Métavers : où en est on 5 ans plus tard ?

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Nous sommes en 2020 : le métavers est sur toutes les lèvres, c’est l’avenir d’internet et du web, des investissements colossaux sont consentis et certaines entreprises changent même un nom mondialement connu pour s’inscrire dans cet univers nouveau.

Mais où en sommes nous aujourd’hui ?

Le monde de la tech a ceci de passionnant qu’à intervalle régulier il nous propose une innovation majeure destinée à changer le monde. Mais il a également cela d’énervant que chacune de ces innovations est immédiatement balayée par une autre et sombre dans l’oubli pendant que nous sommes sommés de nous enthousiasmer pour la suivante sous peine de mourir si on est une entreprise ou de devenir obsolète si on est un salarié.

Mais que deviennes ces innovations ainsi oubliées aussi vite qu’on les a oubliées ? Parfois elles disparaissent purement et simplement mais le plus souvent elles poursuivent leur petit bonhomme de chemin, loin des projecteurs du « hype » et on se rend compte qu’elles ont finalement trouvé leur place, lentement mais surement, confirmant ainsi qu‘on surestime toujours le changement a venir dans les deux ans et qu’on sous estime le changement des dix prochaines années.

Loin de la passion elles ont trouvé une place, souvent plus modeste qu’attendue au départ, mais qui est finalement leur juste place une fois qu’on a dépassionné le débat et que le marketing cesse de gonfler les attentes de manière disproportionnée.

Qui parle encore du Métavers aujourd’hui ? Personne. On est à l’âge de l’IA est tout ce qui a existé avant est dépassé jusqu’à la prochaine innovation. Est il mort ? Disons qu’il est rentré dans l’âge de raison, que rien ne pouvait lui faire plus de bien et que si on le voulait on aurait des choses à en apprendre.

En bref

  • En 2020, le métavers devient une priorité pour l’industrie tech, supporté par des investissements massifs et des promesses de transformation.
  • Malgré des avancées techniques, le métavers ne trouve pas son public, limité par des équipements coûteux et des usages incertains.
  • Certains secteurs comme le gaming et la formation adoptent le métavers, tandis que le grand public s’en détourne.
  • Avec l’essor de l’IA, entreprises et investisseurs réorientent leurs priorités et relèguent le métavers au second plan.
  • L’histoire du métavers rappelle que l’engouement médiatique sur la technologie dépasse souvent la réalité et peut poser des question par rapport à l’avenir de l’IA.

Le métavers : une promesse technologique et économique

Le métayers reposait bien sûr sur des technologies qui supportaient une promesse économique.

Du point de vue technologique on trouvait des choses comme des moteurs 3D avancés (Unreal Engine, Unity) pour créer des environnements immersifs, des technologies d’expérience étendues (XR) (AR/VR/MR), avec des casques comme les Quest de Meta ou l’Apple Vision Pro, la blockchain pour garantir l’authenticité des actifs numérique et une puissance de calcul massive pour gérer des mondes persistants et interopérables.

Les attentes économiques étaient, elles, alléchantes.

Tout d’abord marché numérique avec des transactions en cryptomonnaies et des biens virtuels (NFT, immobilier digital, avatars personnalisés…). Pour les entreprises le métavers devait être un levier de transformation avec des espaces de travail virtuels, du e-commerce immersif et des expériences client totalement nouvelles et enfin une évolution du travail collaboratif, avec des réunions et formations en VR censées remplacer Zoom et Teams.

Une promesse loin d’être tenue malgré les investissements consentis

On ne peut pas dire que le métavers a manqué de moyens. Certaines entreprises comme Meta, Microsoft et Nvidia ont investi lourdement, mais avec des résultats plus que mitigés.

Selon une étude de Sortlist réalisée en 2022, 33 % des entreprises ont déclaré investir 10 à 20 % de leur budget global dans le métavers mais 26 % seulement s’attendaient à un retour sur investissement, tandis que 17 % visaient principalement la collecte de données (9 entreprises sur 10 accélèrent leurs investissements dans le metaverse)

Pour ne parler que du principal promoteur de l’IA, Meta a investi plus de 80 milliards de dollars dans le développement de technologies liées à la réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR) mais en 2024, sa division Reality Labs a généré 2,1 milliards de dollars de revenus, mais a enregistré des pertes s’élevant à 17,7 milliards de dollars. Malgré tout ils semblent y croire encore (Meta’s investment in VR and smart glasses on track to top $100bn).

Coté usages B2B le métavers n’est pas un échec total avec notamment des cas d’usages solide dans le domaine de la formation mais les nouveaux environnements de travail virtuels et les dispositifs collaboratifs n’ont pas trouvé leur marché.

Quand au B2C on peut parler d’échec flagrant.

Le métavers n’a pas remplacé internet comme annoncé mais, surtout, on a pas l’ombre d’un indice qui nous laisserait penser que ça sera le cas un jour. Le matériel, avec des casques encombrants et cher est un frein majeur mais il n’est pas le seul.

Finalement on a peu de cas d’usages concrets hors du monde du gaming (Roblox, Fortnite, VRChat) : les expériences de Métavers grand public restent anecdotiques.

