Je lis ces temps derniers beaucoup de choses sur l’avenir de la fonction RH, ses limites, les différents de reconfiguration, transformation possibles voire sa disparition inévitable.
J’allais y apporter ma modeste contribution lorsque je me suis rendu compte que cette réflexion était hors sol si, préalablement, on ne se posait pas la question du rôle de la fonction RH, de ce qu’on attend d’elle, en somme de son but car, au final, c’est de cela que dépend tout le reste.
Alors commençons par le début, mais avant tout essayons de comprendre comment cette fonction s’est construite pour en arriver à la situation actuelle avant d’explorer plusieurs pistes et que je vous fasse part de ma propre compréhension fondée sur mon expérience.
En bref :
- La fonction RH a évolué d’un rôle administratif à une fonction stratégique, en réponse aux transformations industrielles, sociales et technologiques, sans que ses moyens ne soient réellement renforcés.
- Malgré l’élargissement constant de ses responsabilités (conformité, formation, stratégie, IA, diversité), la fonction RH reste sous-dotée en effectifs et en ressources, ce qui limite sa capacité à répondre aux attentes.
- Les RH de demain sont appelées à devenir des acteurs clés de la performance collective : stratèges, concepteurs d’environnements de travail, garants éthiques de l’IA, gestionnaires de compétences et architectes d’écosystèmes.
- Le but des RH n’est pas de produire des activités RH, mais de créer de la valeur pour toutes les parties prenantes, en conciliant les objectifs économiques de l’entreprise avec les besoins humains des collaborateurs.
- Des exemples concrets montrent que l’impact réel des RH passe par leur implication dans l’organisation du travail, la coopération avec les opérations et une action directe sur le “système de travail” plutôt que sur des dispositifs périphériques.
- Une brève histoire de la fonction RH
- Des moyen qui n’ont jamais suivi
- Quel rôle pour les RH demain ?
- Mais quel est le but des HR ?
- Ma propre expérience : de l’importance du « en même temps » et de l’impact opérationnel des RH
- Conclusion
- Pour répondre à vos questions
- Dans cette série
Une brève histoire de la fonction RH
Tout commence à la fin du XIX siècle avec l’essor de l’industrialisation et ce que j’appelle l‘ère de l’administration du personnel. Les entreprises doivent gérer des effectifs ouvriers massifs, souvent peu qualifiés et soumis à des conditions de travail dures. C’est l’époque où apparaît la fonction de gestion du personnel, dont la mission est avant tout administrative : établir les contrats, tenir la paie, gérer les horaires, veiller à la discipline.
Cette fonction a également un rôle de médiateur paternaliste : l’entreprise assure parfois le logement, la cantine ou l’assistance médicale mais, le plus souvent, davantage dans une logique de contrôle plus que d’émancipation. Dans les années 1930–1950, avec la montée du droit du travail, des conventions collectives et des syndicats, cette gestion se structure davantage : le « service du personnel » devient l’interlocuteur des partenaires sociaux et de l’administration.
A ce stade, il ne s’agit pas encore de penser l’humain comme un levier de performance ou de développement, mais de garantir la conformité, l’ordre et la continuité de la production.
Cette époque dure jusque dans les années 60 où on assiste à l’émergence de la psychologie du travail. Sous l’influence des sciences sociales et des théories motivationnelles (Maslow, Herzberg, McGregor), les RH ne se réduisent plus à l’administratif : on commence à parler de formation, d’évaluation, d’intégration. Le « facteur humain » est alors vu comme un levier de performance.
C’est dans les années 1980-90 que s’installe la « gestion des ressources humaines« . Le vocabulaire change : l’homme n’est plus seulement une contrainte sociale, mais une ressource à gérer, optimiser, développer. L’informatique permet d’automatiser la paie, libérant du temps pour le développement RH. C’est aussi une époque plus noire avec la multiplication des plans sociaux et des reconversions qui voit la fonction RH prend une place stratégique dans les restructurations.
A partir des années 2000 on commence à parler de la fonction stratégique des RH. Sous l’influence de la mondialisation et de la guerre des talents, la RH devient un partenaire du business. Elle parle « stratégie », s’adosse aux indicateurs de performance, promeut la marque employeur et se professionnalise davantage (modèle Ulrich : HR Business Partner, centres d’expertise, services partagés).
