L’intelligence artificielle que certains voient comme le déclencheur d’un âge d’or technologique va-t-elle contribuer à créer un nouvel âge d’or du travail et à quoi celui-ci peut il ressembler ?
IA au travail : des bénéfices déjà visibles
C’est la question que beaucoup se posent aujourd’hui et à laquelle on espère bien entendu trouver une réponse positive.
Les bienfaits de l’irruption de l’intelligence artificielle, en tout cas certains d’entre eux, semblent d’ores et déjà évidents. Je dis certains d’entre eux car à mon avis beaucoup restent encore à découvrir.
La simplification voire l’automatisation tant désirée des tâches laborieuses, répétitives et sans aucune valeur ajoutée ni réel accomplissement personnel n’en est pas la moindre à condition de veiller à ne pas automatiser celles qui apportent de la satisfaction comme l’a prouvé une étude récente.
Dans cette expérience, nous avons pris soin de déployer l’outil gen AI contre la pénibilité (attendre que les autres répondent) mais pas contre les parties agréables (organiser la réunion de manière créative). Les dirigeants devront travailler avec les employés de la même manière pour déployer l’IA générative de façon à améliorer la productivité sans diminuer les sources de fierté et de satisfaction des employés.
HBR – How Gen AI Can Make Work More Fulfilling
Rien ne laisse présager d’un nouvel âge d’or du travail
Mais certaines tendances à long terme sont beaucoup moins joyeuses. Comme le disait un article que je lisais récemment (Reinventing Work for the Digital Golden Age) rien ne dit que cet âge d’or technologique se traduise par un âge d’or du travail.
Les tendances qu’il mentionne sont, en bref :
- Rétrécissement des organisations : L’automatisation et les contrats flexibles réduisent le besoin d’employés.
- Multiplication des façons de travailler : Des équipes de freelancers aux plateformes de mise en relation.
- Diminution des emplois formels : Une transition vers un modèle de travail moins centré sur des emplois traditionnels.
- Exigences accrues des travailleurs : Les travailleurs, surtout ceux de la génération X, recherchent de meilleures conditions de travail et plus d’autonomie.
- Diversification des contrats de travail : Moins de contrats permanents, mais davantage de projets variés.
A part les exigences des travailleurs (dont rien ne dit qu’elles seront satisfaites), les différentes manières de travailler (à condition que cela soit choisi et pas subi) je ne vois rien qui laisse présager d’un âge d’or du travail. Notons la pirouette qui transforme la précarisation en « davantage de projets variés ».
Une inquiétude que l’auteur partage et qui l’amène à proposer des idées pour que ce nouvel âge d’or du travail devienne une réalité.
Les tendances futures du travail incluent :
- Infrastructure de travail décentralisée : Gérer ses propres données professionnelles via des portefeuilles numériques.
- Nouveaux modèles de collaboration : Émergence de nouvelles équipes et coopératives numériques.
- Investissement dans la formation continue : Adapter les compétences des travailleurs tout au long de leur vie.
- Mécanismes de sécurité financière : Établir des systèmes de revenu de base universel ou de services publics diversifiés.
- Soutien à l’entrepreneuriat : Encourager les petites entreprises et les activités autonomes.
Ce qui, dit autrement, veut dire :
1°) Les individus vont devoir se débrouiller seuls pour trouver comment payer leurs factures
2°) Aux pouvoirs publics de soutenir l’entrepreneuriat individuel et payer un revenu de base universel ce qui est l’aveu implicite d’une inévitable paupérisation de la population.
Vraiment rien ne laisse présager d’un nouvel âge d’or du travail
Rappelons les caractéristiques d’un âge d’or :
Prospérité économique : Un développement économique florissant, avec une augmentation des richesses, des opportunités d’emploi et des niveaux de vie élevés.
Ici je vois bien les gains d’efficacité pour les entreprises mais absolument aucune garantie en ce sens pour les personnes.
Stabilité sociale : Une société harmonieuse, où les conflits sont minimisés et où règnent la justice et l’équité.
On va plutôt dans la direction opposée.
Avancées culturelles et artistiques : Une période marquée par des réalisations significatives dans les arts, les sciences et la philosophie, avec un épanouissement créatif.
L’IA repose sur des modèles statistiques et probabilistes et est incapable de faire face à un événement nouveau ou penser « out of the box » (L’IA défie des PDG humains dans une simulation et se fait licencier). Dommage pour la créativité.
Peut être fais-je fausse route car l’IA va libérer du temps créatif pour les gens…mais je pense que ce temps sera occupé à chercher des missions pour payer les factures.
Innovation et progrès technologique : Des avancées majeures dans la technologie et l’innovation qui améliorent la qualité de vie et facilitent le travail.
Oui pour les avancées technologique, pour ce qui est de la qualité de vie cela reste à prouver (Research: Using AI at Work Makes Us Lonelier and Less Healthy), ne reste que la facilitation du travail.
Sentiment de bien-être : Un sentiment général de satisfaction et de bonheur parmi la population, avec des valeurs partagées qui renforcent le tissu social.
Ce qui est proposé ressemble davantage à une fragmentation du corps social.
Je peux prendre cela dans tous les sens, je ne peux y voir un nouvel âge d’or du travail ou alors il faut revoir la définition d’âge d’or ou de travail voire les deux.
Conclusion
En fait d’âge d’or du travail les pistes proposées ici ressemblent davantage à un âge d’or de la précarité et d’une forme d’assistanat en faisant porter sur les pouvoirs publics la responsabilité de compenser financièrement la casse générée par ailleurs.
De là trois questions :
1°) Les tendance telles que présentées ici sont elles pertinentes. Il me semble que oui en tout cas dans une certaine mesure et en fonction des spécificités locales en termes de culture et de protection du travail.
2°) Y-a-t’il d’autres voies que celles proposées pour éviter l’âge sombre annoncé ?
Je vous laisse y réfléchir.
Image : pauvreté de Andrii Iemelianenko via Shutterstock
