Connaissez vous la loi de Parkinson sur la manière dont vos salariés gèrent eux-même leur temps et leur productivité ?

-

C’est en 1955 que l’historien britannique Cyril Northcote Parkinson a formulé la loi qui porte désormais son nom : « le travail s’étend de façon à occuper tout le temps disponible pour son achèvement« . Certain y verront une pointe de cynisme mais le fait est qu’elle décrit une réalité belle et bien présente dans le quotidien du travail.

En effet, dans le travail du savoir, où la charge ne se mesure plus en pièces produites mais en temps investi, la question n’est pas de savoir combien il faut pour accomplir une tâche, mais comment chacun occupe le temps qui lui est accordé.

Le temps est une contrainte mais aussi une ressource et la manière dont un salarié s’en empare révèle à la fois ses stratégies individuelles et les règles implicites de l’organisation.

En bref :

  • La loi de Parkinson illustre comment le travail tend à s’étendre pour occuper tout le temps disponible, ce qui reflète des dynamiques réelles dans le travail du savoir, où la durée prend souvent le pas sur le résultat.
  • Face à un excès de temps, les salariés adoptent trois comportements principaux : étaler la tâche pour éviter l’oisiveté visible, reporter l’effort à la dernière minute (syndrome de l’étudiant), ou réinvestir ce temps dans des activités choisies comme la veille ou la formation.
  • L’organisation a tendance à réquisitionner le temps non utilisé par les salariés en le remplissant de tâches peu productives (réunions, reporting), ce qui pousse chacun à s’approprier son propre temps pour éviter cette confiscation.
  • Le numérique, censé libérer du temps, contribue souvent à l’effet inverse en générant de nouvelles sollicitations, ce qui accentue la saturation temporelle et réduit les marges de manœuvre des salariés.
  • La question centrale n’est pas la rareté du temps mais sa répartition : entre un individu qui tente de le gérer activement et une organisation qui cherche à l’occuper intégralement, sans garantie d’un usage plus efficace.

Trois attitudes face au temps disponible

Lorsqu’un salarié dispose de plus de temps que nécessaire, il ne restitue pas forcément ce gain à l’entreprise. La première attitude consiste à étaler le travail. Une tâche qui pourrait être bouclée en une heure s’étire sur trois, pas par désinvolture mais pour éviter de paraître inoccupé. Le temps devient une sorte de rempart : il protège du stress comme de l’assignation de tâches inutiles.

La seconde relève du syndrome de l’étudiant : l’effort est repoussé jusqu’à l’échéance. Le temps disponible ne sert pas à mieux faire mais à différer le fait de se mettre au travail, quitte à concentrer toute l’énergie dans un sprint final. L’efficacité n’est pas dictée par la tâche mais par la perception de la contrainte.

Enfin, certains optent pour une sorte de réappropriation positive. Plutôt que d’allonger ou de reporter, ils utilisent le temps « en trop » pour se former, faire de la veille, nourrir leur curiosité. Là encore, tout le temps disponible est occupé, mais cette fois par des activités choisies, qui enrichissent la compétence et renforcent l’autonomie.

Temps occupé n’est pas temps utile

Ces comportements ne sont pas anodins et ils répondent à une logique simple : si le salarié ne s’approprie pas son temps, l’organisation le fera à sa place et rarement de façon utile, en tout cas du point de vue du salarié. Dans la plupart des entreprises, le temps libre est en effet vite comblé par du reporting, des réunions ou des processus supplémentaires.

Galbraith l’avait vu avec sa notion de technostructure : toute marge est absorbée par la complexité organisationnelle (Connaissez vous la technostructure qui dévore tous vos efforts d’amélioration ?) et Goldratt a montré de son côté qu’occuper 100 % du temps d’une ressource peut être totalement contreproductif pour le système (Optimum local vs optimum global et théorie des contraintes : pourquoi vos gains de productivité ne servent parfois à rien). Dans les deux cas, l’oisiveté relative n’est pas tolérée : l’organisation préfère saturer plutôt que laisser une ressource inoccupée.

Bref le débat business vs. busyness est loin d’être clos (Quelques idées pour être sûr d’être plus productif qu’occupé).