La fin des années 2010 voit, alors que tout le monde a le mot « expérience » à la bouche, l’émergence de l’expérience employé. Avec le numérique et la transformation des modes de travail, la fonction s’intéresse à l’engagement, à l’expérience collaborateur, à la culture d’entreprise et à l’agilité organisationnelle. La QVT, la diversité et la responsabilité sociétale entrent dans son périmètre.
Et aujourd’hui ? C’est justement le sujet du jour avec des RH à la fois augmentées et questionnées
L’intelligence artificielle, le travail hybride, les nouveaux rapports au travail et la quête de sens bousculent la fonction. Elle est sommée d’aller au-delà de la conformité et de l’administratif pour devenir un concepteur d’environnements de travail, un stratège du capital humain, mais aussi un garant éthique de l’usage des technologies.
Des moyen qui n’ont jamais suivi
Au départ les choses étaient simples : la gestion du personnel relevait de tâches administratives et légales, avec un périmètre clair (paie, contrats, discipline). Les moyens étaient modestes mais, en proportion, les attentes l’étaient aussi.
Puis, à mesure que le rôle s’est élargi, la fonction a été sommée de gérer les relations sociales, de piloter la formation, de sécuriser les restructurations, puis de développer la « marque employeur », d’intégrer la diversité, de repenser l’expérience employé, et maintenant d’anticiper les impacts de l’IA sur l’emploi et les compétences.
Chaque nouvelle époque a ajouté des responsabilités sans forcément retirer les anciennes.
Les moyens, eux, n’ont pas suivi la même courbe.
L’automatisation (paie, administration) a libéré du temps, mais pas assez pour absorber toutes les nouvelles missions. alors que les effectifs RH, en proportion du nombre de salariés, ont peu évolué dans beaucoup d’organisations. On reste souvent à 1 RH pour 70 (au mieux) mais le plus souvent 100 à 150 salariés.
Les budgets sont restés contraints, et la fonction RH a rarement le poids politique pour exiger les mêmes investissements que l’IT ou le marketing (Le capital humain ? Moins bien doté que le capital technologique ).
Paradoxalement, le modèle Ulrich (voir plus bas), s’il a donné l’illusion de renforcer la fonction, a en réalité souvent réduit la proximité terrain et éclaté les rôles.
La fonction RH est ainsi devenue un réceptacle » d’attentes multiples, juridiques, sociales, culturelles, stratégiques, technologiques, mais elle reste structurellement sous-dotée, ce qui explique son image parfois réactive, voire défensive, alors que son rôle devrait être prospectif et créateur de valeur.
Quel rôle pour les RH demain ?
Faisons un rapide tour des voix qui font autorité sur le sujet.
Du gestionnaire de conformité au stratège du capital humain. Dave Ulrich a été l’un des premiers à faire valoir cette vision : la fonction RH n’est pas une simple fonction support mais un partenaire stratégique, chargé de traduire les enjeux business en politiques de talents et d’organisation. Dans son approche, les RH ne se limitent pas à répondre aux besoins de l’entreprise, elles co-construisent l’avenir avec elle (How HR Can Shape Business Strategy and Prove Its Impact (with Dave Ulrich) et Dave Ulrich Discusses Employee Experience, Personalization and the Impact of AI).
De l’expérience employé à la conception de contextes de travail. Laszlo Bock, ancien DRH de Google, a voulu démontrer avec son livre Work Rules! que la mission des RH est de créer des environnements où les personnes donnent le meilleur d’elles-mêmes, non pas par contrôle mais par design organisationnel. L’avenir des RH, c’est moins la gestion administrative que la capacité à imaginer et tester des environnements qui alignent bien-être, performance et innovation.
De l’administration à la donnée et à l’IA. Parler des RH à l’heure de la tech et de l’IA ne peut se faire sans regarder du côté de Josh Bersin pour qui la fonction RH devient une fonction analytique. Elle doit maîtriser la donnée sociale, le people analytics, et demain l’IA générative et prédictive pour éclairer ses décisions. Mais cette technologie doit être accompagnée d’un rôle éthique et humain, faute de quoi l’IA ne fera qu’amplifier les biais et l’opacité (People Analytics, A Complex Domain, Is About To Be Transformed by AI.).
