 de l’expérience collaborateur ici.
Le manager, élément clé de l’expérience employé
Inutile d’expliquer pourquoi le manager est un élément clé de l’expérience employé tant il est un point de contact essentiel entre l’entreprise et le collaborateur (on rejoint une entreprise, on quitte un manager…). Raison pour laquelle il faut également s’intéresser à l’expérience manager : suivant le principe de la symétrie des attentions, un manager ne pourra donner à ces équipes ce qu’il ne reçoit pas lui même de son propre manager et de l’entreprise. Comme je l’expliquais dans la cadre du Management Delivery Model, il y a une promesse faite au client, le collaborateur en face du client doit être mis en capacité de la tenir, le manager y contribue donc, ainsi que son manager etc…
Ce qui m’amène à une définition très terre à terre de l’expérience employé qui est loin du pays des bisounours mais revient ni plus ni moins à donner aux gens les moyens de faire leur travail sans qu’ils aient à se battre contre leur propre entreprise. En encore : « L’expérience employé est la somme des sentiments et des bénéfices qu’un salarié retire de ses interactions avec les composantes de son environnement de travail tout au long de son cycle de vie dans l’entreprise ».
Selon le baromètre dans 58% des entreprises ayant une démarche d’expérience collaborateur et 42% des autres le management est logiquement vu comme une activité qui impacte l’expérience collaborateur au plus haut point.
La paie et l’administration du personnel arrivent en dernier derrière le dialogue social (5%) et la rémunération et les avantages sociaux (11%) et le management n’est devancé que par l’onboarding (73%). On n’a qu’une seule chance de faire une bonne première impression mais espérons que ça ne s’arrête pas là.
Le manager : un relai que personne n’écoute
S’il est un relais de la démarche dans 48% des cas, il n’est associé à sa conception que dans 43% des cas. Des chiffres assez stupéfiants : comment avoir un impact sur le terrain sans écouter ceux qui en sont proches et comment déployer une démarche sans s’appuyer sur eux ?
On en déduit que plus de la moitié des entreprises ne font jouer aucun rôle au manager dans leur démarche, et pire encore, considèrent que le manager joue un rôle mineur dans l’expérience collaborateur…Alors qu’elles sont 58% à dire le contraire dans la question qui précède.
Mais vous verrez plus loin que nous ne sommes pas à une contradiction près.
Et on trouve la réponse un peu plus loin : ce sont les RH qui « écoutent », définissent et appliquent la démarche. Va-t-on, comme je l’appelais de mes voeux, résoudre ainsi ce qui est au coeur du sujet à savoir l’organisation du travail ? Je n’y crois pas une seconde.
Une bonne nouvelle cependant, 73% des entreprises pratiquantes mesurent l’expérience du manager de manière formelle ou informelle contre 33% des non pratiquantes. Logique : si on ne croit pas dans l’expérience employé on ne croit pas dans l’expérience manager non plus mais je pense qu’un peu de vigilance à l’égard ce cette courroie de transmission devrait être indispensable du simple point de vue de la performance opérationnelle. Et bien non…
Après on ne s’étonnera pas que les managers ne veulent plus manager. Déjà que trop de managers le sont devenus par promotion sans en avoir les qualités ni la fibre, parfois même à contrecoeur, que voulez vous qu’il pensent si on ne les écoute ou ne les outille pas pour faire leur travail ?
D’un autre côté comment voulez vous associer les managers à de telles démarches alors que 62% d’entre eux ne sont évalués que sur la performance pure de leur équipe. Du travail en plus qui n’impacte pas leurs indicateurs à eux. Dis moi comment tu me mesures je te dirai comment je me comporterai.
L’organisation du travail, la vérité qui dérange
Je parlais plus haut du manque de vision claire de ce qu’est l’expérience employé, voire du manque de vision tout court.
Qu’est ce qui rentre dans l’expérience employé selon les répondants :
78% La prise en compte du feed back des collaborateurs.
