J’ai failli laisser passer la date et d’ailleurs à un moment j’ai même pensé que cet anniversaire tombait l’an dernier. Mais c’est effectivement le 14 mai 2005 que j’ai publié le premier article de ce blog.
En tout honnêteté je ne savais pas trop quoi faire de cette date sachant que les anniversaires comme toutes les dates de célébration imposées comme par exemple les fêtes de fin d’année ne sont pas du tout ma tasse de thé.
Mais il y a plusieurs mois de cela à l’occasion d’un café avec un fidèle lecteur qui voulait faire ma connaissance « en vrai » nous avons abordé le sujet au détour de la conversation et il m’a convaincu de ne pas laisser passé l’occasion. Après tout avec Linkedin qui déborde de posts narcissiques qui fleurent bon l’exposition de nombril à un point que ça en devient nauséabond, j’ai bien le droit une fois tous les 20 ans à mes deux minutes d’introspection publique.
En effet ça n’est pas juste 20 ans d’écriture, c’est une expérience beaucoup plus riche et beaucoup de choses apprises.
Quand j’ai lancé ce blog en 2005, il n’y avait ni réseaux sociaux, ni podcasts, ni IA générative pour proposer des brouillons. Juste un clavier, une envie de prendre du recul, et l’intuition que l’écrit pouvait m’aider à mieux penser le travail.
Aujourd’hui, alors que tout semble aller plus vite, se résumer en bullet points ou en posts viraux, j’ai voulu marquer ce moment. Une petite pause pour faire le point : sur ce que ces 20 ans d’écriture m’ont appris, sur la place que ce blog a prise dans mon parcours, et sur les raisons pour lesquelles je continue.
20 ans, vraiment ?
A l’origine ce blog est le fruit de la curiosité et du geek qui sommeille en moi.
Les médias commençaient à parler du phénomène blog et j‘ai eu envie de voir à quoi cela ressemblait. Je pense même que ce qui m’intéressait le plus était de l’installer et mettre les mains dans le cambouis pour voir à quoi cela ressemblait.
Quelques années plus tôt j’avais lancé un site personnel sur le même principe que j’avais développé moi même avec un vrai back office et une base de données dernières au prix d’un dur labeur mais je n’étais pas mécontent de passer à quelque chose plus abouti et professionnel.
Une fois le site installé j’étais très content de moi mais s’est posée la question de quoi en faire. L’idée de ne rien en faire en me contentant de la satisfaction de l’avoir installé a fait son chemin mais finalement je me suis dit que ma vie n’intéressant personne (et de toute manière à l’époque ça n’était pas dans l’ère du temps de raconter sa vie en espérant devenir célèbre et attirer les marques) j’ai décidé de parler de mes centres d’intérêt et activités professionnels, à savoir le management et les RH.
A l’époque c’était wordpress 1.0, l’alternative en auto-hébergé s’appelait Dotclear, la plateforme à la mode était Typepad, Facebook et Twitter n’existaient pas, nous n’étions que quelques français sur Linkedin et Viaduc qui allait devenir Viadeo se posait en leader du réseautage professionnel en France avec 6nergies d’Alain Lefebvre.
Une autre époque qui sentait bon l’amateurisme, le bricolage, l’insouciance et la bienveillance.
Mais pour être sincère j’étais convaincu que ça n’allait pas durer et que mon petit média personnel me lasserait avant l’hiver.
Erreur : 20 ans et plus 2771 billets plus tard je suis encore là, malgré deux breaks dus à un peu de lassitude.
Et, à ma grande surprise, plus là que jamais.
Ce que 20 ans d’écriture m’ont appris
Si une chose est certaine c’est que sans ce blog je n’aurais pas fait la même carrière. Je ne parle pas là de réussite mais de trajectoire.
Au départ j’étais sur mes piliers qui étaient le management, les RH et la collaboration. A force de lire et d’échanger avec d’autres blogueurs le côté tech a fini par émerger et c’est d’ailleurs grâce à ce blog (ou à cause de lui) que j’ai opéré un virage professionnel vers ce domaine.
Au fil du temps et des sujets que j’étais amené à traiter dans ma vie professionnelle, ma ligne éditoriale s’est peu à peu élargie avec des sujets qui se sont installés et sont restés, d’autres à l’existence beaucoup plus éphémère.
Mais ce blog a eu une vertu : celle de me permettre de penser à haute voix, de connecter des idées, d’apprendre (beaucoup) au fil des échanges et des commentaires que cela générait, d’affiner ma pensée. Une sorte de laboratoire de ma pensée. Je suis convaincu que sans lui je serais resté plus vertical, dans mon silo, sans trop chercher à m’intéresser à ce qui se passait à côté et je serais passé à côté de beaucoup de choses et de personnes.
