Selon une étude que vient de publier Lucca, un éditeur SIRH Français, au sujet des aspirations professionnelles des français, ces dernières sont en nette évolution à tel point que beaucoup souhaitent changer de métier. Elle met également en avant que les conditions de travail ne cessent de se détériorer.
Vous pouvez télécharger l’étude ici.
L’étude nous apprend en effet pleins de choses sur les aspirations professionnelles des salariés français et chacun y trouvera des enseignements intéressants en fonction de ses propres préoccupations mais je vais faire un focus sur deux sujets qui m’intéressent plus spécifiquement à savoir les attentes des salariés et l’expérience collaborateur.
Importance de la rémunération et désamour pour le management
Je vais aller directement aux deux extrémités du classement des aspirations des salariés français en commençant par ce qui est le plus important pour eux.
Et le plus important est une rémunération confortable pour 50% d’entre eux. Je ne sais s’il faut retenir que c’est la chose la plus importante ou qu’elle ne l’est « que » pour 50% des gens mais cela remet l’église au centre du village.
Je suis en effet excédé par tous les discours qui nous racontent autre chose, disent, par exemple, que le sens est plus important que tout alors qu’on sait bien que ça n’est pas le cas.
Je ne sais pas si c’est pour essayer de forcer les gens à se convaincre que ça n’est pas un critère important ou pour qu’ils se sentent mal à l’aise lorsqu’il faut aborder le sujet en pensant qu’ils sont les seuls pour qui ça compte mais il serait temps d’arrêter l’hypocrisie sur le sujet dans la communication RH.
D’ailleurs être au service de l’intérêt général ne compte que pour 6% des répondants.
A l’opposé le fait d’encadrer une équipe n’est recherché que par 4% d’entre eux. C’est à la fois logique et gravissime.
Logique car on fait peser de plus en plus de poids sur les managers sans leur donner davantage de moyens, voire on les enferme dans une conception du management d’un autre âge. C’est le paradoxe de la fonction : j’avais lu il y a des années une étude qui disait que les salariés n’étaient pas satisfaits de leurs managers mais qu’ils ne voulaient surtout pas prendre leur place.
Logique également parce que les salariés ont compris que manager ça ne s’improvise pas, ça n’est pas juste un titre mais c’est un rôle spécifique qui demande des qualités et des envies qui ne sont pas celles de tout le monde. On pourra accumuler les formations je reste convaincu que fondamentalement on a la fibre managériale ou pas. On peut s’améliorer à la marge mais seulement à la marge.
Mais si les salariés l’ont compris ça ne me semble pas être le cas des entreprises qui utilisent le management comme une récompense, une promotion, indépendamment des qualités managériales des gens et de leur appétence (Reinventing the Leader Selection Process). Et, logiquement, personne n’a envie de se voir propulser sur un poste exposé pour lequel on ne se sent pas fait à part pour la rémunération (ce qui est un autre problème).
Une tendance qui est tout sauf surprenante. Déjà en 2021 un article des Echos (Crise sanitaire : les managers, sur les nerfs, se détournent de leur fonction) nous disait :
« La crise sanitaire, en bouleversant les codes du management , a probablement accéléré le mal-être des managers puisque 66% des sondés qui exercent cette fonction la trouvent stressante ( 72% pour les femmes ) et 43% considèrent que cela représente trop de responsabilités (49% des femmes le soulignent). Un manager sur deux trouve que sa fonction est devenue trop difficile depuis le début de la crise sanitaire ; 54% des femmes sondées partageant ce point de vue. Pis, 13% des managers vont jusqu’à déclarer qu’ils n’aiment pas diriger leur équipe !« .
La crise sanitaire est terminée mais les séquelles sont restées car elle n’a fait que mettre en lumière un mal profond qui était préexistant et qui n’a certainement pas disparu depuis.
Mais c’est gravissime car les entreprises ont besoin de managers et de bons managers. On peut dire tout ce qu’on veut sur les structures plates et l’inutilité du manager la vérité est qu’on en a besoin. On n’a pas ou plus besoin du manager à l’ancienne, petit chef qui règle en tyran sur son open space mais on a besoin de gens pour organiser la prise de décision, pour développer les talents et pour assumer. Car même les anti-managers lui reconnaissent une qualité : il assume pour l’équipe les décisions fussent elles prises de manière collaborative, chose que personne ne voudrait faire à sa place.