Pour ne pas arranger les choses le marché du NFT et des cryptomonnaies qui devaient soutenir son économie s’est effondré (The Rise And Fall Of NFTs: What Went Wrong? et The Crypto Crash of 2025: What Happened, Why It Matters, and What Comes Next) et les perspectives restent sombres (Activist investor Elliott Management says crypto is facing an ’inevitable collapse’ after its ‘perceived proximity to the White House’ inflated a bubble).

Les raisons d’un gros échec et de quelques petits succès

Répétons le : le métavers n’est pas un échec total : il y a des communautés qui fonctionnent bien dans le monde du gaming et certains use cases B2C comme dans le monde de la formation donnent satisfaction.

Rappelons, et cela doit nous faire réfléchir à l’heure de l’IA, qu’à l’époque les analystes de Statista prévoient un chiffre d’affaires de plus de 191 milliards de dollars pour le commerce électronique d’ici 2030, notamment en raison des expériences rendues possibles par le métavers, que McKinsey estimait que la valeur potentielle du métavers pourrait atteindre 5 000 milliards de dollars et que Citigroup prévoyait une valorisation du métavers comprise entre 8 000 et 13 000 milliards de dollars (Lessons From the Catastrophic Failure of the Metaverse).

Mais les obstacles à surmonter étaient trop nombreux ou la promesse un peu trop ambitieuse.

Tout d’abord le modèle économique du métavers était bancal, hautement spéculatif (NFT) et il demandait des infrastructures très couteuses.

Ensuite, et cela ne pardonne que rarement, les expériences utilisateur étaient décevantes : interfaces peu intuitives, graphismes décevants et absence d’interoperabilité on rebuté les non geeks dès le début puis ont lassé les geeks eux mêmes.

On n’a pas vu non plus de use case incontournable ou de killer app comme peut l’être ChatGPT pour l’IA. Rien n’a justifié un usage massif du métavers et même l’effet de nouveauté et de curiosité a très peu joué.

Finalement on a eu une offre qui n’a simplement pas rencontré son marché : aussi bien les entreprises que le grand public préfèrent des solutions simples et peu contraignantes, sans même mentionner des prix prohibitifs.

Pour ne rien arranger, l’IA a débarqué et a tout emporté sur son passage avec un effet wow, une killer app et des cas d’usages concrets. Non seulement l’attention très volatile du grand public s’est déplacée vers l’IA…mais les investissements aussi. Ou peut être est-ce la désaffection pour le métavers qui a laissé de la place et des capitaux pour l’IA ?

L’IA peut-elle sauver le métavers ?

Si on veut être optimistes et positifs on peut se raccrocher une fragile bouée de sauvetage et se dire que l’IA n’a pas tué le métavers mais n’a fait que changer les priorités. Quand on aura atteint une certaine maturité sur l’IA on reviendra vers le métavers. A moins que quelque chose ne débarque entre temps…

Ceci dit il n’est pas faux de penser que l’IA peut améliorer le métavers en automatisant la création de contenus 3D, en rendant les interactions plus naturelles (NPC intelligents, avatars animés) et en optimisant les expériences immersives. Mais pour cela encore faut il que quelqu’un ait encore envie de développer le métavers hors des cas d’usages qui fonctionnent aujourd’hui.

Mais pour ceux qui veulent encore y croire on peut envisager différentes pistes.

Pour commencer on entend parler d’un métavers plus intelligent et accessible grâce à l’IA générative qui pourra créer des mondes entiers sans nécessiter d’énormes équipes de développement.

Il y a également les tenants d’expériences mixtes (hybrides entre IA et métavers) plutôt que d’un monde virtuel à part entière. Il est vrai que la réalité augmentée semble plus prometteuse que la réalité virtuelle (Apple Vision Pro) mais ça n’est pour ça qu’elle est un succès commercial.

On peut aussi envisager un pivot 100% B2B vers des domaines tel que l’industrie 4.0, la formation, la simulation ou encore maintenance à distance. Mais à ce qui me semble ces marchés sont connus et adressés, le salut du métavers passe donc par des cas d’usages hypothétiques auxquels personne n’aurait encore pensé.

Idem pour le gaming. On sait que cela fonctionne mais est-ce assez pour relancer une industrie complète ? J’en doute.

Conclusion

Si aujourd’hui plus personne ne parle du métavers et que de l’avis général c’est un échec les choses ne sont pas si négatives : on l’a vu il y a des cas d’usages qui fonctionnent. Le problème du métavers c’est qu’il a été victime d’un hype cycle excessif et d’attentes démesurées.

Aujourd’hui il est relégué loins derrière l’IA et il est difficile de croire que demain il pourrait enfin s’adapter aux besoins réels et à se rendre aussi indispensable qu’elle l’est devenue.

Mais on devrait peut être apprendre de cette hype fugace car demain des questions se poseront également pour l’IA et rien ne dit que les réponses soient si positives (Non, l’IA générative n’est pas gratuite, alors qui va payer et pour quoi ?  et IA et emploi : pourquoi je ne crois pas au « grand remplacement » de l’Homme par la machine).

Image : Metavers de alex cambero rodriguez via Shutterstock


Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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