L’irruption de l’IA dans le monde du travail risque de rebattre les cartes de manière assez radicale, en tout cas si on s’en tient à la pensée prévalant à l’heure actuelle. Souvenons nous que, et a fortiori lorsque la technologie rentre en jeu, prédiction n’est pas prévision et que beaucoup des révolutions annoncées ne se sont jamais passées ou en tout cas dans la temporalité annoncée.
Quoi qu’il en soit et jusqu’à présent l’entreprise valorisait avant tout la capacité à produire, à maîtriser des compétences techniques et à exécuter efficacement et ce même sur des postes d’encadrement et de direction quand on bien même on sait que l’expertise technique et l’excellence sur le terrain ne font pas systématiquement les bons managers (Reinventing the Leader Selection Process).
Mais que va-t-il se passer si l’IA prend en main de plus en plus d’activités opérationnelles ? Que va-t-il rester à l’humain et, d’ailleurs va-t-il rester des humains ? Si à la seconde question je peux répondre oui sans grand risque de me tromper (IA et emploi : pourquoi je ne crois pas au « grand remplacement » de l’Homme par la machine), la première reste totalement ouverte.
La réponse n’est toutefois pas si compliquée : penser, orienter, inspirer. L’humain n’aura d’autre choix que de redevenir stratège, architecte, créateur de sens mais c’est un paradigme nouveau que les entreprises vont devoir intégrer rapidement.
En bref :
- L’IA remet en cause la valorisation des compétences techniques au profit des qualités stratégiques et humaines.
- L’humain devra se recentrer sur penser, inspirer, créer du sens et comprendre les contextes.
- Le manager deviendra un architecte d’écosystèmes, combinant vision stratégique et compétences humaines.
- Les entreprises devront revoir leurs processus RH pour privilégier pensée critique, curiosité et leadership.
- L’IA impose une transformation où l’impact humain primera sur la seule capacité d’exécution.
L’ère du « faire » touche à sa fin
Pendant longtemps être un bon manager ou dirigeants signifiait être un excellent « doer ». Maitriser les bons outils, connaitre les process sur le bout des doigts, être capable de s’investir dans l’opérationnel pour délivrer du résultat.
Les fiches de poste et les offres d’emplois en sont la preuve : la priorité est encore donnée aux hard skills, avec une place réduite aux compétences humaines et stratégiques. Un déséquilibre qui ne manque de me surprendre en 2025 car il va à l’encontre de tout ce qui dit sur l’évolution du travail et du management.
Mais l’IA risque de rendre définitivement (et enfin !) ce modèle obsolète. Une exécution rapide, rigoureuse et systématique est ce que l’IA fait par nature faire mieux que nous. Les hard skills opérationnelles vont donc progressivement devenir des commodités et ce sont les qualités humaines et de réflexion qui vont désormais primer sur la capacité à exécuter.
L’humain est appelé à redevenir humain
Ce que l’IA ne sait pas faire va rester le territoire naturel de l’humain : ressentir, comprendre les contextes implicites, naviguer dans l’incertitude, inventer l’inattendu, créer et mobiliser les émotions.
La valeur ajoutée de l’humain sera donc désormais dans la compréhension des enjeux systémiques et sociétaux, la capacité à fédérer et influencer un collectif, la créativité, le sens critique, l’inspiration, l’alignement des objectifs, l’envie d’apprendre sans cesse, savoir poser les bonnes questions au lieu d’essayer d’apporter toutes les réponses et plus globalement le leadership (L’IA redéfinit les limites de la performance, et ce n’est pas sans conséquences).
Plus stratège que spécialiste, plus inspirateur que réalisateur.
Le nouveau manager : moins d’expert, plus architecte
Le manager de demain ne sera également plus nécessairement celui qui connaît toutes les ficelles d’un métier, mais celui qui saura construire des écosystèmes performants en combinant compétences humaines et capacités technologiques.
Cela aura un impact certain sur la façon dont on va recruter et gérer les promotions. Il faudra accorder moins d’importance à la maîtrise de logiciels et d’outils spécifiques, à des connaissances et compétences techniques très spécialisées et davantage à la capacité à penser globalement, à écouter, faire le lien entre les personnes et les idées.
Il sera moins question de penser en termes d’exécution immédiate que de vision à long terme.
Le stratège via remplacer le technicien et sa capacité à avoir un impact sur son écosystème va supplanter sa capacité à délivrer (Qu’est-ce que la performance managériale et sa face cachée ?).
Un modèle RH à réinventer
Les entreprises qui vont continuer à valoriser essentiellement les « doers » vont s’enfermer dans une logique qui peut mener à l’obsolescence de leur modèle managerial et, plus globalement, de leurs opérations.
Pour accompagner cette transformation, elles devront redéfinir leurs compétences clés, revoir leurs processus de recrutement, d’évaluation et de formation, encourager la curiosité et la pensée critique, et accepter que l’humain est précieux là où il est unique, plus là où sa capacité d’exécution prime.
Conclusion
L’IA n’est qu’un outil de productivité. Comme toute technologie nouvelle elle met nos modèles organisationnels à l’épreuve et met en lumière les transformations nécessaires à effectuer si nous voulons en tirer le meilleur parti et sortir du paradoxe de Solow (Vous pouvez voir l’ère informatique partout, sauf dans les statistiques de la productivité).
Dans ce nouveau contexte, ceux qui sauront penser, questionner, relier et inspirer auront un impact exponentielle et eux qui s’accrocheront à leur capacité à exécuter deviendront interchangeables.
Mais peut être que, finalement, c’est simplement la définition du « doer » qui va évoluer.
Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)