La souveraineté numérique est elle la seule réponse à la fin de la mondialisation ?

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En ces temps de turbulences économiques et politiques il y a une petite phrase que je vois revenir assez fréquemment : « c’est la fin de la mondialisation et notre seule planche de salut est la souveraineté« . Je l’entends de personnes qui pensent « souveraineté numérique » mais cela pourrait s’appliquer à n’importe quel secteur.

Pour ce qui est de la fin de la mondialisation je ne serai pas aussi radical. C’est certainement la fin d’une forme de mondialisation mais pas la fin de la mondialisation. Je dirai même que c’est plutôt la fin d’un cycle de mondialisation. L’économie fonctionne en cycles et ça ne serait pas la première fois qu’on fait machine arrière sur un sujet pour y revenir encore plus fort dans le futur.

Mais ce qui m’interroge surtout est de positionner la souveraineté comme seule alternative comme s’il fallait choisir entre s’ouvrir ou se protéger, coopérer ou s’isoler

La véritable question n’est pas tant, pour moi, d’arbitrer entre souveraineté ou mondialisation, mais de penser la place de la souveraineté dans la mondialisation. Et inversement.

En bref :

  • La mondialisation évolue mais ne disparaît pas mais elle entre dans un nouveau cycle.
  • Souveraineté et mondialisation ne s’opposent pas, elles doivent être articulées.
  • Le repli souverain affaiblit, la dépendance sans contrôle fragilise.
  • L’enjeu est une souveraineté ciblée sur les secteurs vitaux, sans exclure les échanges.
  • Être souverain, c’est choisir ses dépendances, non les subir.

On a en fait trois hypothèses.

La souveraineté sans mondialisation, c’est le repli sur soi

C’est l’option de la fermeture, qui consiste à se couper volontairement des échanges mondiaux et de toute forme de coopération économique ou technologique pour retrouver une forme de contrôle total sur ses choix économiques, technologiques ou culturels.

A première vue c’est le choix le plus rassurant, celui de la raison : on produit localement, on protège ses marchés et on évite les dépendances.

Mais l’histoire montre que dans un monde interdépendant, cela revient souvent à s’appauvrir plus qu’à se renforcer.

En refusant la mondialisation, on se prive de leviers de développement, on perd en influence, et l’on se retrouve marginalisé sur des enjeux stratégiques.

La mondialisation sans souveraineté c’est la dépendance subie

A l’inverse certains pays ont ouvert largement leurs frontières économiques et technologiques sans se donner les moyens de maitriser ce qui se passait.

Le résultat a toujours été une forte dépendance aux chaînes d’approvisionnement globales, aux plateformes numériques étrangères, aux décisions d’acteurs privés ou d’États tiers.

C’est la situation qu’on a connu avec la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine ou encore les récentes tensions sur les semi-conducteurs.

Quand on ne maitrise ni ses stocks ni ses technologies critiques et qu’on n’a pas la main sur ses ressources stratégiques on n’a plus de souveraineté, on ne pilote rien, on subit.

De telles dépendances sont un risque dans un monde instable mais encore faut il savoir un jour ce qui sera stratégique le lendemain comme on l’a vu avec les masques durant la pandémie.

Par contre pour ce qui est du numérique il n’y avait surement pas besoin d’être visionnaire pour voir qu’on avait la combinaison gagnante en Europe entre dépendance et criticité.

La souveraineté dans mondialisation c’est le bon équilibre

C’est ici qu’est le vrai enjeu pour peu qu’on sache trouver les bons équilibres, ce qui demande à la fois vision et subtilité.

L’idée n’est pas ici d’opposer souveraineté et mondialisation, mais de les articuler intelligemment.

Cela suppose de distinguer ce qui relève du vital (ce qu’il faut maîtriser ou sécuriser) de ce qui relève de l’échange (ce dont on peut tirer profit au prix de la dépendance).

Être souverain, ce n’est pas produire tout soi-même, c’est choisir ce qu’on ne peut pas se permettre de déléguer : santé, énergie, alimentation, défense, technologies clés, culture à condition d’avoir bien sûr les ressources pour.

Dans le même temps, cela n’exclut pas de s’ouvrir au monde pour le reste (partenariats industriels, commerce international, recherche, circulation des idées, libre circulation des biens et des personnes) lorsqu’on manque de certaines ressources ou que ce c’est économiquement plus intéressant pour dans des domaines non critiques.

C’est une souveraineté qui n’a pas vocation à être absolue mais sélective et stratégique.

Quel cadre pour la souveraineté ?

La souveraineté ne doit pas être pas un refus du monde mais y participer sans s’y dissoudre.

Ca doit être une sorte boussole qui oriente les décisions et aide à fixer les règles du jeu et in fine un levier de négociation.

Elle ne doit donc pas se mesure à la quantité de barrières qu’on érige, mais à la capacité à rester maître de ses choix tout en sachant qu’on sera toujours dépendants dans certains domaines.

Conclusion

On se sera jamais autosuffisants mais il faut choisir ses dépendances au lieu de les subir.

Contrairement aux idées reçues ce n’est pas la mondialisation en soi qui affaiblit la souveraineté mais l’absence de vision et surtout de décision sur ce qu’on accepte de déléguer et ce qu’on veut préserver.

La souveraineté n’est donc pas l’ennemie des échanges mais croire qu’elle est peut être totale est une illusion dangereuse.

Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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