OpenAI veut-elle, doit-elle et peut-elle devenir le nouveau Google ?

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Depuis la sortie de ChaGPT, OpenAI est devenue l’incarnation de l’intelligence artificielle générative pour le grand public. Encensée pour certaines choses dont sa technologie, critiquée sur d’autres dont les hésitations sa gouvernance ou un flou sur l’éthique, elle suscite une question récurrente : est elle en train de devenir le nouveau Google ? Et, même si ça n’est pas son intention, le devrait elle ? Et dans ce cas le pourrait elle ?

Derrière cette comparaison se pose un problème plus profond qui est celui de la soutenabilité économique économique du secteur (L’IA vers une impasse économique ?).

Pour y voir clair, il faut poser la question en trois parties : est-ce qu’OpenAI le veut, est-ce qu’elle le doit, est-ce qu’elle le peut ?

En bref :

  • OpenAI ne cherche pas à copier Google mais à proposer un agent cognitif orienté vers l’exécution de tâches plutôt que la recherche de liens.
  • Elle y est contrainte par sa dépendance économique à ChatGPT, faute d’écosystème ou de diversification.
  • Elle fait face à des obstacles majeurs : absence d’usage quotidien, concurrence agile de Google, coûts élevés et désintermédiation.
  • La publicité n’est pas une option viable, d’où l’exploration de modèles freemium, transactionnels ou B2B.
  • Des défis réglementaires et de transparence devront être surmontés pour gagner confiance et légitimité.

OpenAI veut-elle devenir Google ?

On peut être tenté de répondre oui sans réfléchir tant leur stratégie se ressemble : bruler du cash pour annihiler la concurrence pour dans un second temps devenir un leader hégémonique et (très rentable). De plus OpenAI a intégré depuis fin 2023 une fonctionnalité de recherche web à ChatGPT. Une approche conversationnelle du moteur de recherche pensée pour contextualiser la réponse et réduire la friction.

Mais cette évolution de signifie pas pour autant qu’OpenAI cherche à devenir un clone de Google. Sa stratégie ne consiste en effet pas à proposer un moteur basé sur des liens sponsorisés mais un assistant cognitif qui capte une intention, un besoin, reformule, exécute ou fournit une réponse directement actionnable.

L’objectif est de déplacer la valeur de la recherche vers la résolution de tâches. Alors que Google organise le web et propose des chemins vers l’information, ChatGPT veut délivrer une réponse exhaustive et finale à une question. Ca n’est donc pas un affrontement frontal mais une sorte de changement de paradigme, du lien hypertexte à l’agent proactif.

Sam Altman, le PDG d’OpenAI, dit ne plus utiliser Google au quotidien, préférant ChatGPT. Mais peut il dire autre chose ? Mais il a toutefois reconnu que ChatGPT n’était pas prêt à remplacer Google pour tous les cas d’usage.

Il s’agirait donc moins de créer un clone de Google mais de rendre l’usage de ce dernier obsolète à terme.

OpenAI doit-elle le devenir ?

Ici, la réponse est plus claire et nette : elle n’a plus vraiment le choix.

OpenAi est aujourd’hui un acteur quasi mono-produit. L’essentiel de ses revenus provient de ChatGPT Plus (20 dollars par mois), de la commercialisation de son API et du partenariat avec Microsoft. Contrairement à Google qui peut équilibrer ses lignes de revenus grâce à ses multiples produits, OpenAI n’a pas de levier de diversification ni d’écosystème intégré pour enfermer et retenir ses utilisateurs.

La dépendance d’OpenAI au succès massif de ChatGPT est donc totale. Une dépendance aggravée par son modèle économique : plus ChatGPT est utilisé plus le coûts augmentent car les LLM ne sont pas économiquement viables à grande échelle faute de vraie rupture qui permette de faire baisser les couts d’inférence liés à chaque réponse générée.

En 2024 OpenAI affichait 4 milliards de dollars de revenus pour 9 milliards de dépense ce qui signifie de la société ne peut croitre sans se mettre en danger financièrement et il lui faut basculer sur un usage massif, récurrent, intégré pour espérer, peut être, inverser la tendance. Exactement ce que représente Google dans notre quotidien.

OpenAI est donc contrainte de devenir une plateforme et pas un simple fournisseur d’API car tant qu’elle n’est pas l’interface principe entre nous et le mode numérique , elle reste désintermédiable, remplaçable et économiquement fragile.

Peut-elle y parvenir ?

C’est là que les choses se compliquent car les obstacles dont nombreux.

Le premier est qu’OpenAI n’a aucun écosystème. Google est dans nos téléphones (Android), nos mails (Gmail), nos documents (Workspace), notre navigation (Chrome), nos vidéos (YouTube). Pour les entreprises c’est une régie publicitaire incontournable. Une omniprésence qui permet de collecter de la donnée, enrichir ses modèles, personnaliser ses services et quasiment enfermer ses utilisateurs dans son écosystème.

OpenAI reste une niche. ChatGPT est utilisé ponctuellement, sans ancrage quotidien et en tout rien de comparable à une boite mail ou un moteur de recherche installé par défaut. Il n’existe pas de « réflexe ChatGPT » en dehors d’une population curieuse ou sensibilisée à l’IA.

