EDGY : un langage commun pour aligner identité, expérience et opérations

-

Je pense que cet article va intéresser beaucoup de monde car il traite d’un sujet auquel nous sommes tous confrontés régulièrement à plus ou moins grande échelle : la nécessité de faire travailler ensemble des gens de métiers et horizons différents, ce qui signifie avant toute chose de les amener à se comprendre et parler un même langage.

En ce qui me concerne j’ai toujours fonctionné en mobilisant conjointement les leviers humains, process et tech ce qui m’a confronté au sujet très vite. Je pense que le point d’orgue a été atteinte lorsque, pilotant simultanément les fonctions People et Operations et menant une démarche d’expérience employé à forte connotation opérationnelle (L’expérience employé ne sert à rien (si elle n’est pas reliée au business) et L’humain est partout dans l’entreprise mais, dans le travail, les RH ne sont nulle part) qui mobilisait l’ensemble des métiers et fonctions dans une logique d’amélioration continue transverse et collaborative il m’a fallu faire se parler ensemble des gens qui ne font pas la même chose, ne parlent pas le même langage, ont tous une vision parcellaire des sujets et peuvent même avoir des objectifs, enjeux et intérêts divergents voire opposés.

L’autre jour je déjeunais avec mon ami Olivier Réaud d’In Principo dont le métier, la facilitation stratégique, fait que le sujet est au cœur de son activité, ce qui est toujours source de riches conversations quand on se voit dans notre cantine favorite. A cette occasion il m’a parlé d’une nouvelle approche qu’il développait au sein de son cabinet, en s’appuyant sur un langage et une méthode dont je n’avais jamais entendu parler : EDGY (EDGY, le langage universel de la simplexité et IA et puissance d’agir). Preuve s’il en est qu’on a beau s’intéresser à un sujet et le pratiquer depuis plus de 20 ans il y a toujours des choses nouvelles à apprendre.

J’ai donc passé un temps significatif à explorer le sujet et me suis dit que le résultat de mes investigations valait bien un article.

Pour revenir à la source je pense qu’on peut tous s’accorder sur le fait que depuis plus de vingt ans, les entreprises vivent dans une sorte de brouillard permanent où la quête de l’expérience idéale est devenue le mot d’ordre de toutes les stratégies. On promet des expériences clients fluides, des expériences employé engageantes, des expériences partenaires différenciantes. Mais, à force de marteler ce mot, on a fini par le vider de sa substance (Tant va l’expérience à l’eau qu’à la fin elle se casse). Dans bien des cas, l’expérience est réduite à un habillage : une interface agréable, un parcours simplifié en apparence, une communication léchée. Et pourtant, on le sait bien, l’expérience ne tient que parce que l’architecture opérationnelle est en mesure de la soutenir. Une promesse de rapidité est un mensonge si la logistique reste lente, une promesse de simplicité est une illusion si les processus internes tiennent du labyrinthe.

Ce décalage est entretenu par une fragmentation des langages. Chaque fonction de l’entreprise parle le sien, défend sa carte, revendique sa grille de lecture. Les marketeurs invoquent la marque, les designers s’intéressent aux parcours et aux émotions, les architectes parlent de capacités, les financiers de modèles économiques, les opérationnels de procédures quotidiennes. Ces langages ne s’excluent pas, mais ils ne se rencontrent pas non plus. Ils se juxtaposent comme des strates géologiques, sans passerelles, et l’entreprise devient une mosaïque de représentations partielles, chacune exacte dans son périmètre mais incapable de composer un tableau d’ensemble.

Cette fragmentation rend toute transformation complexe car transformer suppose d’aligner et on ne peut aligner que ce qui est dit dans une langue commune. C’est donc ici qu’intervient EDGY (Enterprise Design Graph Interplay). Ce langage visuel, créé par Intersection et pensé pour dépasser les cloisonnements habituels, propose un cadre unique où identité, expérience et opérations se relient et se répondent. EDGY a vocation à jouer le rôle de lingua franca organisationnelle, une grammaire partagée qui permet enfin de replacer chaque discours, chaque promesse et chaque capacité dans un récit commun.

En bref :

  • La complexité des organisations résulte en grande partie d’un manque de langage commun entre métiers, ce qui freine l’alignement entre identité, expérience et opérations.
  • EDGY est un langage visuel open source conçu pour relier les dimensions identitaire, expérientielle et architecturale d’une organisation dans une logique commune et compréhensible par tous.
  • L’approche EDGY permet de révéler les « zones blanches » (promesses non soutenues) et les « points de friction » (contradictions ou dépendances critiques) au sein des entreprises.
  • La confrontation des cartes EDGY réalisées par la direction et les équipes opérationnelles rend visibles les écarts entre discours stratégique et réalité du terrain, favorisant la prise de conscience.
  • EDGY n’est pas seulement un outil méthodologique mais aussi politique, car il structure les représentations tout en ouvrant le dialogue et en redistribuant la capacité d’action au sein de l’organisation.