76% L’attention apportée au bien-être au travail des collaborateurs
58% L’amélioration continue de l’offre de services RH par un système d’écoute des attentes des collaborateurs
57% L’amélioration de l’organisation opérationnelle du travail en fonction des retours des collaborateurs
51% L’organisation d’un management collaboratif
34% L’octroi par la direction d’avantages sociaux et de services aux collaborateurs
Je note deux éléments saillants.
Le premier est qu’un élément clé de l’expérience employé est d’être écouté. Pas écouté pour vider son sac, soigner sa santé mentale ou faire de la bobologie, mais écouté pour améliorer les choses au quotidien. En dehors des avantages sociaux et d’un autre facteur tout est en rapport avec ce sujet.
L’autre facteur, justement, c’est l’amélioration de l’organisation opérationnelle du travail en fonction des retours des collaborateurs. Et c’est un vrai pas en avant
L’amélioration de l’organisation opérationnelle du travail : l’éléphant dans la pièce qui s’invite par surprise dans le baromètre de l’expérience collaborateur
Depuis qu’on parle d’expérience employé je ne cesse de dire que la dimension opérationnelle au moins aussi importante sinon plus que la calinothérapie RH à la quelle on limite le sujet le plus souvent.
A chaque fois que je voyais une étude sur le sujet j’étais étonne que ce point n’y figure pas alors que mon expérience du terrain me disait tout le contraire. Quand on demande en off aux collaborateurs ce qui ne va pas, ils parlent de leur manager, des problèmes d’organisation, des réunions mal organisées et à n’importe quelle heure, des circuits de décision et de validation, pas de sujets RH à moins qu’on soit déjà au bord de la crise.
J’ai eu la réponse l’an dernier en étant interviewé par les organisateurs du baromètre : l’expérience collaborateur est un sujet RH donc en général on ne propose que des items RH dans la liste de choix.
Et cette année ils ont donc décidé d’inclure cet item pour voir si les gens y réagissaient.
Jackpot : un sujet donc personne ne parlait avant parce qu’on ne leur posait pas la question et qui s’avère être la 4e préoccupation la plus importante, disons même 3e ex aequo avec l’offre de service RH, loin devant les avantages sociaux et les services aux collaborateurs.
Et je dirai même la plus importante ex aequo : en effet si on considère que la prise en compte des feedbacks relève davantage de l’écoute que de l’action et qu’à mon avis l’essentiel de ce qui remonte concerne l’organisation du travail (à moins qu’on biaise les questions) et que l’amélioration du bien être peut rentrer dans les services RH.
En fait cela ne fait que confirmer que l’expérience employé repose sur deux piliers : le contexte du travail (RH), et le travail (opérations, management, delivery…).
L’expérience collaborateur n’est pas entre les bonnes mains
Et qui s’occupe de l’expérience employé ? Les RH. Et là également le baromètre est très intéressant !
Dans les entreprises à la pratique récente (1 an) c’est la DRH dans 82% des cas, dans celles qui pratiquent depuis entre 1 et 3ans cela tombe à 80%, et dans celles à la pratique la plus ancienne ça n’est plus que 64% (32% pour la DG).
Ou dit autrement : plus on creuse le sujet de l’expérience employé plus on comprend que ça n’est pas qu’un sujet RH.
Je ne dis pas, encore une fois, que les RH ne doivent pas s’occuper du sujet mais qu’ils ne peuvent pas s’en occuper seuls ! Ou alors montrez moi un DRH légitime sur les sujets d’organisation du travail, de delivery, d’opérations…et il y en a car ils viennent du métier. Mais ça ne courre pas les rues.
Le travail, son organisation sa complication, sont au coeur de l’expérience employé et il serait enfin temps d’en tenir compte. Ca n’est pas faute de l’avoir répété depuis des années.
Conclusion
Il aura fallu 6 éditions du baromètre de l’expérience employé pour que ressorte enfin qu’une de ses composantes essentielles était l’organisation du travail !
Mieux vaut tard que jamais mais cela a un impact majeur sur la manière dont on organise une telle démarche et son pilotage.
On y apprend aussi que les managers ne sont qu’une courroie de transmission à laquelle on prête peu d’attention mais ça on le savait déjà.
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