Engagement des Employés : Illusion de Performance ou Réel Impact ?

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On fonctionne depuis des années avec l’équation selon laquelle un employé engagé est un employé plus productif qui crée davantage de valeur.

A vrai dire je n’ai jamais été convaincu par la notion d’engagement qui est à mon avis prise à l’envers par les entreprises qui pensent que c’est au salarié de s’engager alors que c’est à elles de devenir engageantes.

Et puis qu’est ce qui dit qu’un salarié est engagé ? Et que cet engagement crée de la valeur.

La mesure de l’engagement est une arnaque

Si une entreprise veut améliorer l’engagement des salariés et son impact encore doit elle mesurer cet engagement et là il a deux approches qui en général se cumulent.

La première est le fameux baromètre d’engagement où les salariés sont invités de manière plus ou moins directe à dire s’ils sont engagés ou pas. Déjà on sait à quel point il est facile de fausser les résultats de telles études : il est prouvé que selon le moment où le questionnaire est administré (début ou fin de semaine, lendemain de paie, retour de vacances etc) l’état d’esprit du salarié à ce moment précis va induire un biais.

Ensuite, pour des raisons faciles à comprendre, le salarié peut ne pas avoir intérêt à dire la vérité, peut avoir peur de s’exprimer, ou peut essayer d’envoyer un message qui n’a rien à voir avec le sujet.

Et puis il y a l’observation. Combien de fois entend on un manager dire « untel est engagé et untel ne l’est pas » ou plutôt « untel à l’air engagé… » ce qui dit bien qu’on se base sur des comportements observés pour en tirer une conclusion.

Il n’y a pas d’engagement mais des preuves d’engagement

De la même manière qu’il n’y a pas d’amour mais des preuves d’amour, il n’y a pas d’engagement mais des preuves d’engagement et c’est ces preuves que le manager vas chercher à trouver.

« Robert est super positif par rapport à tout, il ne se plaint jamais alors qu’Alice passe son temps à récriminer et montrer son insatisfaction. J’aimerais bien qu’elle soit aussi engagée que lui« .

En fait Robert est peut être juste content d’avoir un travail, il a d’autres manières de se réaliser et donc n’attend pas grand chose de son travail alors qu’Alice est perfectionniste, veut toujours donner le meilleur d’elle même et veut également aider l’entreprise à s’améliorer. Elle est plus concernée par l’entreprise et son avenir à tel point que ça peut la rendre anxieuse.

« Carine met une bonne ambiance dans le bureau, a midi elle est toujours la première à réunir les autres pour aller manger ensemble et découvrir des restaurants sympas autour du bureau alors que Kevin préfère rester au bureau voire aller manger seul. J’aimerais bien qu’il fasse preuve de plus d’engagement« .

Peut être que Carine aime organiser ces moments de convivialité parce que c’est sa nature, ou parce qu’elle est tellement mal dans son travail qu’elle en a vraiment besoin ou parce qu’elle se moque totalement de ce qui se passe au travail et voit dans le bureau un moyen de rencontrer des gens (Ce que nous dit vraiment le sentiment de solitude de certains en télétravail). Et à l’inverse peut être que Kevin pratique le jeune intermitant ou qu’il a besoin pour son équilibre personnel d’avoir son heure de solitude au calme au milieu d’une journée où il se démène, donne tout ce qu’il a au prix d’une charge mentale élevée qu’il doit faire redescendre (« Laissez-moi déjeuner tout seul à mon bureau ! »)

Et ce salarié qui se concentre sur sa performance et ses résultats au détriment du fun dans l’entreprise est-il moins engagé et concerné par le sort de l’entreprise ? (« Je ne suis pas fun au travail et j’assume »)

Voilà pourquoi je me suis toujours méfié des gens qui « avaient l’air » engagés et des jugements comportementaux à l’emporte pièce faits par des managers qui s’improvisent psychologues du travail le temps d’une pause café.

Non seulement avoir l’air engagé ne veut pas dire grand chose mais en plus être engagé n’est aucunement une garantie de performance.

Les salariés engagés sont rarement performants

Une étude de l’Institut O.C. Tanner datant de 2022 indique que l’engagement peut être un indicateur imparfait et trompeur de l’efficacité, car il ne mesure ni la qualité ni l’impact réel du travail accompli (Employee engagement is out. Here’s a better metric)

Cette étude fait le chemin inverse : elle part de la capacité des salariés à produire un excellent travail et en déduit cinq profiles selon les traits de personnalité qu’ils ont en commun.

Les Sociables : extravertis et motivés par le plaisir, ils sont très engagés (55 %) mais peu susceptibles de réaliser un excellent travail (12 %).

Les Bâtisseurs : chaleureux et diplomates, avec un fort taux d’engagement (85 %) et une probabilité moyenne de produire du excellent travail (45 %).

Les Réalisateurs : très motivés et engagés (96 %), ils ont la plus grande chance de produire du excellent travail (66 %).

Les Exécutants : plus réservés, ils répondent bien aux récompenses, mais peu engagés (46 %) et peu enclins à l’excellent travail (10 %).

Les Procrastinateurs : stressés et pessimistes, avec de faibles chances de produire de l’excellent travail (3 %) et d’être engagés (17 %).

Si engagement et excellent travail peuvent aller de paire on voit bien que la sociabilité n’est pas une garantie et que finalement l’engagement n’est gage de haute performance que pour un seul profil.

Impact et motivation avant tout

Une approche plus en phase avec les pratiques que j’ai développé au fil du temps : identifier les salariés à fort impact et comprendre leur motivation à faire le nécessaire pour y parvenir (Votre vieux baromètre RH mesure tout sauf l’engagement). Même chose pour ceux à faible impact à une différence près : pour les premiers la motivation est là et il faut la comprendre alors que pour les seconds il faut la chercher.

Mieux : un salarié à qui vous demandez ce qui le motive aura moins tendance à travestir sa réponse que si vous le questionnez sur son engagement. Là encore la raison me semble simple : dans un cas il a sent qu’on veut l’aider, dans le second il a l’impression qu’on lui reproche quelque chose.

Une approche qui ne peut être qu’individualisée, ce qui peut être une limite a priori mais n’en est il pas de même avec l’engagement : une étude globale sur les salariés ne peut mener qu’à un plan d’action global alors que chaque salarié a ses propres leviers d’engagement.

Conclusion

L’engagement est notion trop diffuse et difficile à mesurer et appréhende pour être un outil de management fiable alors que la motivation est plus simple à comprendre et plus directement liée à la performance.

Image : engagement des employés de fizkes via Shutterstock.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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