Aux origines d’EDGY : répondre aux silos de pensée

EDGY est né d’un constat que nous avons tous fait sur le terrain : les notations existantes ne suffisent pas. D’un côté, des standards comme ArchiMate, UML ou BPMN, puissants et rigoureux, mais tellement techniques qu’ils excluent la majorité des acteurs de l’entreprise, à commencer par les dirigeants. De l’autre, des approches de design plus libres, plus engageantes dans des ateliers créatifs, mais incapables de survivre au-delà du tableau blanc ou de la session de post-its.

Après un passage chez SAP où en tant que designer il avait pu constater à quel point les approches restaient cloisonnées entre métiers, design et architecture, Milan Guenther a choisi de créer Intersection. L’ambition était de rassembler dans un même cadre les praticiens qui, chacun dans leur discipline, cherchaient à représenter et transformer l’entreprise sans jamais parvenir à se comprendre. C’est dans ce contexte qu’est né EDGY qui a vocation à offrir un langage visuel, ouvert et accessible, que chacun puisse pratiquer, mais suffisamment structuré pour soutenir l’exigence de la complexité organisationnelle.

Le pari est quand même audacieux : créer un langage à la fois accessible et opérant, qui permette à un directeur général et un architecte IT de lire la même carte en comprenant la même chose pour, in fine, en tirer une décision commune. Car au fond ce qui manque aux organisations ça n’est pas des modèles mais une communicabilité entre modèles.

Autre élément essentiel : EDGY est publié en open source. Cela signifie que son langage, ses définitions et ses supports sont accessibles à tous, libres d’utilisation et d’adaptation, sans verrou propriétaire. Là où la plupart des notations ou méthodes sont portées par des organismes normatifs fermés ou par des éditeurs qui en contrôlent l’usage, EDGY a été pensé comme un bien commun, évolutif, que chacun peut s’approprier. Cette ouverture garantit sa diffusion, mais aussi sa légitimité : ce n’est pas la méthode d’un cabinet ou d’un fournisseur, c’est un langage collectif conçu pour que chacun puisse y contribuer.

Les trois facettes d’EDGY : identité, expérience, architecture

EDGY repose sur trois piliers.

L’identité qui est ce qui définit une organisation : sa mission, ses valeurs, sa culture, ses promesses. Elle ne se réduit pas à un slogan marketing, mais elle en est la source. C’est l’identité qui fait que face à un même challenge deux entreprises auront une approche différence, qu’une choisira par exemple de répondre à un problème en valorisant la vitesse, quand une autre, face au même défi, choisira la fiabilité.

L’expérience qui est ce que vivent réellement les clients, les employés, les partenaires. Elle est la traduction tangible de l’identité. Une valeur proclamée n’existe que si elle se retrouve incarnée dans les interactions.

L’architecture, enfin, regroupe les capacités, les ressources, les systèmes, les processus. C’est la mécanique, souvent invisible, mais indispensable qui transforme l’identité en expérience.

EDGY oblige à articuler ces trois facettes. Une promesse d’identité doit trouver son équivalent dans une expérience vécue. Chaque expérience doit être soutenue par une capacité opérationnelle car sans cela, la promesse n’est pas supportée ce qui est la cause la plupart des échecs stratégiques.

EDGY ne se limite pas à un cadre conceptuel : il se matérialise visuellement par des cartes très lisibles. Chaque élément est représenté par un bloc coloré, placé dans la facette qui lui correspond, et relié aux autres par des flèches ou des arborescences simples. Contrairement aux notations complexes où la symbolique devient un obstacle, EDGY privilégie une grammaire visuelle minimale : quelques couleurs, des formes basiques, trois types de relations (flow, link, tree). C’est cette simplicité qui permet à un dirigeant, un designer et un opérationnel de comprendre la même carte sans avoir besoin de dictionnaire.

On peut imaginer une entreprise affirmant être réactive. C’est inscrit dans son identité. Elle promet donc un parcours client fluide, sans attente inutile. Mais si, dans son architecture, chaque décision commerciale passe par trois niveaux hiérarchiques et un ERP rigide ce qui fait que la promesse ne se traduit jamais. L’expérience vécue est lente, et la marque se décrédibilise. EDGY montre ce décalage, car il met en face d’une promesse une capacité qui manque.

Zones blanches et points de friction : voir ce qui ne se voit pas

Même sans avoir pratiqué EDGY, il n’est pas compliqué de comprendre son potentiel car il met en évidence des choses qui étaient implicites, tues, masquées par des discours rassurants ou simplement le décalage entre la vision que les dirigeants ont de leur entreprise et la réalité du terrain. Un très bon moyen, donc, de ne plus laisser trainer d’éléphants dans la pièce.

