L’humain est partout dans l’entreprise mais, dans le travail, les RH ne sont nulle part

-

On parle beaucoup d’humain dans l’entreprise et mon avis est qu’on va en parler de plus en plus au fur et à mesure que l’IA avance.

Plus on aura confié à des machines des tâches autrefois effectuées par des humain plus le facteur humain deviendra central dans la performance, la cohésion, l’innovation.


Mais un décalage persiste entre les intentions affichées et la réalité vécue. Vous allez dire que je me répète mais c’est un constat partagé et on ne voit pas les choses s’améliorer avec le temps. J’en veux pour preuve cette récente étude de l’APEC (Perception des RH par les cadres) qui nous dit que pour 81% des cadres les RH sont avant tout un service administratif, qu’elles sont utiles à leur évolution professionnelle que pour seulement 52% d’entre eux, et qu’elle ne sont utiles au développement de leurs compétences que pour 49% d’entre eux.

Des chiffres qui font quand même assez mal mais qui traduisent une perception bien réelle : les RH sont éloignées des préoccupations du travail au quotidien et peinent même à démonter leur valeur sur des sujets qui sont les basiques de la profession.

Bien sur on me répondre que c’est sévère, que ça n’est pas la réalité partout (et encore heureux) mais c’est la perception moyenne et, comme le dit l’adage, « perception is reality« .

Et pourtant, comme le montrait une autre étude, on attend aujourd’hui que les RH en fassent plus et pèsent sur l’organisation du travail (L’expérience collaborateur : un levier de transformation au service de la performance).

Et c’est là que le bât blesse.

En bref :

  • L’automatisation croissante rend le facteur humain encore plus important mais un écart persistant existe entre les discours valorisant l’humain et la réalité vécue sur le terrain.
  • Les RH sont perçues comme majoritairement administratives et déconnectées des enjeux opérationnels, peinant à démontrer leur utilité dans le développement des compétences et la qualité du travail.
  • Malgré une communication forte autour de l’engagement et du bien-être, les RH n’agissent que marginalement sur les frictions concrètes du quotidien qui nuisent à l’efficacité et à la satisfaction des salariés.
  • Cette situation révèle un problème plus large : dilution des responsabilités sur l’expérience employé, surcharge réglementaire, et cloisonnement entre RH et opérations, au détriment de la performance durable.
  • Une transformation s’impose vers une fonction RH hybride, ancrée dans la réalité du travail, capable de diagnostiquer les irritants, collaborer avec les équipes, soutenir les managers et agir sur l’organisation du travail.

Des RH omniprésentes dans la communication, absentes dans le quotidien

Le discours des RH fait la part belle à des notions d’engagement, de bien-être, de talents, de culture, elles pilotent les baromètres, les campagnes de reconnaissance, les politiques de diversité, les parcours de formation… et de ce côté il n’y a pas grand chose à leur reprocher.


Mais quand il s’agit de la qualité du travail réel, elles n’ont souvent ni la main, ni la légitimité, ni parfois même la compréhension de ces enjeux (De l’expérience employé à l’excellence opérationnelle : des RH pas si outillés ! et Baromètre 2023 de l’expérience collaborateur : l’expérience employé face à ses contradictions).

Elles n’interviennent pas, ou trop tard, sur les sujets qui usent au quotidien : des outils digitaux qui font perdre du temps, des flux d’information non maîtrisés, des process compliqués à l’extrême (La complication organisationnelle : irritant #1 de l’expérience employé) qui ajoutent à la dette organisationnelle (How to Tackle the Biggest Threat to Your Team’s Growth), des conflits d’objectifs entre les équipes voire au sein d’une équipe, la surcharge cognitive (Hyperconnexion en entreprise : le numérique devient un fardeau), des programmes de transformation qui ne changent rien à leur quotidien (Changement et transformation ont besoin d’une nouvelle approche), un management catastrophique (Manager est-il encore un métier ?) et j’en oublie.

Or c’est que que se joue l’expérience employé mais pas seulement si on considère, ce qui est mon cas, qu’elle va bien au delà de la QVT et doit avoir un impact très opérationnel.

Ce que veulent les salariés, aujourd’hui, c’est qu’on s’occupe des frictions du quotidien qui les empêchent de faire un bon travail et d’être performant dans de bonnes conditions.

« Est-ce que je veux des cours de méditation ? Oui. Mais est-ce qu’ils font bouger le curseur sur les choses qui comptent, qui vont réellement changer la façon dont un employé se sent ? Non » (Can companies actually help workers stay happy and healthy?)

Le symptôme d’un problème organisationnel profond

Comprenez moi bien : ce constat n’est pas une accusations mais une alerte à propos de nombreuses dérives des organisations contemporaines.

D’abord une fonction RH cantonnée à l’administratif, au légal, et à l’institutionnel, souvent sous-dotée pour traiter des sujets de fond liés au travail réel. Ca n’est pas une critique car il faut admettre que le poids de la partie administrative et légale devient parfois insupportable surtout dans des pays comme la France et que les RH font ce qu’elles peuvent avec les ressources qu’elles ont. Quand ne ne peut faire tout ce qu’on aimerait on se concentre sur les fondamentaux.

Pas une crique mais il n’empêche que c’est un problème dont les RH dont les RH sont plus les victimes que la cause.

On a ensuite une dilution de la responsabilité de l’expérience employé, entre les RH, les managers, les directions métiers, les outils IT… si bien que personne n’est vraiment responsable du « travail qui fait mal ». Et je ne parle même pas du fossé qui sépare les RH des sujets opérationnels dans le travail.

Enfin on a une obsession pour l’engagement et la marque employeur, qui fait parfois oublier que la meilleure politique RH, c’est d’abord un bon design du travail (Exclusif : la (fake) interview de Steve Jobs sur l’expérience employé et Est-ce une hérésie que de mettre « people » et « operations » dans la même phrase ?) alors que le principal levier d’engagement est le design du travail (Right fit, wrong fit).

Pour une fonction people centrée sur la réalité du travail

Il est peut être temps de sortir de ce paradoxe et de créer une fonction RH (ou plutôt une fonction people) hybride, opérationnelle, proche du terrain, qui travaille avec les équipes, dans le quotidien, et sur les vrais irritants.

Une fonction qui :

Bref, une fonction qui pense à l’organisation du travail autant qu’à l’individu, au talent autant qu’au contexte dans lequel on va l’utiliser en situation de travail parce qu’il n’est pas normal de mettre autant d’énergie dans l’attraction, le développement et la rétentions des talents pour les voir totalement gâchés une fois qu’ils sont en situation opérationnellle.

Conclusion

Ne vous méprenez pas sur mes propos : les RH n’ont pas besoin d’être blâmées mais aidées et réinventées.

Soyons clairs : la fonction RH ne peut pas tout. De plus elle est souvent coincée entre des injonctions contradictoires, des priorités politiques, et des moyens limités.

C’est précisément pour cela, qu’il est urgent de faire évoluer son périmètre, ses compétences et sa place dans l’organisation, pas pour en faire une variable d’ajustement mais un levier d’amélioration et de développement au cœur du travail réel.

Seule ou idéalement en développant de nouveaux partenariats internes pour se doter des compétences qu’elle n’a pas (RH et Opérations : le seul duo viable pour mener l’expérience employé et Pas besoin d’être RH pour avoir un impact avec l’expérience employé) et devenir le chef de file d’une approche nouvelle.

Illustration : générée par IA via ChatGPT (OpenAI)

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
You don’t speak french ? No matter ! The english version of this blog is one click away.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
26AbonnésS'abonner

Récent