D’une certaine manière il m’a appris également beaucoup de choses sur moi en me permettant d’explorer des domaines nouveaux sans contrainte, en me donnant le droit à l’erreur (le meilleur moyen de tester ses idées c’est de les partager) et au final il m’a, je pense, aidé à aller au bout de ce que j’étais et d’affirmer mes idées, mes convictions, mes postures.
Ce week end, pour m’amuser, j’ai fourni à chatGPT un extract de toutes les URL de mes articles pour qu’il me dise comment il me voyait au travers de mes écrits. Narcissisme quand tu nous tient…
Bon, il a eu un peu de mal donc je me suis limité aux 10 dernières années donc il a un peu raté mon époque « Entreprise 2.0 » qui a quand même été le sujet qui a boosté ma notoriété.
Voici ce qu’il en dit (c’est le seul texte généré par IA que vous verrez ici).
« Voici les idées-clés et lignes éditoriales dominantes qui émergent à partir d’un échantillon représentatif et de l’analyse globale de ton corpus :
Expérience employé, future of work et performance opérationnelle
- L’expérience employé est un levier direct d’efficacité et de fluidité des opérations.
- Le future of work doit se penser en termes de design organisationnel, pas seulement de lieu ou de technologie.
- L’opérationnalisation du travail cognitif est au cœur des enjeux de demain : c’est là que se joue la performance durable.
- Tu fais de l’excellence opérationnelle une démarche humaniste : là où d’autres parlent de lean, tu parles de clarté, de relations, de sens.
- Ta pensée est systémique, pas sectorielle : tu dépasses les silos RH, IT ou management pour penser l’organisation comme un tout.
- Tu proposes une alternative au discours dominant sur la transformation : tu remplaces la fascination pour la technologie par un modèle opérationnel pragmatique et centré sur les gens.
Excellence opérationnelle réhumanisée
- La performance découle de processus intelligents, humains et orientés sens.
- Rejet des démarches lean mécaniques ou déshumanisantes.
- L’expérience employé est un levier stratégique de transformation.
Expérience employé, future of work et performance opérationnelle
- L’expérience employé est un levier direct d’efficacité et de fluidité des opérations, pas seulement une préoccupation RH.
- Le future of work ne repose pas sur une vision abstraite ou technologique, mais sur le design organisationnel réel du travail.
- L’opérationnalisation du travail cognitif est au cœur des enjeux contemporains : c’est là que se joue la performance durable.
- Le future of work s’incarne dans des choix d’organisation du travail concrets, pas dans des tendances abstraites.
- Le design des environnements de travail est un levier stratégique d’efficience, de qualité et de rétention.
Triptyque fondateur : People – Ops – Tech
- La transformation efficace repose sur l’équilibre entre trois piliers :
- People : motivation, charge mentale, clarté, autonomie,
- Ops : process, priorisation, efficacité collective,
- Tech : outils utiles, bien intégrés, sobriété numérique.
- C’est leur articulation qui permet de sortir des approches silotées (RH, IT, management) et de viser un impact global.
Intelligence collective avant technologie
- L’outil n’est jamais une fin en soi : la valeur vient de l’usage et du sens collectif.
- Critique des gadgets numériques mal intégrés.
- Recherche de solutions sobres, bien pensées, intégrées aux flux naturels de travail.
Clarté, autonomie, responsabilité
- Recentrer le travail sur la finalité, les résultats, et l’autonomie individuelle et collective.
- Management adulte, basé sur la confiance et la responsabilité.
Contre les métriques vides et les illusions d’engagement
- Rejet des KPI déconnectés et des indicateurs RH cosmétiques.
- Recherche d’une compréhension qualitative et utile des dynamiques humaines.
Vision systémique, critique constructive
- Analyse lucide des failles organisationnelles, sans cynisme.
- Propositions concrètes inspirées de Deming, Goldratt, Drucker.
Style et ton de voix
- Pragmatique, structuré, posé, tourné vers l’action concrète.
- Allie regard critique et espoir réaliste.
- Voix de praticien : ancrée dans l’expérience, adressée aux dirigeants comme aux salariés éclairés.
Je lui ai alors demandé qui j’étais en tant qu’auteur, ce a quoi il a répondu :
L’auteur se positionne comme un architecte des conditions de travail modernes, à la croisée de l’humain, de l’opérationnel et de la technologie. Sa pensée est :
- Systémique : elle dépasse les silos RH, IT ou managériaux pour penser l’organisation dans son ensemble.