Quand le digital amplifie Parkinson

La vague numérique a renforcé cette mécanique. Les outils de communication et de collaboration avaient pour ambition de libérer du temps mais, dans la pratique, ils en consomment souvent davantage. Ce qui est automatisé d’un côté réapparaît de l’autre sous forme de nouvelles tâches : il faut renseigner un tableau, mettre à jour une plateforme, organiser une réunion pour aligner les équipes.

Se pose alors la seule question qui vaille : qui s’approprie les gains de productivité ? Dans le travail du savoir, un temps économisé ne reste jamais vacant. Soit il est réinvesti par le salarié (sous forme d’apprentissage, de veille, de respiration) soit il est absorbé par l’organisation, qui l’occupe par de nouveaux processus, du reporting ou des réunions supplémentaires. Dans la plupart des cas, la seconde logique prévaut, transformant un allègement en surcharge (Infobésité Numérique : Quand les Outils de Collaboration Dégradent Productivité, QVT et Amplifient la Charge Mentale et Hyperconnexion en entreprise : le numérique devient un fardeau).

Les marges de manœuvre s’évaporent donc de cette manière, absorbées par des sollicitations constantes. Face à cela le salarié n’a que deux choix : occuper son temps lui-même, ou se le voir confisqué par la machine organisationnelle.

Conclusion

La loi de Parkinson ne décrit pas seulement une propension à ce qui ressemblerait à de l’inefficacité et elle montre un rapport de force permanent entre l’individu qui s’efforce de se réapproprier son temps et une organisation cherche à occuper chaque minute disponible. Étaler, différer ou réinvestir son temps : autant de manières de reprendre le contrôle.

Le vrai sujet n’est pas que le temps soit rare, mais qu’il est l’objet d’une compétition : s’il n’est pas investi par le salarié, il est absorbé par l’organisation. Mais tout cela ne nous dit rien de l’efficacité de l’usage que l’un ou l’autre en font.

Pour répondre à vos questions

Qu’est-ce que la loi de Parkinson dans le travail ?

La loi de Parkinson, formulée en 1955, explique que « le travail s’étend pour occuper tout le temps disponible ». Dans le travail du savoir, elle montre que le temps investi prend souvent le pas sur le résultat. Elle met en lumière un rapport de force : soit le salarié s’approprie son temps, soit l’organisation l’occupe, parfois de manière peu productive.

Comment les salariés utilisent-ils un excès de temps ?

Trois attitudes dominent. Certains étalent leur tâche pour ne pas paraître inactifs. D’autres repoussent l’effort jusqu’à la dernière minute, selon le « syndrome de l’étudiant ». Enfin, certains réinvestissent ce temps en formation ou en veille. Dans tous les cas, le temps libre est toujours rempli, volontairement ou par contrainte.

Que fait l’organisation du temps non utilisé ?

L’entreprise tend à saturer toute marge. Le temps libéré est souvent absorbé par du reporting, des réunions ou de nouveaux processus. Cette logique, décrite par Galbraith et Goldratt, montre que l’oisiveté relative est rarement tolérée et qu’un gain individuel ne profite pas toujours à l’efficacité globale.

Le numérique réduit-il vraiment la charge de travail ?

En pratique, non. Les outils censés libérer du temps créent de nouvelles tâches : remplir des tableaux, mettre à jour des plateformes, multiplier les réunions. Chaque automatisation est compensée par des sollicitations supplémentaires, si bien que le temps économisé se transforme en surcharge et réduit la marge de manœuvre des salariés.

Pourquoi la gestion du temps est-elle stratégique ?

Le temps est au cœur d’une compétition. Le salarié veut l’utiliser pour apprendre ou souffler, tandis que l’organisation cherche à l’occuper entièrement. Sans appropriation active, le temps disponible est confisqué par l’entreprise. Pour un manager, l’enjeu est donc de favoriser un usage autonome et utile du temps gagné.

Crédit visuel : Image générée par intelligence artificielle via ChatGPT (OpenAI)

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
You don’t speak french ? No matter ! The english version of this blog is one click away.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
27AbonnésS'abonner

Récent