L’expérience collaborateur : un levier de transformation au service de la performance

C’est en tout cas la conclusion du baromètre 2024 de l’expérience collaborateur de Parlons RH que vous pouvez télécharger ici : l’expérience collaborateur est une transformation qui aide à faire face aux transformations.

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il a fallu du temps pour en arriver là et à une approche de l’expérience collaborateur que je commence à trouver lucide, pragmatique et orientée business.

Mais avant d’aller plus loin dans l’analyse de ce document que je ferai logiquement au travers du prisme de ma propre vision et donc des sujets qui me semblent les plus importants, il est important de comprendre comment on en est arrivés là.

L’évolution de l’expérience collaborateur depuis 2021

Cela fait près 7 ans si je ne me trompe que Parlons RH a commencé à s’intéresser au sujet et à produire ce baromètre annuel à partir de l’écoute de professionnels et en y ajoutant les commentaires d’experts et praticiens du sujet.

Dans l’édition 2021 je m’inquiétais que l’expérience collaborateur telle que décrite par les praticiens RH concernait à peu près toutes les dimensions de la vie du collaborateur à condition…qu’il ne soit pas en train de travailler (4e baromètre de l’expérience collaborateur : un sujet majeur en quête d’impact). Donc à peu près 5% de le temps.

je persistais en 2022 en m’inquiétant que faute de définition partagée et par manque d’impact réel sur la performance et le travail l’expérience employé risquait fort de finir aux oubliettes et rejoindre le cimetière bien peuplé des bonnes idées mal comprises et appliquées (5e baromètre de l’expérience employé : dernier arrêt avant le terminus ?). Les RH n’ayant la main que sur la QVT l’expérience employé devenait une QVT boostée aux stéroïdes mais on ne peut en vouloir aux RH d’avoir une telle approche.

C’est un peu comme l’histoire de la personne qui, de nuit, cherche ses clés au pied d’un lampadaire sans les trouver et qui, lorsqu’on lui demande « est-ce bien là que vous les avez perdues? » répond « ah non ça n’est pas là mais c’est le seul endroit où il y a de la lumière ».

J’avais souvent abordé ce sujet dans mes discussions avec les équipes de Parlons RH qui ont décidé d’inclure en 2023 la notion d’amélioration de l’organisation du travail dans la liste des sujets proposés aux personnes interrogées comme composante essentielle de l’expérience collaborateur. Et là à la surprise générale ce sont près de 60% des répondants qui ont choisi cet item, quasiment ex-aequo avec l’amélioration de l’offre de service RH (Baromètre 2023 de l’expérience collaborateur : l’expérience employé face à ses contradictions).

A la surprise générale…peut être mais pas à la mienne car c’est par l’organisation du travail que j’avais pris le sujet de l’expérience collaborateur lorsque j’en étais en charge et que le moins qu’on puisse dire est que ça avait porté ses fruits avec un double bénéfice pour l’entreprise et pour le collaborateur. Mais il est évident que puisque cet item n’était pas proposé par le passé les répondants ne risquaient pas de le choisir et en posant la question Parlons RH avait en quelque sorte rallumé la lumière.

Une découverte qui signifiait que les RH comprenaient l’ampleur du sujet quitte à se mettre dans une situation d’inconfort car c’était reconnaitre qu’une grande partie de l’expérience collaborateur ne leur appartenait pas mais se situait du coté des managers et des opérations. Pas seulement les « People Ops » mais les « business Ops » également.

J’étais donc curieux de voir si c’était un feu de paille ou une tendance pérenne et, le cas échéant, comment les RH sortaient de leur zone de confort pour adresser le sujet.

Les transformations au coeur des préoccupations

Pour comprendre l’importance donnée à l’expérience employé il faut avant partir des préoccupations des entreprises, des collaborateurs et des RH.

Et le grand sujet qui revient en force pour tous est les transformations. Rien de plus logique dans le monde d’aujourd’hui même si ça n’a pas grand chose de nouveau : le monde, l’économie, la société ont toujours été en transformation permanente, sauf que cela fait 20 ans que ça ne cesse d’accélérer. Mais c’est bien d’en prendre conscience.

Qui dit transformations dit inconfort et c’est sans surprise que la QVT arrive en tête des demandes. Mais, plus intéressant, elle est est accompagnée de l’organisation du travail.

Un constat qui est tout sauf surprenant. Pour reprendre une de mes phases favorites « la QVT et l’expérience employé ça n’est pas construire un Spa à côté de la salle de torture mais démanteler la salle de torture« .

Les salariés l’ont bien compris : le sujet n’est pas à la périphérie du travail où l’on l’a longtemps enfermé mais au coeur du travail ! Et ça n’est pas qu’une question de pénibilité, c’est aussi une question de performance en adoptant des organisations qui supportent les collaborateurs plutôt que les freiner et contre lesquelles ils n’ont pas à se battre pour faire leur travail.