Du poste au flux de compétences. Peter Cappelli rappelle que le modèle classique, basé sur des métiers fixes, est dépassé. Les RH de demain devront gérer des portefeuilles de compétences en mouvement permanent, faire matcher l’offre et la demande interne, et penser l’emploi comme un flux adaptable, ce qui redéfinit la formation, la mobilité et la rémunération (Skills-based hiring: Where we stand heading into 2025).
De la fonction centralisée à l’architecte d’écosystèmes. Du côté de McKinsey et du BCG on parle des RH comme d’une « fonction plateforme ». L’enjeu est de connecter salariés, managers, partenaires externes, technologies et communautés dans un écosystème fluide. Les RH deviennent moins un service qui contrôle qu’un architecte qui relie et simplifie (HR’s new operating model).
De l’ombre à la gouvernance. Enfin, Deloitte insister le fait que la fonction RH ne peut plus être perçue comme exécutante. Avec la montée de l’IA, des enjeux ESG, de la diversité et des nouvelles formes de travail, elle doit siéger au cœur de la gouvernance, aux côtés de la finance et de la stratégie. Dans cette vision, le DRH devient un co-dirigeant, pas un « support » (2025 Global Human Capital Trends).
En résumé, les RH de demain seront à la fois stratèges, designers d’environnements de travail, gardiens éthiques de l’usage de l’IA, gestionnaires de flux de compétences et architectes d’écosystèmes. Elles passeront d’une logique de conformité à une logique de création de valeur partagée, pour l’entreprise comme pour les individus.
Mais quel est le but des HR ?
Mais nous n’avons parlé que du « comment », pas du « pourquoi« . Comme je le disais en préambule, avant de se demander quel rôle et organisation future pour les RH il faut remonter un cran plus haut et se demander quel est leur but, leur objectif, car leur raison d’être n’est pas de gérer des contrats, de monter des plans de formation ou de déployer des outils de paie.
Le but des RH n’a jamais été, n’est pas, et ne sera jamais de faire des RH mais de contribuer à quelque chose de plus grand et si ça n’est pas le cas dans une entreprise donnée cela explique déjà peut être une partie du problème.
Si l’on revient à Dave Ulrich, la fonction RH n’a de sens que dans sa capacité à créer de la valeur pour les parties prenantes, à savoir salariés, managers, clients, investisseurs, communautés. Il explique très clairement que ça n’est pas la somme des activités RH qui compte, mais la valeur qu’elles génèrent à l’extérieur de la fonction (What Makes an Effective HR Function?). Dans une autre analyse, il souligne que l’évolution des compétences humaines et de la capacité organisationnelle est le levier principal de cette création de valeur, ce qui place la fonction RH au cœur de la pérennité de l’entreprise (Dave Ulrich: Harnessing the evolution of human capability to create value).
Du côté des praticiens, Laszlo Bock a montré que le rôle des RH est de construire des environnements où les individus peuvent grandir, apprendre et s’épanouir. Dans ses interventions, il rappelle que donner du sens au travail et veiller à ce que chacun voie sa contribution reliée à une mission plus large est une mission fondamentale des RH (Laszlo Bock’s 6 Tips for Building a Better Workplace).
Dans le même ordre d’idée, Ulrich propose des actions concrètes pour que la fonction RH se concentre sur l’essentiel : relier chaque activité à un impact visible et mesurable sur la performance collective et sur les résultats des parties prenantes (Six Actions for HR to Create More Stakeholder Value).
On peut donc dire que le but ultime de la fonction RH est double. D’une part, assurer la pérennité et la performance de l’organisation en garantissant que les compétences, la culture et les modes de travail sont alignés avec la stratégie. D’autre part, préserver et développer le potentiel humain dans la durée, en créant des conditions de sens, de croissance et d’épanouissement.
Au bout du compte le but des RH est de rendre compatibles deux logiques qui ne coïncident pas naturellement : les impératifs économiques de l’organisation et les aspirations humaines de ceux qui y travaillent. Un équilibre, admettons le, très compliqué à réaliser, surtout avec peu de moyens, et à condition qu’on ait envie de se frotter à l’exercice et de ne pas se limiter à un pilier.