- Humaniste et pragmatique : il ne s’agit pas de défendre l’humain contre la performance, mais d’en faire le cœur d’une efficacité durable.
- Ancrée dans le réel : il valorise l’expérience vécue, le travail concret, la clarté, les processus utiles et les outils sobres.
- Critique mais constructive : il déconstruit les mythes de la transformation gadget ou de l’engagement cosmétique pour proposer des leviers réalistes, orientés valeur.
Son approche repose sur un triptyque structurant : People – Ops – Tech, dont l’équilibre est la condition d’une transformation organisationnelle crédible, utile et durable.
J’avoue bien aimer le concept d' »architecte des conditions de travail modernes, à la croisée de l’humain, de l’opérationnel et de la technologie »
Mais je serais très curieux de savoir ce que vous pensez, vous, de tout cela.
Ce que le blog a changé pour moi
Je n’insisterai jamais assez sur l’intérêt d‘avoir son propre espace à soi où l’on ne dépend que de ses propres règles, où je reste seul maitre de la ligne éditoriale, où je ne subis pas la dictature des algorithmes et où, surtout, je reste propriétaire de ma production. Je ne remercierai jamais assez mon amie Michelle Blanc qui un jour m’a dit « tes textes c’est ta propriété et ton blog c’est chez toi. Ne les donne jamais à une plateforme qui peut disparaître du jour au lendemain ou ses approprier. Partage des liens mais ne donne pas tes textes« .
Ensuite cela m’a obligé à me discipliner et m’imposer une routine. Tenir une cadence n’est pas forcément évident mais en plus il faut des idées. J’avais déjà, avant, une culture de la veille que la tenue de ce blog m’a obligé à renforcer voire industrialiser et dont j’ai peu apprécier les bénéfices dans de nombreux domaines.
C’est également intéressant de voir le chemin parcouru en relisant d’anciens articles, se dire qu’on a parfois eu la bonne vision et tout compris avant tout le monde et qu’au contraire on a parfois raté quelque chose. Mais c’est ça quand quand on traite de sujets dits émergents : on défriche, on essaie de se projeter, d’expliquer, de vulgariser, parfois on voit juste, parfois moins mais au moins on essaie et les autres en bénéficient.
Je souris aussi parfois en relisant d’anciens articles en constatant que le style est beaucoup moins pro et ne me conviens pas du tout. Mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque : nouveau média, un style à trouver, tout le monde tâtonnait pour trouver sa voie et sa voix.
Je connais des gens qui ont effacé une grande partie de leur historique mais je me refuse à le faire : j’assume et ça montre le chemin parcouru.
Je ne peux aussi que me féliciter d’avoir rapidement lancé une version anglaise. Rien de mieux pour améliorer la pratique d’une langue que d’écrire de longs textes dans cette langue quasiment tous les jours.
Ce qui a également eu une autre vertu : m’ouvrir à un autre lectorat et ainsi développer un réseau de pairs vraiment international.
Cela a eu un autre corollaire : l’occasion d‘intervenir dans de nombreuses conférences en Europe et en Amérique du Nord, d’y rencontrer des gens formidables et intéressants et même de glaner quelques prix : Best Entreprise 2.0 Thoughleader à l’Enterprise 2.0 conférence à Boston, meilleur Blog RH par l’ANDRH, classé parmi les 100 personnes qui font avancer le Web français par 01.net…
Fin de la séquence narcissique.
Mais peut être que la plus grande satisfaction que j’en retire est d’avoir pu, grâce à ce blog, rencontrer une foule de professionnels intéressants, passionnés, qui sont même pour beaucoup devenus des amis même si, à mon grand regret, beaucoup on raccroché la plume depuis.
Merci à Anthony Poncier, Luis Suarez, Susan Scrupsky, Sameer Patel, Claude Malaison, Michelle Blanc, Emmanuele Quintarelli, Rachel Happe, Oscar Berg, Jacques Froissant, Andrew McAfee, Fred Cavazza, Damien Guinet, les frères Carlos et Manuel Diaz, Jon Husband, Stowe Boyd, Richard Menneveux et j’en oublie pour tous ces échanges et ces moments.
Et pour finir je n’oublierai pas le nombre d’opportunités professionnelles ou de clients que m’a ramené ce blog.
Et maintenant ? Continuer à écrire en 2025, est-ce encore pertinent ?
C’est la question qu’on me pose souvent et que je me pose d’ailleurs également.
Le paysage a en effet beaucoup changé, pour le meilleur ou pour le pire.