Mais c’est aussi reconnaitre qu’on ne peut voir les métiers, les technologies et les compétences évoluer et changer sans se dire qu’à un moment cela doit radicalement changer la manière dont on travaille. En 2024 nous sommes encore enfermés dans une sorte de post-taylorisme et il serait enfin temps que cela change.

L’expérience collaborateur propre des entreprises qui anticipent et embrassent le changement

Le premier constat de ce baromètre est que les entreprises dites « pratiquantes » en termes d’expérience collaborateur sont plus préparées et adaptées au changement que les autres.

Bien sur beaucoup d’entreprises ont avancé ces dernières années vers une culture porteuse de sens, une gestion individualisée des carrières ou la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences mais il est démontré que les pratiquantes l’ont fait dans des proportions largement supérieures aux autres et, de plus, ont anticipé ces changements.

Faut il y voir un bénéfice de l’expérience collaborateur ? Je ne pense pas et je ne vais pas non plus la parer d’atouts qui ne sont pas les siens. Il faut faire la différence entre corrélation et causalité et là je pense qu’on est plutôt dans le domaine de la corrélation.

Les entreprises qui anticipent et mettent leurs collaborateurs au coeur de leur projet sont plus promptes à faire évoluer leur culture, avoir une gestion individualisée des carrières et… faire de l’expérience collaborateur. Je mets tout cela sur le même plan sans penser que l’un a causé l’autre.

Et ces entreprises sont logiquement plus proactives face aux turbulences.

Les entreprises dites « réfractaires » sont 35% à n’avoir mis en place aucune mesure face aux difficultés rencontrées par leur collaborateurs sur le terrain contre seulement 4% des pratiquantes.

J’en tire la même conclusion que précédemment : c’est la culture d’entreprise et certainement une certaine visions des dirigeants qui entraine le reste, l’expérience employé étant davantage une conséquence qu’une cause.

Je prendrai même le sujet dans l’autre sens : les entreprises lucides qui anticipent font de l’expérience collaborateur, les autres pas ou moins et se complaisent dans l’immobilisme.

Il serait d’ailleurs intéressant de voir les différences de performance entre ces entreprises en termes de business.

L’expérience collaborateur est une démarche d’amélioration continue

Je tire de mon expérience que l’expérience collaborateur est avant tout un message mais qu’au fond on est en face d’un sujet plus classique et connu qui est celui de l’amélioration continue.

Identifier les dysfonctionnements, ce qui empêche les collaborateurs de bien faire leur travail, d’être efficaces, ce qui leur pèse et ensuite passer son temps à améliorer par petites touches au fur et à mesure que le contexte change.

Créer une direction ou un département de l’expérience collaborateur c’est surtout envoyer un message à tous, et notamment aux managers, que c’est un sujet qui compte, qui va faire l’objet d’actions spécifiques, et au sujet duquel on attend de l’implication de leur part.

Ensuite une fois la dynamique en place cela se gère comme une démarche d’amélioration continue qu’il faut réussir à faire exister à côté du travail quotidien (Améliorer le travail d’une équipe : histoire d’une amélioration continue). De toute façon il faut bien avoir en tête que les démarches transformatives ne sont pas un moment provisoire entre deux périodes de stabilité mais sont la norme, qu’on le veuille ou non (La transformation n’est pas un état provisoire de l’entreprise et vos employés le savent donc ne mentez pas.).

Et c’est ce que font les entreprises pratiquantes : elles écoutent, sourcent les problèmes et les axes d’amélioration et agissent.

Résultat : « 75 % des pratiquants ont bel et bien déployé soit un processus d’amélioration continue des services RH, soit un processus d’amélioration de l’organisation opérationnelle du travail, soit les deux, en lien avec les retours des collaborateurs« 

Celles qui se sont attaquées à l’amélioration de l’organisation du travail sont 29% et c’est très bien pour un sujet initialement vu comme exclusivement RH…mais j’espère le voir augmenter dans les années à venir.

Il reste à noter que certaines entreprises peinent à aller au bout de la démarche car 11% ont mis en place un processus de management collaboratif sans amélioration continue et 14% se contentent d’écouter sans avoir de vrai dispositif de passage à l’action.

Mais, à l’inverse, je ne suis pas surpris de voir des entreprises faire de l’expérience employé sans le dire. Il y a tellement de points communs entre l’expérience employé et des sujets comme l’amélioration continue ou l’excellence opérationnelle que les entreprises qui ont une vraie culture et des initiatives dans ces deux dernières domaines font forcément un peu d’expérience employé sans en avoir conscience.

