L’IA va-t-elle changer la manière dont on mesure et rémunère la performance ?

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Si l’IA redéfinit la notion même de travail et d’emploi on ne peut pas éluder la question qui consiste à se demander si elle va également amener à penser la mesure et la rémunération du travail et de la performance.

Les structures actuelles de rémunération, rigides, reposant sur des grilles salariales et des systèmes d’évaluation standardisés, risquent en effet d’être de moins en moins adaptées à un monde où les rôles évoluent rapidement, où la différence se fait sur la combinaison de compétences humaines et d’utilisation de l’IA (Comment réinventer le travail et les métiers à l’ère de l’IA) avec une valorisation de l’impact obtenu plus que de l’effort fourni.

Redéfinir l’évaluation de la performance

Les modèles traditionnels d’évaluation de la performance montrent en effet leurs limites face aux transformations actuelles et se fier uniquement aux indicateurs classiques de productivité ou aux évaluations annuelles ne permet plus de mesurer l’impact réel des collaborateurs, a fortori dans un environnement où l’IA change les manières de travailler voire redéfinit la notion travail.

L’évaluation de la performance doit évoluer vers une approche plus continue et systémique, où les résultats sont mesurés en fonction de l’impact généré plutôt que du volume de travail fourni (Productivité : et si la qualité était la nouvelle quantité ?).

Il va donc falloir prendre en compte la capacité des collaborateurs à s’adapter aux nouvelles technologies et à en tirer parti pour améliorer leur efficacité. A l’opposé des modèles rigides, la performance doit être évaluée en se basant sur du feedback, de manière plus agile, avec des cycles d’évaluation plus courts et des perspectives croisées intégrant l’acquisition de nouvelles compétences et l’impact (Comment bien mesurer la performance des salariés sans devenir un bisounours ?).

Si on abandonne l’évaluation annuelle figée au profit de bilans continus on s’adapte mieux au rythme des avancées technologiques, de l’évolutions des métiers des compétences et du mix homme/machine adapté.

Il s’agit ici de valoriser la prise d’initiative et l’apprentissage actif, de récompenser la collaboration et la transmission des savoirs, notamment autour des compétences IA, qui vont devenir de véritables différenciateurs .

De la rémunération fixe aux récompenses systémiques

Les modèles de rémunération traditionnels reposent sur des critères souvent rigides, tels que l’ancienneté, le niveau hiérarchique ou les diplômes.

Mais si on se dit que sous l’impact de l’IA on va déconstruire la notion de métier en fragmentant les tâches et emplois nécessaires à l’atteinte des résultats attendus en activités simples, analysant les apports de l’IA, puis à réassignant les missions en fonction des atouts comparés des humains et des systèmes intelligents tout le système vole en éclat.

D’aucuns préconisent donc de passer à un modèle de récompense systémique avec une rémunération flexible qui prend en compte non seulement le poste occupé, mais aussi les compétences mobilisées, les résultats obtenus et l’adaptabilité aux nouvelles technologies (Introducing The Systemic HR™ Initiative).

Dans ce modèle, les salariés qui approfondissent leur maitrise de l’IA, l’intégrent dans leurs missions et augmentent non pas la quantité de travail fourni mais leur impact peuvent ainsi prétendre à des progressions salariales plus rapides et des avantages spécifiques.

Il est évident que cela ne conviendra ni ne plaira à tout le monde mais cela correspond à la réalité du travail demain telle qu’elle se dessine et, d’une certaine c’est déjà un fait puisque le marché donne dans certains cas un « bonus » salarial de 45000 dollars aux salariés maitrisant l’IA (Why your company is struggling to scale up generative AI).

L’occasion de ressortir une vieille phrase qui n’a peut être jamais été aussi vraie : le collaborateur va devenir un entrepreneur de lui-même.

Récompenser au-delà du salaire

La rémunération financière, quoi qu’on en dise, va rester centrale mais il se pourrait qu’elle ne soit plus le seul levier d’attractivité et de motivation. L’IA peut à terme transformer les attentes des collaborateurs, qui vont rechercher des formes de reconnaissance plus variées qui vont contribuer à maintenir leur employabilité dans une contexte de course contre les machines.

Un accès privilégié à la formation et à la montée en compétences peut devenir un facteur de motivation beaucoup plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Les opportunités de carrière ne seront déterminées par des parcours préétablis, mais par l’acquisition et l’application de compétences nouvelles et directement opérationnelles.

Une flexibilité accrue de l’organisation du travail et une plus grande autonomie seront également recherchées mais ça n’est que logique : ce qui était parfois l’apanage des managers de par l’autonomie attachée à leur fonction va commencer à concerner des collaborateurs qui deviennent des managers d’IA et verront la nature de leur travail changer.

Conclusion

Si les entreprises s’adaptent, l’IA ne sera pas une menace pour l’emploi mais un catalyseur d’évolution des compétences et des carrières même si cela va demander une approche plus entrepreneuriale de la parti des collaborateurs et à condition qu’elle soit reconnue par l’entreprise.

Si ces dernières remplaçent les modèles rigides par des approches plus dynamiques, elles favoriseront bien seulement l’engagement et la rétention des collaborateurs mais aussi et surtout une culture d’innovation et d’apprentissage continu.

Image : incitation de Lightspring via Shuterstock.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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