Mais j’aurais l’occasion de revenir de manière plus détaillée sur ce point prochainement.
QVT et expérience collaborateur en régression
L’étude comporte un chapitre dédié à la qualité de vie au travail qui tombe à point nommé dans la perspective du Baromètre 2024 de l’expérience collaborateur de Parlons RH que je vous ai présenté la semaine dernière (L’expérience collaborateur : un levier de transformation au service de la performance) qui nous disait que désormais la première attente des collaborateurs en la matière concernait l’organisation opérationnelle du travail.
Je ne vais pas rentrer en détail dans les chiffres mais l’étude s’est intéressée à certaines dimensions de la QVT (Le niveau de stress au travail, le volume de tâches administratives (notes de frais, congés…), les conditions matérielles de travail, la rémunération, la qualité des relations avec la hiérarchie, la formation, la qualité des relations avec les collègues, la souplesse dans l’organisation de son travail (horaire et/ou lieux), l’égalité des chances (quels que soient l’âge, le sexe, l’origine sociale…)) dont certaines rentrent totalement dans le prisme de l’expérience collaborateur.
Peu importe l’item choisi, il n’y a que 11 à 22% des salariés interrogés qui trouvent que le choses se sont améliorées avec un score moyen autour de 15%.
Ils sont en général autour de 60% à trouver que les choses sont restées stables et je vous laisse seuls juges quant à savoir si à défaut d’amélioration une non régression est une bonne nouvelle dont on peut se satisfaire.
Logiquement ce sont pour chaque item entre 20 et 30% des salariés qui disent que les choses se sont dégradées avec des pointes à 40% pour le stress et 32% pour les tâches administratives.
Un tableau un peu plus sombre que celui du baromètre que j’ai cité plus haut qui, lui montrait des avancées significatives sur les quelques items comparables.
Je vais m’intéresser aux deux items dont la dégradation est la plus significative.
Commençons par le stress. Il est dommage que ses causes ne soient pas étudiées en profondeur mais il me semble acceptable de dire que c’est un indicateur composite de nombreux autres facteurs.
Quand les relations avec les collègues et le management sont mauvaises, l’organisation du travail rigide et que les tâches administratives encombrent votre agenda ce qui fait que vous avez moins de temps pour faire votre travail, il est illogique de que stress augment.
Parlons ensuite des tâche administratives, un sujet que je connais bien pour lui avoir déclaré la guerre et pris le sujet à bras le corps.
J’ai identifié 3 causes majeures.
La première est une culture de la surveillance et du contrôle qui peut être globale au niveau de l’entreprise ou juste le fait d’un manager localement.
La seconde est la bureaucratisation des organisations, une tendance dont tout le monde sait qu’elle est néfaste mais à la laquelle on ne met pas fin pour autant
La troisième est la tendance qu’ont les fonctions support à organiser leur efficacité en déportant des tâche sur les salariés « productifs » (Self-service employé : jusqu’où aller avant d’aller trop loin).
Mais les faits sont là et plus on demande aux collaborateurs de faire un travail qui n’est pas le leur cela se fait au détriment de leur travail voire de leur charge mentale qui augmente au fur et à mesure qu’ils essaient de compenser le temps perdu souvent inutilement.
Conclusion
Les attentes des salariés évoluent et ne nous disent pas grand chose de très positif sur le climat actuel dans le monde du travail. Pire encore ce sont les conditions de travail qui semblent se dégrader significativement à l’inverse des discours pourtant positifs des entreprises sur la prise en compte du sujet.
Par ailleurs lors d’un événement lors duquel cette étude a été présentée, Lucca à organisé des « Battles » d’experts sur quelques items de l’étude. J’ai trouvé le résultat très convaincant et je profiterai de prochains articles pour revenir sur les sujets qui ont été abordés et les échanges qui ont eu lieu.
Image : Employé épuisé de Small365 via Shutterstock.