La réalité, telle que je l’ai vécue, est que la frontière entre « people ops » et « business ops » est très fine à tel point j’ai fini par me voir confier les deux et l’honnêteté m’oblige à dire que je pense n’avoir jamais eu autant d’impact sur le quotidien des collaborateurs qu’avec ma casquette « business ops » (Pas besoin d’être RH pour avoir un impact avec l’expérience employé).

En tout cas pour une vraie démarche d’expérience employé RH et Ops doivent se parler et collaborer sinon on restera dans une démarche hors sol sans impact opérationnel et donc difficile à justifier dans le temps dès lors que les entreprises recommencent à faire attention à leurs coûts.

Le feedback au coeur de l’expérience collaborateur

Comme je le dis souvent l’expérience employé n’est ni compliquée ni ne requière une sorte d’inspiration et de vision de la part de ceux qui la pilotent. Il suffit d’écouter et d’agir et les entreprises pratiquantes l’ont bien compris.

Par contre je reste surpris par les canaux utilisés qui sont les remontées des managers, des RH et les entretiens annuels.

Tout d’abord parce que çà manque de digital donc de temps réel et que c’est difficilement scalable.

Ensuite parce qu’il manque un étage à la fusée.

Tout ne peut pas être centralisé en haut de l’entreprise. Il n’y a pas assez de bande passante et à ce niveau on manque de pertinence pour régler les problèmes quotidiens les plus opérationnels qui doivent se gérer localement avec les managers.

A titre personnel ce que j’avais mis en place c’était

1°) une plate-forme de feedback au niveau global pour les sujets globaux. Elle avait également la particularité de servir à recueillir les bonnes pratiques observées sur le terrain et potentiellement généralisables. Dans un second temps elle peut se coupler avec une démarche de helpdesk employé (Helpdesk employé et Ticketisation de l’entreprise : mode d’emploi).

2°) Au niveau des équipes pour une approche pragmatique et opérationnelle un dispositif participatif et agile dédié à l’amélioration de l’organisation et des pratiques de travail que j’ai mentionné plus haut.

Mais de manière générale, digital ou pas, on gagne à s’inspirer des principes qui ont fait leurs preuves dans le management de la qualité dans l’industrie par le passé et aujourd’hui comme le Kaizen ou les cercles de qualité. En effet les notions d’expérience et de qualité sont finalement très voisines (Et si on parlait de la qualité du travail et L’expérience est le nouveau nom de la qualité et est le fruit de l’excellence opérationnelle).

En tout cas si on dit que l’organisation du travail compte en matière d’expérience collaborateur il manque clairement des dispositifs pour adresser le sujet.

Même chose sur la manière dont est monitorée l’expérience collaborateur. Des sondages, des baromètres, des indicateurs RH mais rien qui mesure la dimension organisation opérationnelle du travail.

Ces indicateurs existent pourtant car ce sont souvent ceux du pilotage du business et des opérations mais visiblement l’expérience collaborateur ne les regarde pas alors qu’elle prétend s’intéresser au sujet.

Le DRH en chef de la transformation ?

C’est en tout cas la conclusion de ce baromètre. Si l’expérience employé impulse et supporte des transformations rendues nécessaires par les transformations externes le DRH est de fait le grand ordonnateur des transformations internes.

Dans les entreprises pratiquant l’expérience collaborateurs elles sont désormais 81% où c’est le DRH qui pilote la démarche (contre 71% avant).

J’aimerais bien savoir qui le fait dans les 19% restant et, d’ailleurs, je ne sais pas si c’est une bonne chose pour les raisons expliquées plus haut. Il faut, à mon avis, une démarche très orientée ops et je ne connais pas beaucoup de DRH qui passent beaucoup de temps avec leur COO

Ca n’est qu’à ce prix qu’ils accompagneront pleinement les projets de transformation mais malgré le positivisme de l’étude je les vois encore sinon marginalisés en tout cas à la périphérie sur ces sujets.

Je note la volonté d’impacter davantage l’organisation du travail mais cela manque encore un peu de consistance et d’outillage à mon sens.

Un dernier point essentiel aussi bien en termes de QVT que d’organisation du travail que l’expérience employé devrait, à mon avis, prendre en compte et qui n’est pas mentionné dans le baromètre : l’accroissement insupportable de la charge cognitive et mentale due à la mauvaise utilisation des outils de communication et collaboration (Outils collaboratifs en entreprise : de la confiture aux cochons ?).

Peut être que le baromètre 2025 abordera ces deux sujets.

En attendant je ne peux que vous conseiller de télécharger le baromètre 2024 et le lire avec attention.

Image : expérience collaborateur de Roman Samborskyi via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
28AbonnésS'abonner

Découvrez le livre que nous avons co-écrit avec 7 autres experts avec pleins de retours d'expérience pour aider managers et dirigeants

En version papier
En version numérique

Articles récents