Ma propre expérience : de l’importance du « en même temps » et de l’impact opérationnel des RH
Parlons maintenant de ma propre expérience et de mes convictions qui confirment, par la pratique, les théories que je viens d’évoquer. A posteriori, si je voulais post-rationaliser, je me situe entre Ulrich et Boch bien que au moment où j’ai eu à tracer mon chemin j’ai pensé en termes de mission à accomplir pour l’entreprise sans même réfléchir à ce que d’autres avaient pu dire sur le sujet. Je pense même avoir été plus loin qu’eux dans l’impact sur la performance de l’entreprise, partant du principe que face à l’attentisme on est jamais aussi bien servi que par soi-même.
Bien sûr ça n’est qu’une expérience individuelle, dans un certain contexte, une certaine entreprise et elle ne vaut que ce qu’elle vaut mais puisqu’elle a eu lieu autant en parler.
Ma conviction a toujours été qu’on peut améliorer la qualité du recrutement, investir dans les people ops, dans la politique de formation, dans le développement personnel, dans la gestion des carrières et des parcours mais que cela ne vaut pas grand chose quand, après avoir mis autant d’énergie et d’argent à recruter et développer des collaborateurs, tout cet effort est ruiné par le system of work.
Je le redis autrement : en tant que RH, alors même qu’on a investi dans tout ce que je viens de citer et qu’en plus on essaie d’avoir une politique salariale compétitive, peut-on fermer les yeux lorsqu’on constate que le potentiel de talent mis à disposition des métiers est abîmé, gâché, détruit par le management, les managers, l’organisation du travail, les process, les modes opératoires, et globalement ce que j’appellerais « le système » ?
Je conçois que certains se disent « chacun son problème, je m’en lave les mains, je livre un produit fini et son utilisateur en fait ce qu’il veut ». Mais on peut également considérer que si l’utilisateur en fait un mauvais usage, les coûts nous retomberont dessus : coûts en termes d’attrition, de dégradation de la santé au travail, de désengagement… qui seront ensuite comptabilisés comme des coûts RH et que c’est chez nous qu’on viendra chercher des responsabilités. Au final, même si la première perte est ressentie par le métier, la facture finira au débit de la fonction RH.
J’ai acquis la conviction qu’en tant que RH, on ne peut pas constater que quand on donne au métier un potentiel de 100 on obtient au final un résultat de 90, 80, 70 ou encore moins et se dire « je m’en moque ». On ne peut pas fermer les yeux et dire « ça n’est pas mon problème », parce que c’est le problème de tout le monde. Effectivement, si on est responsable du cycle de l’entrée à la sortie, on est aussi responsable de ce qui se passe au milieu, quand les gens travaillent et ne sont pas dans les mains des RH mais du métier car à un moment, on devra nettoyer les pots cassés, s’il y en a.
Alors faites comme Moderna et fusionnez l’IT et les RH (Fusion des RH et de l’IT : Moderna redessine son organisation pour et avec l’IA), créez une fonction People, distincte de l’ancienne fonction « personnel », créez une fonction People Ops qui remplace les RH comme chez Bolt (Why Bolt eliminated traditional HR and reset with a new People Ops approach), nommez un Chief of Work (A-t-on besoin d’un chief of work ?), investissez à fond dans l’expérience employé, en plus ou à côté du modèle RH traditionnel. Faites-le seuls ou au travers de partenariats et de coopérations internes, peu importe, mais ayez un impact sur le travail tel qu’il est pensé et tel qu’il se passe (L’humain est partout dans l’entreprise mais, dans le travail, les RH ne sont nulle part). Mais je pense que la situation actuelle ne peut pas durer.
Oui, parfois cela créera des frictions, parfois ce sera un combat. Mais ne pas le mener signifie qu’on ne croit ni dans son rôle, ni dans sa contribution, ni dans sa responsabilité dans la performance de l’entreprise. Ou bien qu’on estime qu’il vaut mieux garder son poste en silence que défendre les gens et la performance de l’entreprise.