De plus Google ne reste pas les deux pieds dans le même sabot et a déjà commencé à intégrer l’IA générative dans son moteur de recherche avec les AI Overviews, les modules Gemini intégrés dans Workspace, et des expérimentations de réponses synthétiques dans Chrome. On ne parle pas d’une refonte complète mais d’une infiltration progressive : l’IA essaie de se glisser dans les usages existants sans demander à l’utilisateur de changer ses habitudes et cela a son importance.

Là où ChatCPT doit créer un usage, Google renforce les siens. Quand ChatGPT nous demande d’utiliser une nouvelle interface, Google s’infiltre dans celles qu’on utilise au quotidien. Google peut ainsi expérimenter à grande échelle, affiner, ajuster, et couper l’herbe sous le pied d’OpenAI avant que l’agent ne devienne un réflexe pour le grand public.

A cela s’ajoute quelque chose de nouveau : une forme de désintermédiation inversée. Aujourd’hui ce sont les wrappers, des entreprises qui encapsulent les modèle d’OpenAI dans des solutions métier qui captent l’usage et la valeur (Wrappers, deeptechs et IA générative : un château de cartes rentable mais fragile). OpenAI alimente mais ne distribue pas, est invisible du client et de l’utilisateur final, elle fournit mais ne fidélise pas. Tant qu’elle reste à ce niveau de la chaine elle est interchangeable et donc fragile.

Mai il y a surtout un aspect économique et structurel : le coût marginal d’une requête IA reste largement supérieur à celui d’une recherche classique.

Une recherche textuelle sur Google coûte de 1 à 5 microcentimes ($0,0000001) ce qui s’explique par une architecture optimisée, des serveurs propriétaires, et un moteur qui exploite des index préexistants. A l’inverse une requête par GPT 4 implique un calcul en temps réel de plusieurs centaines de tokens qui peut mobiliser une navigation web, une réécriture complexe, voire une interaction multimodale. Le coût de chaque requête se situerait entre $0,01 et $0,1.

Ce décalage est énorme : OpenAI paie des milliers de fois plus cher chaque réponse que Google et 100 millions d’utilisateurs actifs générant chacun quelques requêtes quotidiennes représenteraient plusieurs milliards de dollars par mois en coût d’infrastructure.

Sans rupture technologique (modèles plus légers, hardware optimisé…) ou de business model radicalement différent (valeur à la tâche, non au volume), OpenAI ne peut pas croître sans se mettre en péril.

Et la publicité dans tout cela ?

Certains suggèrent qu’OpenAI devrait faire comme Google et intégrer de la publicité dans ses réponses mais ce serait renier ce qui est indispensable à l’approche agentique : la confiance, la neutralité, la lisibilité (Que veulent vraiment les géants de l’IA ?).

Une IA qui recommande un lien sponsorisé n’est plus un conseiller, mais un commercial déguisé et le risque de perte de crédibilité est trop grand.

D’ailleurs s’il se dit pragmatique sur le sujet et pas fermé à la publicité, Altman avoue préférer gagner de l’argent autrement, par l’usage et la valeur que ses produits (An Interview with OpenAI CEO Sam Altman About Building a Consumer Tech Company).

OpenAI le sait et c’est pourquoi elle explore d’autres voies : un modèle freemium différencié, des usages transactionnels (réservation, achat, exécution de tâches), ou un positionnement B2B dans les verticales à forte valeur. Des modèles fondés sur la valeur créée, et non sur l’attention captée.

Ce qui reste à faire

Même avec une technologie de pointe, OpenAI devra faire face à deux autres défis majeurs.

Le premier est réglementaire. L’AI Act en Europe (L’AI Act Européen pour les nuls), les recours des éditeurs de presse, les enjeux de propriété intellectuelle, tout converge vers une limitation du libre accès aux données du web. L’IA générative ne pourrait plus s’entraîner et synthétiser à volonté sans redevance ou restriction et le ton dédaigneux avec lequel Altman a éludé la question lors de la dernière conférence TED sur le mode « je m’en moque vous n’avez rien compris« (Sam Altman at TED 2025: Inside the most uncomfortable — and important — AI interview of the year) ne sera peut être pas tenable devant les régulateurs.

Le second est épistémologique. Si ChatGPT devient un point d’entrée à l’information, il doit rendre ses réponses vérifiables, traçables, auditables. Une synthèse sans lien vers les sources est un angle mort cognitif. OpenAI devra inventer une pédagogie de la transparence pour maintenir la confiance.

Conclusion

OpenAI ne veut pas devenir Google. Elle veut faire émerger une autre manière d’interagir avec l’information, les services et les outils mais cette ambition la pousse, paradoxalement, à devoir remplacer Google dans nos usages.

Pour cela, elle devra inventer un modèle économique sans publicité, une plateforme sans OS, un usage sans distribution native, et une confiance sans asymétrie.

En résumé : elle ne le veut pas vraiment, elle ne le peut pas encore, mais elle n’a plus vraiment le choix. Le prochain Google ne sera peut-être pas un moteur, mais un agent mais reste à savoir s’il parlera avec la voix d’OpenAI.

Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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