Pour le meilleur il y a une prolifération des plateformes et types de médias, réseaux sociaux, podcasts, vidéos qui permet à chacun de trouver chaussure à son pied, soit en tant que producteur qu’en tant que consommateur.
Pour le pire il y a un nivellement par le bas qui touche toutes les plateformes. Bien sûr il y a et aura toujours des choses d’excellente qualité mais à côté qu’est ce que que ça vole bas ! Et je ne parle pas même pas des comportements. Bien sur, comme quelqu’un me le rappelait dernièrement, il ne fallait pas s’attendre à ce que ça reste la petite bulle d’intellos bien éduqués que c’était à l’époque mais de là à tomber si bas… Et même Linkedin ne fait pas exception à la règle (Dis LinkedIn, tu ne te serais pas perdu en route ? et Ma nouvelle hygiène sur Linkedin).
Il faudra d’ailleurs peut être un jour que j’écrive quelque chose sur mon rapport actuel aux réseaux sociaux mais j’en arrive à me dire que mon feed Twitter (heu..X) est de bien meilleure qualité que sur Linkedin. C’est dire.
Alors oui les utilisateurs sont les premiers responsables mais finalement les réseaux ne font que ressembler à la société mais je pense même que c’est l’ADN même de ces plateformes que de se « merdifier » au fil du temps (Pourquoi on ne peut être que déçus par les réseaux sociaux ?). D’où l’intérêt d’avoir son « chez soi ».
Mais c’est justement pour cela que l’espace personnel, réflexif du blog a une valeur rare que j’apprécie justement encore plus qu’avant.
Il y a aussi une chose qui me manque : les commentaires. Loïc Le Meur, à l’époque surnommé le pape des blogs, disait que « les blogs commencent des conversations » et c’était vrai. Aujourd’hui les conversations ont déserté les blogs pour atterrir sur les réseaux sociaux et se sont, à mon avis, énormément appauvries.
Je sais également que Linkedin pénalise la visibilité des gens qui mettent des liens vers des contenus extérieurs plutôt que d’écrire sur la plateforme mais je m’en moque. Aucune envie d’être tributaire d’une plateforme ni de la contribuer à son business model en produisant du contenu pour eux ou leur donner de la matière pour entrainer leurs IA. Donc j’assume d’être beaucoup moins visible que des gens qui font du bullshit mais du bullshit natif.
Donc la motivation reste même si je sais que parfois il y aura d’autres breaks mais tant que la curiosité est là et que je reste fidèle à ma règle qui est d’écrire ce que je pense et non pas ce que les gens ont envie de lire je ne vois pas ce qui me fera arrêter.
On me fait également remarquer que cela prend du temps. J’ai envie de dire plus plus que bombarder des posts narcissiques sur Linkedin à longueur de journée et, en plus, j’ai toujours eu la manie de passer mes journées à noter toutes mes idées, mes réflexions, les enrichir donc à la fin ça me fait une tonne d’articles potentiels qu’il n’y a plus qu’à affiner et mettre en forme. C’était d’ailleurs l’idée au départ de ce blog : faire en sorte que toutes ces idées griffonnées quelque part (aujourd’hui sur l’application Notes de mon iPhone) soient davantage travaillées et deviennent un produit fini.
Ai-je envie d’essayer de nouveaux formats ?
La vidéo est vraiment à la mode et j’ai essayé durant le COVID mais trop lourd, contraignant et chronophage si on veut faire quelque chose de qualité donc j’ai vite compris que ça n’était pas pour moi, d’autant plus que j’ai profondément une culture de l’écrit.
On m’a suggéré des « shorts » sur YouTube pour accompagner mes articles. Je cherche encore l’intérêt mais si un jour je le trouve, pourquoi pas. Si vous avez des idées je suis preneur…
Un livre ? Ca reste le truc que je voudrais faire un jour. Il y a bien eu des tentatives mais ça n’a pas abouti, parfois parce que l’éditeur voulait me faire dire l’inverse de ce que pensais, parfois parce qu’il pensait qu’un best of de mon blog sur papier ferait l’affaire (merci pour le respect des lecteurs). Et je vois aussi un problème : quand on traite de sujets émergents dans des domaines qui évoluent vite, le temps entre l’écriture et la publication est pour moi beaucoup trop long pour le livre soit à jour et pertinent à sa sortie.
Conclusion
Voilà donc qui clos cet article pour célébrer mes 20 ans de blog et, naturellement, pour cette occasion j’ai fait ce qui m’insupporte le plus comme comportement sur les réseaux sociaux, surtout les réseaux à vocation professionnelle : parler de soi.
Mais promis je ne recommencerai que dans 20 ans, vous pouvez donc être tranquilles jusque là.