Et pourquoi craindre le conflit, après tout ? Je suis convaincu que certains CEOs ou directeurs métiers seraient contents d’entendre ce discours et de voir les RH leur tendre la main pour travailler ensemble (RH et Opérations : le seul duo viable pour mener l’expérience employé).
Je ne dis pas que ça sera simple ni confortable, mais je dis que cela mérite d’être mené.
La nature ayant horreur du vide et la demande existant dans certains métiers j’ai donc commencé à m’occuper du work design, aidé les managers dans le fonctionnement et l’organisation du travail de leurs équipes, leur posture, leurs process, poussé à la rationalisation des outils qui faisaient perdre beaucoup de temps, à la simplification de nombreux process, mis en place une démarche transverse d’amélioration continue des méthodes et de l’organisation du travail etc…
Cela a bien confirmé ma conviction par rapport à l’expérience employé. Occupez vous de la QVT et de choses périphériques au travail et vous n’aurez aucun impact, les collaborateurs et les managers vous regarderont comme un élément décoratif. Mais si vous commencez à vous occuper de ce qui compte pour eux, de la réalité du travail tel qu’il se passe, alors les choses changent. A la fois votre impact, le regard voire l’estime des autres (Baromètre 2023 de l’expérience collaborateur : l’expérience employé face à ses contradictions et L’expérience employé ne sert à rien (si elle n’est pas reliée au business))
A la fin la convergence entre RH et opérations a été tellement nécessaire que j’ai fini par chapeauter les deux, garantie d’une politique commune et cohérent (avec l’IT comme partenaire de premier choix). Au moins autant porteur de sens qu’une fusion avec l’IT dont on parle beaucoup ces temps derniers (Should Your Company Merge Its CHRO and CTO Roles?) mais qui à mon sens n’est que la face visible de l’iceberg. Ce qui compte c’est la co-création, la coopération et la co-responsabilité, pas la fusion, que ce soit avec l’IT ou quoi que ce soit. Mais si cette dernier rend les choses plus simples et règle les querelles de chapelle et les problèmes de silos.
Une anecdote. il y avait un liseré de couleur sur les cartes de visite en fonction du métier, et les fonctions support avaient donc leur propre couleur. Le jour où j’ai pris mes fonctions, mon président m’a remis mes nouvelles cartes et désormais les RH portaient la même couleur que les fonctions « business » telles que les sales, les opérations, le marketing etc. Il m’a dit : « Je sais que c’est ton ADN, mais au moins je suis sûr que tu n’oublieras pas quel type d’impact je veux que tu aies. Et ça fera en sorte que tout le monde comprenne ta ligne directrice, même si cela surprend au début ». Je n’avais pas besoin de cela pour peser au sein du Comex mais au moins ça a clarifié les choses et le message est passé vis à vis des autres fonctions.
C’est peut-être une déformation professionnelle parce que je viens des opérations et du métier, mais on ne peut pas être au cœur de la composante essentielle du travail, autrement dit les hommes et les femmes qui composent l’entreprise, et se désintéresser de ce qui leur arrive, de ce qu’on fait d’eux et quelque part de notre investissement, une fois qu’ils sont en train de travailler. Faute de volontaires pour avancer sur un modèle co-lead on m’a donc offert de prendre les deux casquettes pour avancer conformément à la vision de l’entreprise. Ce que j’ai fait avec plaisir.
Et puisqu’on parle d’impact car au final c’est ce qu’on reproche aux RH, aujourd’hui moins de 10% des entreprises sont capables de corréler les données RH et les métriques du business. (Is People Analytics the Next Job to Be Outsourced by Technology?). De mon point de vue c’est proprement inacceptable mais avant de mesurer encore faut il être légitime pour y mettre son nez. Mais, encore une fois, je ne connais pas un CEO qui reprochera à son DRH d’avoir cette préoccupation.
On pourrait faire un parallèle avec l’industrie automobile : parfois on fabrique des concept-cars, beaux et performants sur le papier, mais qui ne sont pas destinés à rouler sur la route. Dans l’entreprise, le rôle du DRH n’est pas de concevoir des prototypes de salariés parfaits à exposer, mais de s’occuper de personnes plongées dans un environnement de travail bien réel et exigeant. Et encore moins de les confier à de piètres conducteurs.
