L’arrivée de l’IA représente un vrai challenge pour les entreprises qui bien que conscientes qu’elles font face à une déferlante qui va changer de nombreuses choses ne savent pas trop par où prendre le problème, à commencer par les RH qui font face à la question de l’évolution des métiers et de la transformation du travail.
En effet, l’intégration de l’intelligence artificielle dans les entreprises ne va pas se résumer pas à automatiser des tâches ou à remplacer des emplois. Elle impose, au contraire, une refonte en profondeur du travail lui-même.
Pourtant, trop d’entreprises abordent l’IA comme un patch technologique, sans remettre en question la manière dont le travail est conçu.
Voici quelques pistes pour envisager le futur même si comme on le sait, il est plus simple de lire l’avenir et l’analyser…une fois qu’il est passé.
Aller au delà des postes et penser en termes d’activités
Historiquement, les entreprises conçoivent les postes autour de compétences et de responsabilités qui restent figées dans le temps. Cette approche dont on voit déjà les limites depuis longtemps en regardant certains référentiels de compétences devient obsolète à mesure que l’IA réorganise la production de valeur.
Le meilleur moyen de vraiment comprendre quel sera l’IA sur les métiers ne consiste pas à repenser le travail de manière hors sol, déconnecte du reste, mais de partir du business et, avant tout, du client, en se posant des questions simples.
- Quels sont les résultats clés attendus ?
- Comment ces résultats sont-ils produits aujourd’hui ? (Le travail du futur sera conçu en fonction du « job to be done »)
- Quelle combinaison IA/humain permettrait d’optimiser leur atteinte ?
Cette approche, que certains appellent « productivity-based job design » (The Rise of the Superworker: Delivering On The Promise Of AI), revient à fragmenter les tâches et emplois nécessaires à l’atteinte des résultats attendus en activités simples, à analyser les apports de l’IA, puis à réassigner les missions en fonction des atouts comparés des humains et des systèmes intelligents.
C’est une raison de plus d’adopter les concepts du design produit lorsqu’il s’agit de repenser le travail (Reimagining Work as a Product).
Déterminer la place de l’humain à l’ère de l’IA
Une erreur fréquente consiste à voir l’IA comme un simple outil d’assistance ou comme un substitut pur et simple à l’humain. La réalité est plus beaucoup plus nuancée :
Tout d’abord l’IA excelle principalement dans l’exécution de tâches prédictibles, massives et standardisées, souvent mieux et plus rapidement qu’un humain. D’ailleurs on voit bien que les gains baissent lorsqu’on parle de processus plus complexes (L’IA générative dans l’environnement de travail : révolution ou illusion ?).
L’humain, quant à lui, garde un avantage dans la gestion de l’imprévu, la prise de décision complexe et les interactions sociales riches (Les salariés doivent suivre les process. En êtes-vous sûrs , People Centric Operations : adapter travail et opérations aux travailleurs du savoir et Socialiser son entreprise ? Qu’est ce que ce cela veut dire).
Tout cela signifie que le rôle de l’humain dans les organisations va évoluer. Il ne s’agit plus d’exécuter, mais de superviser, arbitrer et optimiser le travail de l’IA.
Il faudra avoir également en tête que c’est la fin des référentiels métiers figés dans le temps : on pensera plus en termes d’agrégation d’activités qui évolueront avec la technologie.
Ce repositionnement exige des compétences nouvelles : analyse critique, compréhension des systèmes d’IA et posture de « gestionnaire d’IA ».
De nouveaux modèles de mesure du succès
L’IA va également changer la manière dont on mesure la performance. Trop souvent, la productivité reste enfermée dans des indicateurs obsolètes (temps passé sur une tâche, volume traité ou produit). Or ces indicateurs ne sont plus adaptés lorsqu’une IA exécute en une seconde ce qu’un humain aurait mis une journée à faire.
Il faudra donc redéfinir la performance autour de l’impact et de la valeur créée pour le client (Productivité : et si la qualité était la nouvelle quantité ?).
Là encore il faudra des réponses à des questions simples.
- L’IA améliore-t-elle la qualité du service ou du produit final ?
- Réduit-elle les irritants pour les employés et les clients ?
- Permet-elle de réaffecter les talents humains à des missions à plus forte valeur ajoutée ?
Cela demande des systèmes d’évaluation de la performance individuelle et collective nouveaux, en abandonnant la mesure de la seule exécution pour s’intéresser à l’impact business (Comment bien mesurer la performance des salariés sans devenir un bisounours ?).
Conclusion
L’IA n’est pas une opportunité de réinventer le travail, elle nous l’impose qu’on le veuille ou non. Cela se fera avec des principes simples mais qui poseront des questions compliquées à ceux qui devant la nouveauté ont toujours préféré cacher la poussière sous le tapis et favoriser le status quo, soit qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe soit qu’ils préfèrent faire comme s’ils n’avaient pas compris (Pourquoi dirigeants et experts commettent il de grossières erreurs quant il faut anticiper l’avenir ?).
Partir des besoins business et clients, et non des technologies, à l’inverse de ce qu’on a toujours fait.
Déconstruire les emplois en activités, puis identifier celles qui doivent être automatisées ou transformées.
Redéfinir le rôle de l’humain dans cette nouvelle organisation du travail.
Faire évoluer les indicateurs de performance pour refléter la vraie création de valeur.
Ne rien faire ou y aller sans méthode peut amener à une implémentation totalement improductive de l’IA. Car une IA mal appliquée ne remplace pas une organisation bien conçue, elle amplifie simplement les dysfonctionnements existants.
Image : employé remplacé par l’IA de Stock-Asso via Shutterstock.