EDGY peut, à mon avis, aider à identifier deux types de sujets qui me semblent essentiels dans une logique d’amélioration voire de transformation d’une organisation : les zones blanches et les points de friction.

Les zones blanches sont ces promesses qui ne trouvent aucune traduction. Elles apparaissent visuellement quand une carte d’identité ou d’expérience reste isolée, sans flèche pour lier à une capacité opérationnelle. Par exemple une entreprise proclame la simplicité, mais aucune ressource n’est mobilisée pour la garantir. Elle vante la rapidité, mais aucun processus ne l’incarne.

Les points de friction, eux, apparaissent quand une dépendance est trop forte ou quand une contradiction saute aux yeux. Un système relié à tout devient un goulot d’étranglement, une promesse de disponibilité 24/7 repose sur une équipe réduite au strict minimum : le risque est flagrant.

Typiquement, dans une banque, on peut imaginer qu’une promesse de transparence inscrite dans l’identité se traduise dans l’expérience par le suivi en temps réel des opérations, mais que l’architecture continue de reposer sur un système central en décalage de vingt-quatre heures : la zone blanche est flagrante.
De même, dans une industrie, on peut imaginer un constructeur promettant « zéro défaut » : l’expérience client décrit un suivi qualité permanent, mais les ateliers de production se contentent d’un contrôle échantillonné. Là encore, la promesse toune à vide.

J’ai aussi trouvé des cas bien réels : par exemple, lors de l’Intersection Conference, un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité (DSO) a montré comment EDGY lui a permis de modéliser une architecture « composable » reliant parcours client, capacités et technologies. La carte a rendu visibles les dépendances critiques et aidé à hiérarchiser les investissements nécessaires (Modeling a Composable Architecture with EDGY).

Le miroir DG vs opérationnels

Pour avoir utilisé des outils similaires je vois une limite à ce type d’approche mais qui peut se transformer en une énorme opportunité si on les utilise bien. En effet, comme je le disais plus haut, il n’est pas rare, voire il est quasiment la norme, que l’écart entre ce que pensent les dirigeants de leur entreprise et ce que vivent clients et collaborateurs soit abyssal. Je ne pense pas par exemple que la direction d’une entreprise comme Orange s’imagine que le cas que je relatais il y a un an puisse se produire et ne soit d’ailleurs toujours pas résolu (Comment des années de progrès ont tué le service client). Soit ça ne peut pas arriver soit c’est résolu et on passe à autre chose mais dans les faits c’est un accident industriel du service client. Une petite pique gratuite mais qui illustre parfaitement ce propos et cette histoire continue à me donner des ulcères.

Un des usages les plus éclairants d’EDGY serait donc, pour moi, de faire travailler séparément la direction générale et les équipes opérationnelles. Les premiers dessinent leur carte, les seconds la leur.

La carte de la DG sera souvent idéale : elle affiche une identité ambitieuse, imagine une expérience sans faille, et décrit une architecture supposée moderne. Celle des opérationnels, elle, sera plus « rugueuse » : elle montre l’expérience vécue, parfois éloignée des valeurs proclamées, des parcours clients chaotiques, des processus contournés par des solutions bricolées (Le « work about work » : quand la réalité travail consiste à faire fonctionner ce qui ne marche pas).

La confrontation des deux sera donc l’occasion d’une prise de conscience et rendra le déni impossible. J’en profite pour vous renvoyer au concept d’Iceberg de l’Ignorance formulé en 1989 par Sidney Yoshida qui montre que seuls 4 % des problèmes d’une organisation sont connus des dirigeants, tandis que 100 % le sont des employés de terrain.

Et je n’ose pas imaginer ce que cela donnerait si on pouvait impliquer les clients…

Dans une administration publique, on peut imaginer que la direction ait inscrit « simplicité pour l’usager » dans son identité, et décrit des parcours digitaux fluides dans l’expérience, alors que les équipes terrain se plaignent de systèmes non interopérables et de formulaires papier. La restitution croisée mettrait immédiatement en lumière cet écart.

Je vous renvoie au Cookbook EDGY (Section 7.1.6.2) pour comprendre comment des équipes différentes (design, IT, business) peuvent produire chacune leur carte, puis les fusionner.

Identité, culture et singularité des réponses

Il serait pourtant, à mon sens, réducteur de limiter EDGY à la mise en lumière des manques ou des frictions. Sa valeur est aussi de montrer que la cohérence ne peut pas être universelle.