Croire qu’on « s’occupe des gens » n’est qu’une partie du sujet. Si l’on veut uniquement s’occuper des gens, il existe mille façons de le faire, notamment dans le monde associatif mais dans l’entreprise, on s’occupe des gens dans un environnement et un contexte de travail et dont on attend qu’ils délivrent de la valeur pour l’organisation et c’est cette seconde partie qui fait toute la différence (How I Stumped a Panel of EX Experts).
En d’autres mots on ne peut se contenter de s’occuper des gens sans s’intéresser au contexte dans lequel on les plonge car c’est lui qui détruira ou sublimera des potentiels.
Pour finir, à chacune de mes décisions, je me demandais « quelle sera la valeur ajoutée pour les gens sur le terrain et les clients« . Ca m’a beaucoup aidé à faire le tri et prioriser car, effectivement, le but d’une entreprise est le client et tout ce qui est fait doit servir à ceux qui le servent, puis à ceux qui les supportent et ainsi de suite (Avez vous un delivery model pour le management ? et Peut on renverser la pyramide sans le client ?).
Conclusion
Un article moins construit et équilibré qu’à l’habitude mais je pense qu’un retour d’expérience gagne à être écrit au fur et à mesure que les idées s’enchaînent sans être relu ni corrigé.
Bref, on sait tous qu’on attend autre chose des RH que s’occuper d’administratif et les professionnels du métier les premiers. Mais encore faut il leur donner les moyens de nos attentes et créer un vrai lien entre la fabrication et le développement du potentiel (les RH) et sa transformation en valeur réelle (métiers et opérations).
Pour y parvenir beaucoup plaident pour la fusion entre RH et autre chose, d’autres pour une quasi disparition de la fonction mais je ne pense pas que soit la seule solution ni la meilleure d’ailleurs.
Ce qui compte c’est de créer de vraies synergies, une collaboration entre tous ces gens et, à défaut d’y parvenir, donner les clés d’une fonction RH revisité soit à un RH passionné par les opérations de terrain soit à un opérationnel passionné par le sujet humain.
Ce qui nous amène donc au sujet du futur de la fonction d’un point de vue purement organique et organisationnel mais on en reparlera dans prochain article.
Pour répondre à vos questions
La fonction RH vise à créer de la valeur pour toutes les parties prenantes. Elle doit concilier performance économique et aspirations humaines, en alignant compétences, culture et modes de travail avec la stratégie. Son objectif n’est pas d’accumuler des dispositifs, mais de générer un impact mesurable sur la performance collective et la pérennité de l’entreprise.
A mesure que leur rôle s’est élargi (formation, diversité, IA, expérience employé), les effectifs et budgets n’ont pas suivi. On compte encore souvent 1 RH pour 100 à 150 salariés, ce qui limite leur capacité d’action. Résultat : elles apparaissent comme étant en réaction alors qu’on attend d’elles une fonction stratégique et créatrice de valeur.
L’impact ne vient pas des dispositifs périphériques, mais de l’action sur le travail réel : organisation, management, process et coopération. Sans cela, les investissements en recrutement ou formation perdent en efficacité. L’alliance RH–opérations, voire RH–IT, est décisive pour améliorer la performance et l’expérience employé.
Les RH de demain seront stratèges, designers d’environnements de travail, garants éthiques de l’IA et architectes d’écosystèmes. Peu importe le modèle choisi (People Ops, Chief of Work, fonction plateforme) : l’essentiel est la coopération avec les métiers et la capacité à transformer le travail pour créer de la valeur partagée.
Peu d’entreprises corrèlent aujourd’hui données RH et résultats business. Pourtant, c’est indispensable pour démontrer leur impact. Les RH doivent relier leurs actions à des indicateurs concrets comme la performance, l’attrition ou l’engagement, et développer des capacités en data et IA. C’est ce lien qui crédibilise leur rôle stratégique.
Dans cette série
| Quel est l’objectif des RH ? |
| Après le rôle, la place : comment la fonction RH peut évoluer organiquement |
| Trois scénarios concrets pour l’évolution de la fonction RH |
Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)








