Montrez-moi un processus parfaitement fluide, et je vous montrerai quelqu’un qui cache des erreurs. Les vrais bateaux tanguent. (Frank Herbert)

-

1°) Qui est l’auteur ?

Frank Herbert est un écrivain de science-fiction américain, principalement connu pour Dune, une saga qui mêle politique, écologie, philosophie et luttes de pouvoir.

2°) Contexte de la citation

Dans Chapterhouse: Dune, le sixième volume de la saga, Herbert écrit :

« Show me a completely smooth process and I’ll show you someone who’s covering mistakes. Real boats rock. »

Traduction : « Montrez-moi un processus parfaitement fluide, et je vous montrerai quelqu’un qui cache des erreurs. Les vrais bateaux tanguent.« 

Cette citation concerne le Bene Gesserit, un ordre secret qui incarne la recherche d’un processus extrêmement contrôlé et optimisé. Il fonctionne sur des plans millénaires, orchestre et influence la politique galactique de manière fine et précise. Chaque action est murement réfléchie, chaque décision s’inscrit dans une logique de long terme, et chaque individu formé dans l’ordre devient une machine d’efficacité et de manipulation.

Mais c’est justement ce contrôle excessif qui les rend vulnérables. Elles croient pouvoir prédire et façonner le futur, mais la réalité finit toujours par les rattraper.

3°) Signification

Cela nous rappelle que dans tout système vivant, dynamique et en évolution constante, l’absence de friction est suspecte. Un processus totalement fluide est donc le signe que les erreurs sont dissimulées, plutôt que résolues. D’où l’analogie : un bateau qui ne tangue pas est probablement immobile, ou bien quelqu’un dévie le courant.

L’idée est donc que l’illusion du contrôle et de la perfection des process est un leurre dangereux. Dans un environnement complexe et en constante mutation, il faut s’attendre à des erreurs, des ajustements, des tensions. C’est leur gestion, et non leur suppression ou dissimulation artificielle, qui détermine la résilience et la performance.

4°) Quelles leçons pouvons nous en tirer ?

C’est une citation on ne peut plus pertinente dans notre monde « VUCA » où il n’existe aucun abris pour se protéger du monde extérieur.

Je me souviens d’ailleurs des mots que tient souvent un ami qui investit dans des jeunes pousses : « quand je demande aux dirigeants de « mes » startups si tout va bien et qu’ils me disent que tout est calme je me dis qu’ils font mal leur boulot et qu’ils ne sont pas en train d’emmener l’entreprise où il faut. Ca ne doit pas être normal, c’est les turbulences qui doivent l’être« .

Quand vos KPIs vous disent que tout va bien, surtout dans ce genre d’entreprise, il y a donc de fortes chances que l’on cache des problèmes sous le tapis. Dans une entreprise, il vaut mieux voir les dérives, car il y en aura toujours, pour pouvoir réagir plutôt que d’arranger les indicateurs pour donner l’illusion que tout va bien.

On peut aussi se dire que l’hyper-optimisation tue l’apprentissage. Un processus trop rigide peut masquer des signaux faibles essentiels à l’amélioration continue. Plaquer des process trop parfaits sur un organisation peut faire rater des occasions d’apprendre (Améliorer le travail d’une équipe : histoire d’une amélioration continue) voire entrainer la mise en place des solutions qui ont fonctionné ailleurs mais ne sont pas pertinents dans ce cas précis.

Les « vrais bateaux tanguent », et c’est sain. Les entreprises vivent sur un océan d’incertitudes même si certaines se voilent encore la face et considèrent l’instabilité et le changement comme des exceptions à la norme (Changement et transformation ont besoin d’une nouvelle approche). Préférer naviguer en eaux totalement calmes, c’est se condamner à l’immobilisme. Au contraire, accepter la turbulence et savoir en tirer parti en sortant de sa zone de confort permet d’avancer plus vite et mieux que la concurrence.

Cela n’est pas non plus neutre en termes d’expérience employé et de culture d’entreprise. Un management qui essaie de créer une harmonie artificielle peut empêcher les réels problèmes d’émerger, d’être évoqués. Un bon dirigeant ne cherche pas à éviter le conflit mais à en faire un outil d’amélioration.

En matière d’innovation ou de réponses à apporter aux événements imprévisibles que l’on subit il faut aussi accepter qu’on peut se tromper (VUCA toi-même !). Face à quelque chose de nouveau, à quoi on a jamais fait face, il faut accepter des logiques d’itération et d’essai/erreur au lieu de ne regarder que là où on a des certitudes tirées de circonstances passées qui n’ont rien à voir avec le présent.

Enfin en matière d’excellence opérationnelle, un bon système de management ne doit pas viser à éviter les erreurs à tout prix, mais à les rendre visibles pour pouvoir les traiter efficacement. Les meilleures entreprises ne cherchent pas à masquer l’instabilité, mais à la transformer en moteur d’amélioration continue. Un manage ou un dirigeant qui le comprend est capable de créer un système adaptatif plutôt qu’une illusion de contrôle absolu (Comment aimer le contrôle et ne pas être un poids pour soi et ses équipes ?).

Conclusion

La perfection est souvent une illusion dangereuse. Plutôt que des processus fluides, mieux vaut accepter le chaos inhérent au monde qui est le notre et à l’imperfection humaine et en tirer les leçons nécessaires.

Seuls ceux qui savent naviguer sur une mer agitée peuvent espérer s’en sortir.

Image : voilier dans la tempête de Vadi Fuoco via Shutterstock.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
You don’t speak french ? No matter ! The english version of this blog is one click away.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
26AbonnésS'abonner

Récent