Deux entreprises confrontées au même problème, avec les mêmes objectifs, ne répondront jamais de la même manière. car leur identité les oriente. Une entreprise marquée par une culture d’ingénieurs répondra par la technique alors qu’une autre, façonnée par une culture de service, misera sur l’humain. Ce n’est pas qu’une question d’efficacité, c’est une question de cohérence.

Dans la distribution, par exemple, on peut imaginer deux enseignes confrontées au même problème de files d’attente aux caisses. L’une, marquée par une culture technologique, investira massivement dans les caisses automatiques alors que l’autre, façonnée par une culture de proximité, formera davantage de caissiers et ouvrira plus de files, valorisant le contact humain. Le problème était le même, mais l’identité a façonné deux réponses radicalement différentes.

Et là encore, il existe des cas documentés : dans cet article des praticiens expliquent que l’un des atouts d’EDGY est permettre de représenter des choix différents face à des contraintes similaires, car l’identité et la culture façonnent l’architecture et donc l’expérience (An EDGY approach to designing Enterprises).

J’ai d’ailleurs souvent abordé le sujet dans la perspective du lien entre marque employeur et expérience employé (L’expérience employé : la facette manquante de l’Employee Value Proposition et Votre expérience employé est votre marque employeur) et, de manière plus large, vous renvoie à la citation que je considère comme fondatrice de Stephen Cannon, alors CEO de Mercedes-Benz USA qui disait que « l’expérience client est la marque » et que « l’expérience client suit l’expérience employé » (Mercedes Benz CEO: Customer Experience is the New Marketing). Il n’y a pas d’identité sans exécution mais l’identité dicte également l’exécution.

Un outil politique autant que méthodologique

Pour moi EDGY n’est pas qu’une méthode mais c’est aussi un outil aussi politique que méthologique.

Politique, parce qu’il redonne une voix aux opérationnels, qu’il rend visibles les contradictions, qu’il empêche la direction de rester dans le déni. Méthodologique, parce qu’il structure les représentations, parce qu’il fournit un cadre reproductible, parce qu’il permet de passer d’un atelier à une feuille de route.

C’est ce double statut qui le rend intéressant : une simple carte peut devenir un outil de dialogue.

Conclusion

On ne transforme pas une entreprise avec des slogans. On ne la transforme pas non plus en accumulant des modèles partiels qui ne se rejoignent jamais. La transformation exige une convergence, une capacité à mettre en relation ce qui est promis, ce qui est vécu et ce qui est exécuté.

EDGY vise à apporter ce langage commun. Il révèle les zones blanches où les promesses disparaissent, les frictions les opérationnels s’épuisent et les écarts entre la vision de la direction et la réalité du terrain. Mais surtout, il permet de construire une approche cohérente façonnée par l’identité de l’entreprise, qui donne sens à ses choix.

En ce sens, EDGY peut être une passerelle entre les langages, les visions partielles, les ambitions et la réalité.

Pour répondre à vos questions…

Qu’est-ce que le langage EDGY ?

EDGY (Enterprise Design Graph Interplay) est un langage visuel conçu pour dépasser les silos entre métiers. Il permet à des dirigeants, designers ou opérationnels de partager une compréhension commune de l’entreprise. Plus simple que les standards techniques et plus durable que les approches créatives, EDGY relie identité, expérience et opérations afin de faciliter la cohérence et la transformation organisationnelle.

Comment EDGY relie-t-il identité, expérience et opérations ?

EDGY articule trois facettes : l’identité (valeurs, mission), l’expérience (clients, employés, partenaires) et l’architecture (processus, systèmes, ressources). Chaque promesse doit se traduire en expérience vécue et être soutenue par une capacité réelle. Le langage montre immédiatement quand un décalage existe, évitant les incohérences stratégiques.

Quels problèmes EDGY met-il en évidence ?

EDGY révèle deux types de failles : les zones blanches, quand une promesse n’a pas de traduction concrète, et les points de friction, quand une dépendance ou contradiction fragilise l’ensemble. Ces cartes visuelles aident à identifier les priorités de transformation et à corriger les écarts entre discours et réalité.

En quoi EDGY se distingue-t-il d’autres méthodes ?

Contrairement aux modèles complexes ou trop abstraits, EDGY repose sur une grammaire visuelle simple, lisible par tous. Son ouverture en open source le rend accessible, évolutif et indépendant de tout fournisseur. Cela en fait un outil collectif, adaptable à chaque organisation.

Comment EDGY favorise-t-il le dialogue interne ?

En demandant à la direction et aux équipes terrain de créer chacune leur carte, EDGY met en lumière les écarts entre vision idéale et réalité vécue. Cette confrontation rend visibles les contradictions, donne une voix aux opérationnels et crée un espace de dialogue constructif entre tous les niveaux de l’organisation.

Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
You don’t speak french ? No matter ! The english version of this blog is one click away.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
27AbonnésS'abonner

Récent