Et pourtant ce candidat semblait parfait. Son CV correspondait parfaitement au poste à pourvoir, il a passé brillamment les 15 étapes du process de recrutement, convaincu tous les interlocuteurs auxquels il a eu affaire. C’était la personne parfaite pour aider l’entreprise à passer un cap.
Et pourtant…
Ses résultats ont déçu, son impact a déçu. Parfois la déception était légère mais parfois ça a été un réel échec.
Bref on lui a dit au revoir (ou lui même a décidé de mettre un terme à l’expérience) et on continue à se demander « pourquoi ? ».
Cette situation il n’y a pas une entreprise qui ne l’a pas connu. Remarquez que l’inverse est également possible : un personne dont on n’attend pas grand chose et qui à l’occasion d’une mobilité interne ou externe passe un cap et obtient des résultats exceptionnels. Mais ceux là on en parle moins.
Et cela vaut dans tous les domaines. On a tous en tête dans notre sport favori ce sportif qui a été transféré a pris d’or, dont tout le monde attendait beaucoup car ne pouvait que fonctionner et qui n’arrivait plus à mettre un pied devant l’autre une fois qu’il avait rejoint sa nouvelle équipe.
On ne réussit ou échoue jamais seul
Je dis souvent que quand quelque chose va mal c’est dans 94% des cas à cause du système et dans 6% à cause des gens. Ca c’est au niveau opérationnel et je ne sais pas si les proportions sont les mêmes dans le cas qui nous intéresse mais ça permet déjà d’ouvrir les yeux.
Qu’est ce qui a fait qu’une personne a réussi dans ses postes précédents ? Son talent, c’est sûr. Mais est-ce tout ?
Le modèle managérial de l’entreprise l’a peut être aider à s’exprimer et à grandir. De même que son organisation. Et bien sûr sa culture.
Et puis ses collègues. Là on parle aussi bien de soft que de hard skills. Pouvait il s’appuyer sur eux ou étaient ils un frein ? Et indépendamment de toute compétence vient aussi la notion de savoir à quel point la complémentarité des membres de son équipe a été un facteur de succès.
Enfin viennent pleins de choses comme les pratiques de travail (collaboration, télétravail….) qui lui convenaient, avec lesquelles il était à l’aise.
Tout cela conditionne la réussite d’une personne, au delà de son propre talent. Le talent individuel peut aider à combler de nombreuses lacunes, à parfois faire des miracles mais ça a ses limites et dans la durée cela ne suffit pas.
En entretien on aime bien dire que ses succès on les doit principalement à soi et que les échecs sont principalement dûs aux autres, au système, à l’organisation, à la culture. C’est humain. Mais la vérité est qu’on réussit autant qu’on échoue grâce aux autres et grâce au système.
La preuve : quand une personne est nommée à un poste qui suppose certaines responsabilités vous verrez que, souvent, elle commence par vouloir reproduire l’environnement qu’elle a quitté et recruter certains de ses anciens collègues.
Pourquoi ? Parce que ça a marché donc que ça remarchera, parce que cela rassure. Des fois cela fonctionne, dès fois la greffe ne prend pas.
La vérité est que lorsqu’on recrute une personne on recrute…une personne. On ne recrute pas ses collègues, son manager, on n’importe pas une culture d’entreprise ni des process.
On recrute son talent mais aucun des éléments qui ont fait qu’elle a réussi par le passé. On fait un pari sur une grande partie des choses qui feront que cela fonctionnera ou pas.
Personnellement quand un candidat me raconte ses réalisations j’essaie de voir à quel point il y a conscience de l‘importance du contexte dans son succès et que pour obtenir les mêmes résultats dans un autre contexte il devra oeuvrer totalement différemment. Cela ne veut pas dire qu’il y arrive mais au moins cela montre qu’il l’a compris.
Reprenons l’exemple de notre sportif. Peut être que c’est un système de jeu qui le rendait bon, que ses partenaires lui permettaient de briller car ils étaient extrêmement complémentaires, un entraineur qui arrivait à tirer le meilleur de lui..
Que sont devenus les joueurs qui composaient la « Dynastie » des Chicago Bulls lorsqu’elle a été démantelée ? Ils ont eu des carrières honnêtes mais n’ont jamais été dominants ailleurs comme ils l’ont été aux Bulls et autour de MJ.
D’où cette tendance qu’on les clubs à vouloir (re) constituer des duos, des trios….
Une question d’adaptation
Comment faire en sorte que les choses se passent au mieux ? En essayant au delà du CV de comprendre les raisons du succès (ou de l’échec) d’une personne mais c’est tout sauf évident car peu de candidats sont capables eux-même de le comprendre…jusqu’au jour où ils sont en difficulté sur leur nouveau poste et réalisent ce qui leur manque, où au contraire passent un pallier et réalisent ce qu’il leur avait manqué jusque là.
Bref la compétence principale à identifier est la capacité d’adaptation. Peut il refaire la même chose qu’avant dans un contexte différent ? Cuisiner le même plat en changeant la recette ? Oublier et réapprendre sans perdre ses qualités ?
Autre possibilité : adapter l’entreprise. Le laisser recruter ses anciens collègues, transformer les process, pour répliquer son environnement précédent. Une bonne idée ?
Cela peut être un bonne idée si votre entreprise est en pleins (re) structuration et que vous voulez importer ce qui fonctionne ailleurs.
Cela peut être la pire idée du monde dans d’autre cas car vous risquez de créer une entreprise dans l’entreprise, une guerre des clans, un clash des cultures et le remède sera pire que le mal.
Encore un exemple du monde du sport : on a vu des équipes se transformer totalement pour se mettre au service d’un joueur star qui venait d’être recruté. Le résultat ? Parfois (rarement?) le succès, souvent d’énormes déceptions.
Mais j’ai aussi en tête ce chef d’entreprise qui m’a dit une fois « je voulais débaucher certains talents d’une entreprise qui avait un truc de plus que nous…à la fin j’ai compris que ça ne marcherait pas. Alors je les ai racheté et on a eu le temps d’apprendre d’eux. Ils ne se sont pas intégrés, c’est nous qui avons essayé de nous intégrer à eux« .
Conclusion
Quand on recrute une personne on ne recrute qu’une personne, son talent, et pas les nombreux ingrédients qui on fait qu’elle a réussi dans son précédent poste : collègues, cultures, process etc.
Mais l’inverse est également vrai : un candidat qui n’a que moyennement réussi par ailleurs peut trouver chez vous le contexte qui fera qu’il dépassera toutes vos espérances.
Image : salarié en échec de Freedom my wing via shutterstock.