Peut on renverser la pyramide sans le client ?

Cela fait longtemps qu’on parle d’inverser la pyramide dans l’entreprise afin de mettre vraiment l’organisation et le management au service des collaborateurs mais peut être rate-t-on un point essentiel qui donnerait à ce concept une portée encore supérieure.

La hiérarchie facteur de complication organisationnelle

Quand on parle de pyramide on parle bien sûr de la pyramide hiérarchique coupable de tant de maux dont la bureaucratie et une complication excessive des organisations qui fait que dès lors qu’un nouveau sujet apparait on accroit la largeur de la base ce qui mécaniquement augmente la hauteur du sommet avec des ajouts quasi-mécaniques de strates managériales (Smart Simplicity : 6 règles pour gérer la complexité sans devenir compliqué).

La critique est facile mais ça n’est pas tant la pyramide qui est en cause que la manière dont elle devient incontrôlable et n’est plus un outil au service de l’organisation (détermination des responsabilités, de la prise de décision et efficacité de la redescente d’information) mais un objectif qui contribue à la rendre lourde et pesante.

C’est tout le problème : la hiérarchie ne cause pas la bureaucratie par nature mais parce qu’on la gère mal et elle reste nécessaire : la plupart des entreprises qui ont essayé de vivre sans ayant connu des déconvenues (Why it is impossible to have a company without hierarchy). Ce qui clos également le débat sur la soit disant inutilité des managers (Manager est-il encore un métier ?).

Gardons donc en tête que la hiérarchie est juste une manière d’appréhender la responsabilité mais ne doit pas dicter la manière dont on travaille (Une organisation incohérente avec la manière dont on travaille. Irritant #6 de l’expérience employé)

Renverser la pyramide pour mieux servir les collaborateurs

La question de savoir comment la pyramide peut servir les collaborateurs et non plus être un poids pour eux n’a rien de neuf et date des années 70.

L’idée vient au départ de Robert Greenleaf qui a développé et popularisé le concept de leadership serviteur (servant leadership), une philosophie qui renverse la vision traditionnelle du leadership. Dans cette approche, le rôle du leader est de servir les autres avant de chercher à être servi, notamment en plaçant les besoins des employés, des équipes et de l’organisation avant les siens.

Une idée née de son observation du monde professionnel après une longue carrière chez AT&T, où il a pu constater que les dirigeants mettaient souvent l’accent sur le pouvoir, l’autorité et la prise de décision descendante. Pour lui, cela aboutissait souvent à des organisations inefficaces, où les employés étaient démotivés ou désengagés.

D’où l’idée de cette pyramide inversée avec le salarié en haut, le management au milieu et les dirigeants en bas.

Quelle place pour le client dans la pyramide inversée ?

Certaines représentations, mais pas toutes, de la pyramide inversée mettent le client au dessus du collaborateur mais seulement à titre indicatif, il est au dessus de la pyramide mais pas dedans et, d’ailleurs, toutes les entreprises qui essaient d’implémenter le concept se limitent à une vision purement interne.

Pour moi il est essentiel d’inclure le client dans la pyramide, non pas au dessus mais dedans, afin qu’il fasse partie non pas seulement de la pyramide mais de toute la réflexion qui tourne autour.

Cela peut sembler purement conceptuel comme réflexion mais cela peut être essentiel à l’adoption du concept, voire simplement pour convaincre les dirigeants que c’est la voie à suivre.

J’y ai été confronté dans le cadre d’une démarche d’expérience employé qui avait pour but de remettre le management au service du collaborateur (Le management. Irritant #9 de l’expérience employé.).

Le client au sommet de la pyramide et au centre de l’expérience employé

Nul ne sera surpris d’apprendre que ce type de démarche peut se heurter à des réticences de personnes pour qui la démarche n’est pas naturelle et qui ont une certaine vision de l’exercice du pouvoir en entreprise (Non, l’autorité n’est pas une notion dépassée en entreprise).

J’ai élaboré un modèle assez complet listant ce qu’on attendait des managers au service des collaborateurs, des dirigeants au service des managers et de l’entreprise en tant que telle (fonctions support) vis à vis de tout le monde (Avez vous un delivery model pour le management ?).

Mais il me manquait quelque chose : je savais que je n’allais pas pouvoir convaincre les derniers réticents sans sortir du modèle traditionnel du servant leadership quitte à le hacker un peu.

Dans une entreprise à la culture très financière et où on ne jure que par Saint EBITDA la solution a été simple : partir du client.

On part du client et on ajoute une couche : qu’attend on du salarié qui doit servir le client puis on aligne tout le reste là dessus.

Cela a eu une première vertu : enlever un certain nombre d’idées qui me semblaient a priori bonnes mais en fait ne contribuaient en rien à servir le client. Je les ai appelées mes « lubies de dirigeant » et ça a été finalement un exercice de transparence plutôt sain quand j’ai du expliquer pourquoi.

Mais ça a eu la vertu principale d’embarquer les derniers réfractaires dans la démarche : comment dire non à quelque chose qui in fine va contribuer à la satisfaction du client ? Ca n’est pas une posture tenable et elle n’a donc pas tenu.

Cela a par ailleurs permis d’établir définitivement que l’expérience employé n’est pas une fonction support mais une fonction business…

Conclusion

Renverser la pyramide ne doit pas simplement repositionner le management au service des collaborateurs, mais aussi inclure le client au centre de la réflexion. Placer le client au cœur de l’organisation permet d’aligner les collaborateurs, managers et dirigeants sur un objectif commun : la satisfaction client. Cette approche dépasse les résistances internes et montre que l’expérience employé est une fonction stratégique, essentielle à la performance globale de l’entreprise.

Image : pyramide inversée de Salvador Maniquiz via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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